Après deux premières apparitions remarquées sur la distance mythique de la course à pied (2h30’27 à Valence le 4 décembre 2022 puis 2h26’55 à Amsterdam le 15 octobre 2023), Méline Rollin sera au départ du Marathon de Séville ce dimanche 18 février avec une qualification olympique en vue. Dans la capitale de l’Andalousie, la pensionnaire du Grac Athlétisme aura en ligne de mire le troisième et dernier billet des Françaises mis en jeu pour les JO de Paris 2024. Assise à la terrasse d’un café, la protégée d’Azis Zidane a pris le temps de répondre aux questions de Stadion lors d’un échange téléphonique.
— Méline, êtes-vous satisfaite de votre préparation pour le Marathon de Séville ?
J’ai fait une bonne préparation, elle a été plus longue et avec un volume plus important que pour le Marathon d’Amsterdam. Pour Amsterdam, j’étais montée une semaine à 160 km et puis le reste, c’était plutôt entre 150 et 160 km sur trois ou quatre semaines. Ma préparation avait duré neuf semaines alors que pour le Marathon de Séville, j’ai fait une préparation sur onze semaines. J’ai fait beaucoup de foncier au début, j’ai été plus régulière au-delà de 140 kilomètres et ensuite j’ai fait trois bonnes semaines à Lille avec à peu près 180 km par semaine. Les six dernières semaines j’étais en stage à Monte Gordo et j’ai pu me concentrer à 100% à la préparation et dans des bonnes conditions climatiques. Dans le Nord, ça aurait été un peu plus compliqué.
— Les séances spécifiques se sont bien passées ?
J’ai refait des séances que j’avais déjà réalisées pour Amsterdam et globalement j’étais plus à l’aise sur les allures où j’allais plus vite, donc c’est rassurant de pouvoir comparer. On va dire qu’il n’y a pas eu beaucoup de temps entre les deux marathons, donc on se demande comment on va réussir à progresser en si peu de temps.
— Comment s’est déroulé votre stage à Monte Gordo ?
Dans l’idéal, j’aurais préféré aller à Font-Romeu mais à cette période de l’année, ce n’était pas possible parce que les conditions ne sont pas bonnes. Je voulais quand même partir en altitude. J’ai réfléchi au Kenya mais comme je n’y suis jamais allée, je craignais un peu l’acclimatation. Alors qu’en venant à Monte Gordo, je n’avais pas ce problème d’acclimatation. Les conditions étaient vraiment top. C’était plutôt ensoleillé avec toujours un peu de vent.
— Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour dimanche ?
De battre mon record et au minimum de faire les minima, et puis d’être la troisième Française en me rapprochant de 2h25. Je serai satisfaite si j’y parviens.
— Vous allez devoir couper la ligne d’arrivée plus vite que les 2h25’48 de Manon Trapp (réalisés à Valence le 3 décembre 2023), qui détient actuellement le troisième ticket français sur marathon…
Même si je fais tout juste un peu moins que Manon, je pense que ça pourrait ne pas être suffisant. Les filles vont recourir. Déjà, il y a Margaux (Sieracki) qui court en même temps que moi, donc si elle est devant moi, ce n’est pas bon pour moi. D’autres filles vont recourir en avril. C’est possible qu’elles fassent mieux. Je vais tenter de faire un peu mieux pour essayer de prendre moins de risques sur le fait de me faire dépasser. Si je fais 2h25’40, je vais vraiment attendre avril avec un peu de stress.
— Quels enseignements avez-vous tiré de vos deux premiers marathons dans l’optique du Marathon de Séville ?
Valence, c’était vraiment la découverte et je n’avais pas d’ambition particulière. Je n’ai pas pris de risques et je suis partie sur des allures que je savais que normalement je tiendrais. Même si c’était mon premier marathon et si je ne savais pas comment mon corps allait réagir. Pour les deux marathons, je n’ai pas craqué sur la fin mais je ne pouvais pas accélérer. Musculairement, c’était très dur pour accélérer. J’ai un peu travaillé la fin de course pour que je puisse accélérer si besoin lors du Marathon de Séville. Sur le ravitaillement, je pense que je peux encore optimiser. Amsterdam, ce n’était vraiment pas optimal. Toutes les tables étaient du même côté et la route était étroite. J’ai perdu beaucoup de temps à essayer d’attraper mes gourdes.
— Avant la fin de la période de qualification (30 avril 2024), il y avait aussi le marathon de Paris le 7 avril, le marathon de Rotterdam le 13 avril, le marathon de Londres le 21 avril ou encore celui d’Hambourg le 28 avril. Pourquoi avoir choisi Séville et non pas un autre marathon au tracé aussi rapide ?
Je pense que pour la météo, c’est peut-être un des moins risqués. Le parcours est peut-être aussi un des plus roulants. À Amsterdam, il y avait beaucoup de virages. À la fin, ça casse un peu les jambes. Le Marathon de Séville, ça doit être un des meilleurs, c’est aussi pour ça que j’ai pris le pari de recourir dès le mois de février. Courir un marathon en avril, si jamais j’arrive à me qualifier pour les Jeux, ça faisait très serré. Si ça passe, j’attendrai de voir ce que les autres filles feront en avril. Sinon, si ça ne passe pas, j’aurais essayé au moins de me qualifier.
— Pensez-vous au record de France de Christelle Daunay (2h24’22 à Paris en 2010) ?
