La Bretonne Agathe Guillemot a frappé un grand coup aux Championnats d’Europe en salle à Apeldoorn. Intenable en finale du 1500 m, la demi-fondeuse de la « Team kRocket » a dynamité la course avec une dernière accélération d’anthologie pour s’offrir son premier titre continental en 4’07″23. Sur la même distance, Azeddine Habz a décroché l’argent et a tout tenté pour rivaliser avec le monstre Jakob Ingebrigtsen, encore intouchable. Sur 60 m haies, Wilhem Belocian (argent) et Just Kwaou-Mathey (bronze) ont ajouté deux nouvelles breloques au compteur tricolore, portant le total des Bleus à quatre médailles après deux journées. Résumé d’une soirée mémorable pour l’équipe de France d’athlétisme.
Quand Agathe Guillemot est sur un nuage, personne, même la foudroyante Georgia Hunter Bell, médaillée de bronze aux JO de Paris l’an dernier, ne peut la faire descendre. Partie sur les chapeaux de roue en finale du 1500 m, et rapidement au milieu des Britanniques, la Bretonne a claqué un pimpant 2’37 au dernier km et a dégainé une folle accélération sur les 100 derniers mètres d’une intensité indécente. Déchaînée à l’arrivée, la sociétaire Haute Bretagne Athlétisme a décroché le premier titre majeur de sa carrière en 4’07″23. Après avoir goûté au podium continental l’été dernier à Rome (3e), Agathe Guillemot continue son irrésistible ascension. Détentrice des records de France du 1500 m, aussi bien en salle qu’en plein air, la Bretonne de 25 ans avait affiché ses ambitions dès le début de l’hiver : l’or à Apeldoorn en ligne de mire avant de se projeter sur les Mondiaux de Nankin (Chine, 21 au 23 mars), où la gamine du Pont-l’Abbé rêve désormais de briller sur la scène planétaire. Au classement final, l’élève de Marc Reuzé a devancé la surprenante portugaise Salomé Afonso (4’07″66) et la Britannique Revee Walcott-Nolan (4’08″45), devançant d’un rien sa compatriote et favorite au départ Georgia Hunter Bell (4e en 4’08″45). De toute beauté pour celle qui a dû passer une courte nuit.
HISTORIQUE !!! Agathe Guillemot décroche son premier titre européen sur 1500 m !!!
Une course magistrale, un dernier virage de feu, et une arrivée en or en 4’07 »23 ! Une explosion d’émotions pour un sacre inoubliable !
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« Ce qui est fou, c’est que j’ai pu savourer cette victoire dans les derniers mètres »
« Je me suis rendu compte en séries que Georgia (Bell) avait la place idéale, devant, témoignait la nouvelle championne d’Europe en salle du 1500 m. Tu contrôles toute la course et quand tu veux partir, tu pars. Georgia a craqué dans le dernier 100 m. Je ne m’y attendais pas du tout. Ce qui est fou, c’est que j’ai pu savourer cette victoire dans les derniers mètres. Je voulais presque faire un coucou à mon coach. Eh, regarde, je suis en train de gagner ! J’ai eu pas mal d’audace de me replacer devant. J’ai toujours essayé de garder la corde. J’ai gagné facilement ! Vous vous rendez compte, la meuf (Georgia Bell), elle a fait médaille aux Jeux, et là, je la fume. Ah mais là, tout est possible. Il y a plus personne ! Faith Kipyegon ? Rétro ! J’ai juste envie d’aller voir mon coach et mon copain. Et aussi de vomir, mais là, ce sont les émotions. J’avais dit toute la saison à mon coach que j’allais gagner cette médaille (d’or). À Rome, j’avais entendu l’hymne irlandais et ça ne m’avait pas du tout plu. C’est nul, on est là à poireauter pendant deux minutes. Je voulais pouvoir chanter. Demain, je vais régaler le stade ! Préparez vos voix, ça va être incroyable ». Autre Française en piste dans cette finale, Bérénice Cleyet-Merle s’est classée neuvième en 4’10″60.
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Azeddine Habz, l’argent après le bronze
Comme d’habitude, il y avait Jakob Ingebrigtsen et les autres. Après un début de course marqué par un round d’observation sur un 1500 m tellement attendu, le Norvégien, parti en dernière position, a remonté progressivement avec une aisance impressionnante, dépassant un à un ses adversaires. Une fois en tête, le recordman de la spécialité a imposé un tempo soutenu, à la fois régulier et trop rapide pour le reste des finalistes. Derrière, le Tricolore Azeddine Habz (3’36″76) tentait de suivre le train, mais dépasser le Viking devenait mission impossible, surtout dans l’ultime tour. L’écart est infime : trois dixièmes seulement entre les deux premiers, et le chrono de 3’36″56 est anecdotique.
Azeddine Habz s’offre une superbe médaille d’argent sur le 1500 m !
En 3’36 »92, il termine brillamment deuxième, derrière l’indétrônable Jakob Ingebrigtsen. Bravo Azeddine !
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L’exploit est plus grand pour le Portugais Isaac Nader, auteur d’une dernière ligne droite de feu et récompensé par une place sur la boîte (3e en 3’37″10). Ingebrigtsen a, quoi qu’il en soit, remporté son sixième sacre européen et son troisième sur 1500 m avant de tenter de réussir son troisième incroyable doublé 1500 m – 3000 m, après 2021 et 2023. Azeddine Habz s’est, lui, adjugé aux Pays-Bas sa deuxième médaille internationale après avoir déjà goûté au bronze, il y a deux ans à l’Euro indoor d’Istanbul (Turquie).
