Avant le début des Jeux olympiques de Tokyo, nous avons eu l’occasion d’échanger avec Erik Pflieger, chef de produit pour la marche athlétique chez Decathlon. Un homme passionné et passionnant. Marque numéro un des chaussures de marche, Newfeel peut se targuer de n’avoir cessé depuis 10 ans d’évoluer en fonction des besoins des marcheurs. Elle s’illustre en effet dans trois sports : la marche sportive, nordique et athlétique. Avec environ 9,3 millions de pratiquants, la marche s’inscrit comme le troisième sport le plus pratiqué par les Français.
— Erik, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ? Quel est votre rôle chez Newfeel ?
Je m’appelle Erik Pflieger, j’ai 37 ans, je travaille chez Decathlon depuis treize ans dont les quatre dernières années en qualité de chef de produit sur différents sports dont la marche athlétique. Mon travail consiste à travailler les produits en lien avec la pratique de la marche athlétique, essentiellement les chaussures. Je suis venu vers ce métier car la marche est un sport qui me passionne et je suis passionné par le marcheur également. J’ai appris à comprendre son univers, ce qui me rend pertinent sur la nature des produits. Mon rôle premier est de développer des produits qui satisfassent les besoins des marcheurs du monde entier sans pour autant perdre ce qui fait l’ADN de Newfeel, rendre le sport accessible.
— La marche est très pratiquée dans le monde entier, cependant ce n’est pas le cas de la marche athlétique…
Il y a 730 millions de personnes qui marchent pour leur bien-être et leur plaisir (hors club) et 300 000 pratiquants de marche athlétique au monde. Aujourd’hui, la France compte environ 9 à 10 millions de pratiquants. La marche s’inscrit comme le troisième sport le plus pratiqué par les Français mais il y a seulement 2000 pratiquants seniors en marche athlétique. C’est un sport de niche alors qu’il s’agit tout de même d’un sport olympique. Il s’agit de sportifs exigeants, et c’est pour eux que nous trouvons des innovations, les bonnes matières et les bons matériaux et des concepts de flexibilité. Cela nous permet ensuite d’amener ces concepts, d’une manière ou d’une autre, vers l’ensemble des pratiques de marche.
— En 2018, Newfeel a révolutionné le marché de la marche athlétique en créant la première chaussure au monde à destination des pratiquants de ce sport, la RW900. Pouvez-vous nous rappeler pour quels besoins la gamme a été créée et quelle était la réflexion derrière sa création ?
Newfeel est une marque qui vient de fêter sa treizième bougie et a en effet décidé de sortir en 2017 le premier modèle de marche athlétisme au monde, la RW900. Nous raisonnons par sport chez Decathlon et même par subdivision du sport. Au sein de Newfeel, nous avons une division marche nordique, une division marche sportive et une division marche athlétique. Il y a une forte singularité entre un marcheur et un runner. Un marcheur n’a pas la même biomécanique. Entre différents types de marcheurs, il y a plus de similitudes entre un marcheur nordique et un marcheur athlétique qu’entre un runner et un marcheur athlétique. Nous avons pointé qu’il fallait développer des produits spécifiques dédiés pour les marcheurs. Nous avons travaillé une gamme pour répondre à toutes les volontés de ces marcheurs, du marcheur sportif qui marche pour son bien-être et pour sa santé, au marcheur nordique qui utilise des bâtons et jusqu’au marcheur athlétique qui va utiliser des chaussures bien particulières avec de la flexibilité, pour accompagner le pied et avoir une fluidité parfaite dans le mouvement, du dynamisme, dynamiser cette foulée sans sauter, et de la légèreté.
— Cette chaussure a été imaginée et conçue en collaboration avec des marcheurs…
Nous avons les ingrédients de base et on travaille avec des marcheurs. En l’occurrence, pour la RW 900 première génération nous avons fait appel à des marcheurs qui étaient aux portes de l’équipe de France. On a travaillé avec nos laboratoires de recherche et développement et on a imaginé un modèle dont le secret de fabrique c’est qu’elle avait une géométrie de semelle particulièrement bien adaptée aux mouvements de la marche athlétique. Un arrondi au niveau du talon qui permettait d’avoir une pose de pied au niveau du talon et d’accompagner le déroulé de pied. Une face plat pied très forte, là où une paire de running est souvent creusée au niveau de la voûte plantaire, et avec une flexibilité qui permet d’accompagner jusqu’au gros orteil le mouvement. Ça, c’était son ADN premier. Nous avons envoyé ce modèle à Yohann Diniz en 2017 après son titre de champion du monde du 50 km à Londres en 2017. Il nous avait indiqué que nous avions bien progressé sur les attentes d’un marcheur et qu’il avait envie de nous accompagner sur le développement des produits de la gamme marche athlétique.
— Depuis cette première version, jusqu’à la RW900 « Route to Tokyo », est-ce que vous pouvez nous résumer les évolutions et quelles ont été les corrections etc ?
Aujourd’hui, une grande partie des marques de course à pied intègre des matières rebondissantes telles que des plaques carbones dans l’objectif d’obtenir une paire qui va emmagasiner de l’énergie et la restituer de manière à sauter d’un point A à un point B. Évidemment, en marche athlétique ce n’est pas adapté. Nous on veut quelque chose qui soit très proche du sol et accompagne plus rapidement le mouvement. Le temps de contact au sol en marche est 4 à 6 fois supérieur à ce qu’on a en course à pied. Les marcheurs ont une phase plein pied qui n’existe pas en course à pied, et on va pousser jusqu’au gros orteil.
