Kévin Menaldo, deuxième meilleur perchiste français cette année avec 5,80 m derrière le maître Renaud Lavillenie, se pose aujourd’hui comme un des meilleurs athlètes de l’équipe de France d’athlétisme. Quand on aborde son palmarès, le protégé de Gérald Baudoin à l’INSEP écarte le sujet aussi aisément qu’il efface une barre. En effet son regard est tourné vers l’avenir. Il admet en revanche que le mental est son point fort et que son esprit de compétiteur lui fait détester la défaite. Éliminé dès les qualifications aux JO cet été en raison d’une préparation gâchée par une succession de blessures, le sociétaire de l’
La rencontre a eu lieu fin décembre au Stadium Pierre-Quinon de Nantes après un entrainement. Kévin Menaldo est en stage pour 5 jours avec ses compagnons girondins de l’association Sud-Ouest Perche présidée par Théo Gaboreau. Kévin Menaldo est abonné au sourire, une attitude qui lui convient d’ailleurs parfaitement. Apparence posée, regard calme et assuré. Seul impératif : terminer l’entretien avant le début de la partie de volley prévue après la séance d’entraînement.
— Bonjour Kévin, comment s’est déroulé votre stage à La Réunion avec l’équipe de France (du 28 novembre au 12 décembre) ?
C’était un stage national et depuis quelques années maintenant on part à cette même période. On est toujours très bien accueilli et étant donné qu’ici c’est l’été, on a de super conditions, climatiques tout d’abord car il fait très chaud et avec du bon vent, quoique cette année le vent était un peu capricieux mais on a réussi à bien s’entraîner. Et pour ma part je poursuis la préparation hivernale que j’ai commencée à Bordeaux depuis la fin du mois de septembre et pour l’instant je n’ai pas de pépins physiques.
— Quel est le programme d’une journée type en stage ?
C’est très simple, on s’entraîne le matin et généralement on ne va pas sur le stade mais en musculation, soit un travail du haut ou du bas, soit un travail d’abdominaux, de gainage, réveil musculaire ou étirements. Et l’après-midi l’entrainement se déroule au stade et ça s’oriente le plus possible sur des séances techniques parce qu’on profite de la chaleur pour sauter et on sautait à peu près tous les jours si les conditions climatiques nous le permettaient.
Après vu que le stage dure 2 semaines, ce qui fait beaucoup surtout à cette période de l’année, on alterne avec des séances de courses, des séances de sprint, de travail de pied et d’élan. Mon élan maximum c’est 18 foulées mais l’année dernière j’ai sauté sur 16 foulées mais je compte travailler le 18 foulées parce que c’était l’élan que j’avais aux championnats du monde à Pékin en 2015 et c’est un élan que j’affectionne tout particulièrement mais qui demande de la préparation et qui est violent physiquement.
— Vous vous entraînez régulièrement aux côtés de Renaud Lavillenie ? Évoluer auprès du recordman du monde de saut à la perche, c’est agréable ?
A la base c’est un ami donc on échange beaucoup tout au long de l’année et disons que c’est toujours très enrichissant de s’entraîner avec Renaud Lavillenie étant donné qu’il a une vision du saut à la perche qui est bien particulière et qui lui est propre. Le but n’étant pas de copier et ça ce serait une erreur puisqu’il y a que lui qui peut sauter comme il saute, c’est son style. C’est sa vision globale de la perche qui est intéressante. Cela fait maintenant presque 10 ans que je le connais puisque quand je suis arrivé à Clermont-Ferrand en 2008 je m’entraînais dans son groupe avec Damien Inocencio, et rapidement on a commencé à se suivre sur les différents meetings, aujourd’hui je commence à rentrer dans les meetings de la Diamond League et donc on part très souvent en stage ensemble.
— Vous sentez un gros écart de niveau entre Renaud Lavillenie et vous ?
