Dans une nouvelle soirée exceptionnelle aux Championnats d’Europe de Munich, Pascal Martinot-Lagarde a décroché la médaille d’argent sur le 110 m haies en 13″14, à seulement un millième du titre mais veut relativiser au vu de son été compliqué. Just Kwaou-Mathey est lui aussi monté sur le podium en empochant le bronze derrière son aîné en 13″33. Plus tôt dans la soirée, Jean-Marc Pontvianne avait parfaitement lancé la dynamique en prenant le bronze au triple saut (16,94 m).
L’athlé comme on l’aime. De belles performances, des médailles et des émotions : la recette d’une soirée réussie. Sur la course la plus attendue de la soirée, la finale du 110 m haies, il y avait trois français au départ, il y en aura finalement deux sur le podium, Pascal Martinot-Lagarde et Just Kwaou-Mathey. Retour dix haies plus tôt pour revivre cette course.
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Après une entrée sous « Sympathy for the Devil » des Rolling Stones, il n’en fallait pas plus pour comprendre que cette course à obstacles mettrait le feu à l’Olympiastadion. Les huit hurlders font leur apparition un par un et PML apparait en mode Terminator, visage impassible et lunettes imposantes. Dans les blocs, la tension se fait ressentir. Le starter appuie sur la détente, les huit acteurs s’élancent. Le champion d’Europe en titre à Berlin prend un bon départ, tout comme le favori espagnol Asier Martinez, médaillé de bronze à Eugene il y a quatre semaines. « JKM » part également bien, mais commet une faute sur la septième haie. La victoire se joue alors entre les deux premiers nommés. Le médaillé de bronze de Doha est au coude à coude avec son concurrent espagnol. La finale de Berlin 2018 nous revient naturellement en mémoire, dans laquelle le sociétaire de l’ES Montgeron était dans la même configuration avant de décrocher la victoire en 13″17 devant le Russe Sergueï Choubenkov pour quatre millièmes, grâce au désormais mythique « cassé du renard » cher à Ladji Doucouré.
Une histoire de millième
Retour en 2022, la ligne d’arrivée est là, les deux bronzés aux championnats du monde cassent, impossible à l’œil nu alors de dire qui est le nouveau champion d’Europe. Après des secondes qui semblaient être une éternité, Martinez (13″137) devance PML (13″138) par la plus infime des marges qui existe dans notre sport. Cette fois, le résultat n’est pas en sa faveur, mais l’athlète de 30 ans avait le sourire en zone mixte. Miné par des blessures à répétition, Pascal Martinot-Lagarde a signé le meilleur temps de sa saison. « Le scénario est beau et similaire aux derniers Championnats d’Europe, j’ai essayé de faire le cassé du renard, j’ai jeté mon corps sur la ligne d’arrivée et cette fois-ci ce n’est pas moi qui l’ai coupée en premier, on ne peut pas gagner tout le temps. Un millième c’est rien de chez rien, là on ne parle même pas de performance mais de chance, sur un clignement c’était moi, sur un clignement de yeux c’est lui. Je n’ai aucune déception, j’ai tout donné, j’ai tout essayé. Regardez mon parcours, j’ai galéré toute la saison et je finis sur une bonne note, 13″14 c’est vraiment pas mal ! ». Certes, la finalité berlinoise n’est pas la même à Munich, mais la saison fut si compliquée pour l’octuple champion de France, que cette médaille d’argent (sa douzième breloque en grand championnat chez les seniors) vaut presque de l’or. Comme à son habitude, le recordman de France du 110 m haies (12″95 en 2014) répond présent lors d’un grand championnat. Une nouvelle fois touché par les blessures cette saison, le protégé de Benjamin Crouzet n’avait pas pu réellement défendre ses chances à Eugene, mais la rage du champion est arrivée au meilleur des moments.