Nous sommes venus mettre une mousse rebondissante à l’intérieur du modèle au niveau des métatarses pour passer plus facilement des métatarses au gros orteil. Cela permet d’accélérer les phases de transition entre « talon plein pied » et « plat pied orteil ». Également sur le confort de la chaussure, avec notamment le chausson où nous avons travaillé sur un mix matière avec du tissu et du tricot pour que le pied soit bien serré.
— Yohann Diniz a été impliqué dans la création de la dernière RW900 « Route to Tokyo ». Quel a été son rôle ?
Nous sommes très fiers de compter Yohann Diniz parmi nos ambassadeurs, c’est un levier de valeur très important pour Newfeel. Le nouveau modèle Newfeel RW900 « Route to Tokyo » a été développé et conçu en coopération complète avec Yohann, mais également avec d’autres marcheurs de l’équipe de France comme Kévin Campion, Émilie Menuet et Keny Guinaudeau. Yohann, qui est un pionnier dans sa discipline, n’avait jamais été sollicité auparavant par un équipementier pour donner son avis sur une gamme et ce qu’il pouvait apporter pour l’améliorer. Il avait mis en avant le manque d’accroche et d’adhérence sur la première version. Il nous a aidé sur le dynamisme de la chaussure V2, qui est le secret de la V2. Il nous a accompagnés dans le développement d’une plaque plastique, positionnée entre la semelle médiane et la tige, qui vient rigidifier au niveau du talon.
— Pensez-vous que toutes ces innovations ont permis de rendre les marcheurs plus performants au fil des années ?
De nombreux marcheurs ont porté nos modèles dans le cadre des Jeux olympiques, ce qui reflète que Newfeel est une marque technique et cela nous aide en recherche et développement pour améliorer le reste de la pratique.
— Plusieurs marcheurs et marcheuses vont porter la paire sur les épreuves olympiques de 20 et 50 km. Combien exactement ?
Nous sommes très fiers d’accompagner 25 marcheurs. Il s’agit de partenaires à la conception des produits et d’acteurs de la promotion de la pratique. Nous avons entre 12% et 18% de part de marché sur les compétitions nationales et internationales. Newfeel est partenaire de 55 marcheurs internationaux sur 25 pays dont 25 marcheurs de 18 pays vont concourir aux Jeux olympiques de Tokyo, ce qui représente 15% du peloton toutes distances, notamment le 50 km hommes où nous seront le plus représentés.
— Comment se déroulent les collaborations avec les athlètes ?
Nous avons constitué une team athlètes de différentes nationalités (France, Espagne, Italie, Japon, Afrique du Sud, États-Unis, Brésil, Turquie, Canada, Équateur, Kazakhstan, Iran, Lettonie…) dans le but de comprendre le pratiquant et répondre à ses attentes. Les besoins ne sont pas les mêmes, les terrains ne sont pas les mêmes, les goûts pour les couleurs ne sont pas les mêmes. Dans l’objectif de faire évoluer la gamme. Un marcheur de haut niveau change en moyenne ses chaussures 4 à 6 fois par an. Un athlète comme Yohann Diniz change de chaussure tous les mois. Les marcheurs ont beaucoup de kilomètres sur le bitume et viennent beaucoup gratter au sol, ce qui fait que la paire s’use relativement rapidement. Etant donné que ce sont des chaussures qui n’ont pas un gros amorti. Nous recherchons à créer des modèles durables, à des tarifs attractifs et donc accessibles. D’où le fait que nous avons sorti une gamme à double entrée avec une RW900 première génération (accessible à 40,00 €) et une seconde version (axée compétition à 60,00 €).
— Une troisième version de la RW900 est-elle en cours de conception ?
La version 3 de la RW900 sera disponible dans le courant de l’année 2022.
— Nous l’avons annoncé sur Stadion il y a quelques semaines, Decathlon devient partenaire des Jeux olympiques de Paris 2024. Quel sentiment cela vous procure-t-il ?
La volonté première de Decathlon est de mettre les gens au sport. On s’est associé à Paris 2024 pour être partenaire en levier sociétal de mise au sport. Nous avons été séduits par le principe de « Terre de Jeux » qui est un label destiné à tous les territoires : communes, intercommunalités, départements, régions, France métropolitaine et dans les territoires d’Outre-mer qui s’engagent à promouvoir les valeurs du sport et sa pratique, auprès des scolaires comme du grand public.
— Depuis début août, un tee-shirt en l’honneur de Yohann Diniz est en prévente. Une façon de lui rendre hommage à la suite de l’annonce de sa carrière ?
Nous avons développé une série limitée de tee-shirts (2021 exemplaires) en référence à l’année 2021, date de la fin de carrière de Yohann Diniz. Cela nous tenait à cœur de rendre hommage à son record du monde, nous explique Erik Pflieger, chef de produit pour la marche athlétique chez Decathlon. L’épreuve du 50 km marche disparait définitivement du programme olympique. Ce record restera éternel. Il s’agit d’une collection lifestyle autour de ce record mythique des 3 heures, 32 minutes et 33 secondes (14,16 km/h) intitulée « YD ETERNAL », au tarif de 20,00 € sur le site Decathlon. Nous attachons une place importante à l’environnement dans le processus de création du tee-shirt puisqu’il est made in France (Tourcoing) et éco-conçu.
Crédit photo : Newfeel