Au stage de La Réunion il n’était pas en forme (rires) mais après forcément il y a un écart parce qu’il a de la marge mais j’ai bon espoir de la réduire au maximum. Il ne faut pas brûler les étapes, c’est le recordman du monde, lui aussi a une belle marge de progression mais le but c’est de le rattraper petit à petit parce que si je saute à la hauteur de mes objectifs et de mon niveau, je devrais le rattraper.
— Vous pensez le titiller un jour ?
Oui évidemment mais c’est ce qui est bien, autant pour lui que pour moi. Je pense que lui ça le motive d’avoir quelqu’un qui le pousse derrière et moi je suis motivé parce que j’ai envie d’aller le chercher. Vu qu’on s’entend très bien sur les stades et en dehors, il n y a aucun souci, c’est une super bonne guerre, qui est saine et tout cela dans une très bonne ambiance.
— Cette saison y aura-t-il des nouveautés dans votre préparation sur le plan technique ?
En ce moment je travaille beaucoup la course d’élan, la structure de course ce qui représente 80% du saut à la perche. C’est de la course avec du placement, du gainage, du travail de pied et d’impulsion. Je sais que mon atout c’est la perche, c’est une fois que j’ai quitté le sol. Je travaille donc juste ce qui se passe avant pour optimiser ma liaison « course-impulsion ».
A La Réunion, on a pu mettre 14 foulées mais j’adapte ma préparation parce qu’avec toutes les blessures que j’ai eues l’année dernière (4 déchirures aux ischio-jambiers et 2 aux mollets) du mois de février jusqu’au mois de juillet je n’ai forcément plus la même vision de la préparation physique, je suis beaucoup plus à l’écoute de mon corps et pour l’instant ma préparation est optimale. On est à 2 semaines des compétitions, la première est à Tignes (6 janvier 2017) et je profite de ce stage à Nantes pour m’essayer sur les 16 foulées et avec des sauts qui partent très bien, avec une facilité, avec une aisance, pas de douleur.
— Quelles sont vos ambitions pour ce premier concours de rentrée à Tignes (6 janvier) ?
Je me rappelle que l’année dernière pour mon premier concours j’avais franchi 5,61 m sur 14 foulées en revenant de La Réunion. Je serai sur 16 foulées et donc le but ce serait de faire mieux donc sauter au minimum 5,60 m voir plus haut. Au delà de ce premier concours de rentrée, je souhaite avoir une régularité sur toutes les compétitions aux alentours de 5,70 m et pour aller un peu plus loin, j’aimerai bien battre mon record personnel en salle.
— A la différence d’autres athlètes, vous participez pleinement à la saison en salle. L’indoor, ça vous plaît ?
Pour les perchistes c’est un passage obligé. L’hiver sert avant tout à se régler et de prendre de la confiance. On n’est pas contraint à tous les problèmes de vent, tous les problèmes d’écarts de marque. On peut donc bosser dans de bonnes conditions.
— Pensez-vous aux Championnats d’Europe en salle (minima à 5,78 m) qui auront lieu début mars ? Avec quelles ambitions pour vous ?
J’y pense forcément, je n’ai pas l’habitude depuis quatre ans, sauf être blessé, de louper des championnats. J’ai envie de fonctionner par étapes, faire ma rentrée dans un premier temps, prendre compétition après compétition, engranger de la confiance, de l’expérience, ne pas avoir de problèmes physiques encore une fois, rester à l’écoute de mon corps parce que les blessures enlèvent tous les espoirs de performances.
La FFA a mis de gros minima, mais ça doit être atteignable. Si j’y arrive, je veux être compétitif et être finaliste. Je commencerai à avoir des objectifs au fur et à mesure de l’avancée des compétitions mais ce qui est dans un coin de ma tête, ce sont les Championnats du Monde à Londres cet été. Je touche du bois. Après des JO où je suis resté sur un telle frustration (éliminé en qualification), ça me donne encore plus de hargne et encore plus de rage, j’ai envie de revenir encore plus fort et frapper un grand coup à Londres, ça serait bien.