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« C’était un moment magique »
Le bronze revient donc à Just Kwaou-Mathey, à la bagarre jusqu’au bout avec le Suisse Jason Joseph (4e en 13″35), en forme cette saison. Pour sa deuxième sélection chez les grands, le pensionnaire de l’Evreux AC s’offre déjà une première breloque internationale, pour le plus grand plaisir de sa famille, présente en bord de piste, pour un moment suspendu et unique. Petit à petit, le déjà médaillé de bronze aux championnats de France à Caen se fait un nom, tout en simplicité parmi la prestigieuse liste des hurdlers Tricolores. « Je suis très heureux, c’est ma première médaille dans ma première finale même. C’est incroyable de faire une médaille avec un autre Français même si j’aurai voulu que Sasha soit sur le podium aussi, dommage qu’il n y aura pas de Marseillaise, ça aurait été cool. Je ne voulais pas arrêter mon tour d’honneur, je voulais rester sur le stade, c’était un moment magique avec toute ma famille dans les tribunes ! ». Pascal Martinot-Lagarde et Just Kwaou-Mathey ont savouré ensemble, puis avec une partie du collectif France, notamment les perchistes Margot Chevrier et Marie-Julie Bonnin, laquelle s’offre d’ailleurs une sixième place et un record à 4,55 m dans un concours de haute volée. Une belle photo et de beaux souvenirs pour ces jeunes athlètes, qui nous montrent que l’athlétisme est vraiment un sport à part, et qu’il faudra compter sur eux pour les années à venir. Le troisième représentant tricolore de cette finale, Sasha Zhoya a chuté sur la dernière haie, mais à évidemment célébré les médailles avec ses deux partenaires.
Jean-Marc Pontvianne avait parfaitement lancé la soirée
Les sauteurs Français aiment décidément le bronze. Après Jules Pommery hier à la longueur, Jean-Marc Pontvianne offrait alors une deuxième breloque du même métal aux Bleus, avant donc le doublé sur 110 m haies. Le quadruple champion de France Elite s’offre sa première médaille internationale à 28 ans. Pour se faire, le Nîmois a, comme souvent cette saison et comme à Eugene il y a quelques semaines, validé qu’un seul de ses six essais. Ce fut son troisième, mesuré à 16,94 m (-0,5 m/s). Pour sa dernière tentative, celui qui est coaché par Teddy Tamgho s’est vu quelques secondes sur la deuxième marche du podium, détenue par l’italien Andrea Dallavalle (17,04 m, +0,4 m/s), mais son saut est finalement mordu de quatre centimètres. Qu’importe, le protégé de Sébastien Bouschet et Teddy Tamgho est médaillé européen, et peut poser fièrement avec le drapeau Tricolore. « Il y a eu beaucoup d’émotions après cette troisième place, il y a tellement eu de travail, de remise en question, d’échecs. Je vais profiter de cette médaille mais dorénavant je veux aller cherche mieux. J’en ai tellement rêvé de ce tour d’honneur, de porter le drapeau sur les épaules, de monter sur ce podium ! »
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Le deuxième Français du concours, Enzo Hodebar prend la septième place grâce à un premier essai mesuré à 16,62 m (-0,1 m/s) et est donc également dans le Top 8, c’est à dire finaliste. Le concours est remporté par le grandissime favori, le Portugais Pedro Pichardo qui a éteint tout espoir de victoires pour ses concurrents en atterrissant à 17,50 m (-1,1 m/s) dès son deuxième essai. Au total, la délégation française, en pleine reconstruction avec une nouvelle génération d’athlètes qui arrive progressivement, compte quatre médailles dans ces championnats d’Europe de Munich. Notre petit doigt nous dit que ce n’est que le début, avec notamment dès ce soir la finale du marteau (20h10) où Quentin Bigot sera présent pour s’offrir, on l’espère, un nouveau podium international.
Tous les résultats, en cliquant ici.
Texte : Briac Vannini
Crédits photos : Matthieu Tourault & Elyse Lopez / STADION