Je l’ai toujours dans un coin de la tête. Mais l’objectif, ce n’est pas vraiment le record de France. Je pourrais partir sur ces allures-là. Mais c’est un risque d’exploser avant la fin et de ne pas faire moins de 2h25’48. Plus tard, oui. Mais là, même si je suis à 10 secondes à l’arrivée du record de France, je ne serais pas déçue. Je pense plutôt à la place pour me qualifier aux Jeux qu’au record de France.
— Cette densité chez les Françaises, c’est aussi un facteur qui motive davantage ?
S’il n’y avait pas toutes ces filles qui avaient fait les chronos, je partirais sur les minima et pas sur un chrono 1’30 inférieure aux minima. Cette densité me pousse à aller chercher encore mieux. C’est du jamais vu. Même il y a quelques mois, on n’aurait pas imaginé ça. Je trouve que c’est cool. Ça fait parler et ça redynamise le marathon. Ça me challenge, ce n’est pas plus mal au final.
— Vous faites partie de la « Team Athlètes » de DECATHLON pour les JO de Paris 2024, on imagine que c’est une fierté pour vous…
On fait quelques regroupements dans l’année. J’apprécie beaucoup échanger avec tous les athlètes et les médaillés olympiques. Ça change parce j’ai toujours l’habitude d’être avec des athlètes et ça me permet de m’ouvrir à d’autres sports. Et puis en travaillant chez DECATHLON, c’est encore plus sympa.
— Vous êtes également data-analyste chez DECATHLON, en quoi consiste votre métier précisément ?
Plus précisément, je travaille sur la connaissance des clients, tout ce qui va être autour des achats, tous les points de contact que les clients peuvent avoir avec DECATHLON, pour mieux les connaître, mieux les cibler. Vraiment sur la connaissance des clients. On utilise un peu toutes les données qu’on peut récupérer sur nos clients. J’ai un CDI à temps plein, mais j’ai fait une convention entre DECATHLON et mon club qui me permet de me libérer 60% de mon temps depuis janvier dernier. Je travaille à 40%, mais de façon annualisée. Je peux partir en stage et puis travailler par exemple à 80% après une grosse course.
— Vous voyez-vous sur le long terme chez DECATHLON ?
J’aime bien mon métier et mon équipe qui est à fond derrière moi. J’aimerais bien essayer de pousser un peu plus le côté sportif et de me garder encore du temps. On verra si c’est possible. Après ma carrière sportive, j’aimerais bien continuer à travailler chez DECATHLON.
— Parlez-nous aussi de votre rôle d’ambassadrice chez KIPRUN, la marque running et trail propre à DECATHLON ?
Ça a du sens de travailler chez DECATHLON et d’être ambassadrice d’une marque de DECATHLON. J’ai vraiment rejoint KIPRUN au début de l’aventure donc je vois l’évolution d’année en année. Les produits sont de mieux en mieux, les chaussures également. Je travaille à 100 mètres des bureaux de KIPRUN et j’habite à 5 minutes donc c’est simple de communiquer avec eux, de venir les voir sur place, d’aller chercher des produits, etc. Même s’il commence à y avoir pas mal d’athlètes ambassadeurs, on prend le temps de nous écouter, on nous demande nos avis sur des produits, on nous fait tester des nouveaux prototypes. Il y a un côté sympa d’être un peu testeur des nouveautés.
— Quelles sont vos conditions d’entraînement à Lille ?
Si on enlève la météo l’hiver, ça va. J’ai un grand parc et un lac pour m’entraîner en nature. J’ai la piste quand j’en ai besoin. Je cours beaucoup toute seule. Je n’ai pas trop d’horaires d’entraînement sauf quand je vais sur la piste. J’ai un bon rythme. Et puis, je travaille à côté de la piste d’entraînement.
— Comment se déroule votre entraînement à distance avec votre coach Azis Zidane ?
Il m’envoie mon plan en avance. On ajuste au jour le jour. S’il y a de la fatigue, on change. Si ça roule, on suit le plan. On se contacte assez régulièrement au téléphone. Et c’est pour ça que ça marche bien aussi. Et que même s’il ne me voit pas très souvent, il sait quand je suis en forme ou fatiguée, rien que quand je lui donne mes chronos ou mes sensations. Je rentre de temps en temps dans les Ardennes où je le vois. Il sera présent au Marathon de Séville, tout comme mes parents, et c’est la première fois qu’ils viennent me voir sur un marathon. C’est une source de motivation supplémentaire. Si je fais un bon chrono, je pourrais partager avec eux.
— Le décès tragique de Kelvin Kiptum dimanche dans un accident de voiture a bouleversé le monde de l’athlétisme. Qu’est-ce qu’il représentait pour vous ?
Il avait à peu près le même âge que moi donc forcément je m’identifie un peu. Je trouve ça vraiment triste parce qu’il avait toute la vie devant lui. Ça fait relativiser. On se dit que tout peut basculer du jour au lendemain. L’athlétisme, c’est bien mais il n’y a pas que ça. Comme beaucoup, j’avais hâte de voir ce qu’il allait faire à Rotterdam (il avait pour objectif de devenir le premier athlète à descendre sous les 2 heures au marathon, ndlr). En fait, on ne le connaît pas, mais on est triste, c’est bizarre.
- Le départ du Marathon de Séville 2024 sera donné ce dimanche 18 février à 8h30.
Crédits photos : Antoine Decottignies et Mathis Savoyat / KIPRUN