— Trois Français sur le podium des « Europe » en salle cet hiver, cela vous effleure l’esprit ?
Rires. Disons que si vous prenez le podium des JO 2016, à part Renaud (Lavillenie), il n’y a pas d’européen. Mais il y a le Tchèque Jan Kudlička qui fait quatrième, le Polonais Piotr Lisek qui termine sixième. Il y a donc un gros niveau en Europe. Après c’est un championnat, il peut tout se passer mais nous n’en sommes pas encore là.
— Aborde-t-on de la même manière un championnat d’Europe en salle et un championnat du Monde l’été ?
Oui et non, normalement on devrait se dire qu’il faut aborder toutes les compétitions de la même manière. Que ce soit des meetings du Perche Élite Tour ou les Jeux Olympiques ça reste une compétition avec des adversaires et où il faut se dépasser, c’est vrai que plus il y a d’enjeu dans une compétition forcément on ne l’aborde pas de la même manière. On se met indirectement plus ou moins de pression. Les championnats d’Europe en salle, ça reste un championnat, il y a une médaille à aller chercher mais même si on se rate ce n’est pas un fin en soi, l’hiver permet de se régler pour l’été.
— La barre des 6 mètres, qu’est-ce que ça évoque pour vous ?
C’est une barre mythique, je pense que pour tout perchiste c’est un peu le Graal d’avoir fait 6 mètres. Un perchiste qui a réalisé cette hauteur a plus ou moins réussi sa carrière et a laissé son empreinte dans le monde de la perche parce qu’on peut presque les compter sur 2 doigts de la main ! (NDLR : 20 perchistes). J’y pense, c’est une barre que j’ai envie de franchir, je ne m’entraîne pas pour faire 5,80 m pour toute ma vie. A ce niveau-là c’est une histoire de déclic, et je suis jeune, j’ai du temps. C’est quelque chose qui peut aller vite comme ça peut prendre plusieurs années. Le plus important c’est d’être régulier parce qu’avant de s’attaquer à des barres à 6 mètres il faut déjà être régulier à des hauteurs comme 5,70 m ou 5,80 m facilement, à chaque sortie.
J’ai déjà tenté plusieurs fois 5,90 m donc je commence à voir ce qui se passe à ces hauteurs-là. Je sais que pour l’instant, en toute honnêteté, je n’ai pas encore ce qu’il faut, je n’ai pas encore eu les perches et le levier suffisant pour aller chercher 6 mètres. Si ma préparation hivernale continue à se dérouler comme je le souhaite, je suis sur la bonne voie. Fin décembre, je prends déjà mes perches de début de concours des JO sur 16 foulées ce qui est un bon indicateur. Je suis plus fort physiquement et techniquement que l’année dernière où j’ai passé mon temps à courir après les championnats et les minima. Ma philosophie de cette année ça va être de prendre du plaisir, de m’amuser, d’enchaîner les compétitions sans forcément d’avoir d’objectifs précis si ce n’est de sauter le plus haut possible.
— En dehors de l’athlétisme, vous êtes aussi passionné de musique et DJ à vos heures perdues. Expliquez-nous.
C’est simple, je fais de la musique depuis que j’ai 6 ans. C’était au début de la musique électronique, c’est ma génération dans les années 90 avec David Guetta et les Daft Punk. J’ai un ami qui faisait des soirées, des mariages et j’ai tout de suite accroché. J’ai donc acheté mes platines, j’ai commencé à être plutôt pas mauvais et à faire mes propres soirées, mes premiers clubs, faire de la production dans des studios. Je suis un autodidacte dans la musique. J’ai suivi une formation dans une école pour être reconnu DJ professionnel. Maintenant je me retrouve à faire de soirées de 8 000 à 10 000 personnes. J’ai la chance d’avoir comme parrain Jay Style, un DJ mondialement connu pour ses collaborations avec Bob Sinclar, David Guetta, Will I Am et bien d’autres.