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« Il valait mieux assurer la médaille d’argent plutôt que rien »
« J’aurais bien aimé gagner, rapportait celui qui retournera, si tout se passe bien en séries demain, sur la piste bleu dimanche (16h50) pour disputer la finale du 3000 m. J’ai essayé, mais j’ai vu que ça revenait derrière et je me suis dit qu’il valait mieux assurer la médaille d’argent plutôt que rien. Je suis super content de ma course, lors de laquelle la logique a été respectée avec les trois meilleurs temps d’engagement aux trois premiers rangs. C’est une place de gagnée par rapport à il y a deux ans. Je monte petit à petit, il faut savoir savourer. Je pensais que ça allait courir vite. Finalement, je me suis retrouvé devant et j’ai pris mes responsabilités. Quand Jakob (Ingebrigtsen) est revenu, j’ai commis une petite erreur en accélérant brutalement pour me placer derrière lui. Je pense que ça m’a coûté le dernier 100 m. Place maintenant à la récupération, et rendez-vous demain midi pour les séries du 3000 m ». Dans cette finale de folie, deux autres Tricolores ont tenté de s’illustrer, mais Louis Gilavert a finalement terminé à la cinquième place (3’38″84), tandis que Paul Anselmini a malheureusement été disqualifié après la course pour avoir provoqué la chute de l’Allemand Robert Farken.
Wilhem Belocian, en argent, et Just Kwaou-Mathey, en bronze, perpétuent la tradition tricolore sur 60 m haies
Les Bleus ont brillé sur les haies et ce n’est une surprise pour personne. Wilhem Belocian et Just Kwaou-Mathey ont tous deux accroché une place sur le podium du 60 m haies. Des places méritées. Vice-champion d’Europe en 7’‘45, le licencié du Lille Métropole Athlétisme ajoutait une nouvelle médaille à sa collection après son sacre en 2021 du côté de Torun (Pologne) et se relance après une année olympique compliquée. Dès ses premiers pas chez les seniors en 2015, il s’était déjà fait une place sur la boîte, raflant le bronze lors du légendaire triplé tricolore à Prague (Euro en salle), aux côtés de Pascal Martinot-Lagarde et Dimitri Bascou. Une entrée en scène éclatante qui annonçait la suite de son parcours doré et désormais argenté.
Wilhem Belocian et Just Kwaou-Mathey sur le podium du 60 m haies !
Ils étaient venus pour l’or mais ils montent tous les deux sur la boîte. Wilhem Belocian 2e en 7 »45 et Just Kwaou-Mathey 3e en 7 »50 sont tous les deux devancés par le Polonais Jakub Szymanski.
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« Je pense que je me fais encore avoir en partant à un moment sur un faux rythme, confiait le champion du monde juniors 2014. Je vois qu’il (Jakub Szymanski) me passe et j’essaye de me remettre dedans. C’est une course où j’aurais pu aller chercher un meilleur chrono et la médaille d’or. Je suis en même temps frustré et content. J’essaye de voir le positif. Je reviens de loin, après une blessure l’an dernier qui m’avait empêchée de m’exprimer. Je vais redescendre tranquillement et, d’ici la cérémonie des médailles, l’émotion va venir. On a deux médailles pour l’équipe de France, c’est super. Même si avec Just, on s’était dit en chambre d’appel que c’était l’or et argent pour nous deux. ».
Dans son sillage, Just Kwaou-Mathey a signé une superbe performance en s’emparant du bronze en 7″50. Le sociétaire de l’US Créteil s’était rompu le tendon d’Achille droit en avril 2024 et agrandi son palmarès d’une nouvelle médaille de bronze. Métal qu’il a déjà eue entre les mains aux Championnats d’Europe en plein air de Munich en 2022, à l’Euro indoor d’Istanbul en 2023 et aux Mondiaux en salle de Glasgow l’an dernier.
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« C’est un peu un exploit »
« Cette médaille a vraiment un goût spécial, savoure le hurdler de 25 ans. À chaud, il est un peu amer. Mais je sais que le parcours a été long depuis ma blessure, il n’y a même pas un an. C’est un peu un exploit. Il faut relativiser. Physiquement, j’étais présent. C’est sur l’aspect mental qu’il y a encore des manques. Je dois arriver à me concentrer sur mon schéma. J’ai réalisé ma meilleure course en entrant dans le championnat, mais je n’ai pas pu la reproduire. C’est une question de confiance en soi et de repères. Ça fait quatre hivers où je prends des récompenses, c’est quelque chose à retenir. Je n’ai pas réalisé la course que je voulais, mais je suis content d’être là et en forme ». Les deux Bleus perpétuent la tradition : Depuis 2009 et neuf six dernières éditions, il y a toujours eu au moins un Français sur le podium du 60 m haies. La victoire est revenue au Polonais Jakub Szymanski (7″43), meilleur spécialiste européen de ce début d’année en 7″39, et légèrement au-dessus du lot lors d’une finale globalement serrée. Avec ces deux nouvelles breloques, la France porte son total à quatre médailles dans ces Europe indoor.
Tous les résultats des Championnats d’Europe en salle 2025
Texte : Dorian Vuillet
Crédits photos : Solène Decosta & Gaëlle Mobuchon / STADION