Considéré comme l’un des grands talents des années à venir, Gaël Rotardier n’a pas connu la progression souhaitée et met l’athlétisme entre parenthèses en juillet 2015. Près de deux ans plus tard, alors qu’il n’avait pas prévu de faire de saison estivale, il renoue avec les sautoirs de hauteur à l’occasion du Meeting de Pézenas. Le Francilien franchit une barre placée à 2,21 m, soit un centimètre de mieux que son précédant record qui datait de 2011. Pour www.stadion-actu.fr, il revient sur la nouvelle orientation de sa carrière, son retour gagnant et sur ses ambitions.
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Record de France cadets avec 2,20 m
Sa relative petite taille (1,78 m pour 80 kg) comparée aux autres athlètes de la discipline fait de lui un sauteur atypique et indiscutablement brillant. L’un des plus beaux coups d’éclat réalisé par Gaël Rotardier date de 2011 lors du premier tour des Interclubs avec son club de Franconville. Avec un bond à 2,20 m, il se permet même de battre le record de France cadets, auparavant détenu par un autre athlète de l’EFCVO, Mickaël Hanany, de dix ans son aîné, actuel détenteur du record de France en plein air (2,34 m) : « Je suis très fier de détenir ce record qui a six ans maintenant. C’est une reconnaissance humaine. Mais il y a un inconvénient, dans les catégories jeunes, ce record était dur à assumer. J’étais attendu sur chaque compétition. »
La même année, il est le grand favori au titre mondial dans sa catégorie cadets à Lille. Mais un Gaël peut en cacher un autre. Dans un concours qui n’a pas atteint les hauteurs escomptées, bien que porté par un public acquis à sa cause, il se contente de la septième place avec 2,05 m. Avant d’assister impuissant, à la victoire surprise de l’autre Français en lice Gaël Levêque (2,13 m). La désillusion est grande pour Gaël Rotardier : « Ce concours ça m’arrive d’y penser mais la frustration est partie depuis longtemps. Heureusement d’ailleurs puisqu’il il faut avancer. On m’en parle assez souvent parce que je sais qu’il y a eu beaucoup de déception dans mon entourage, il me voyait à la première place. Dans le sport, il y a des bons moments et il y a des moments un peu plus compliqués que d’autres. »
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Divorce avec l’EFCVO mais il continue de susciter les convoitises
A l’affiche depuis ses 16 ans et ses 2,20 m, Gaël Rotardier a de fait nourri beaucoup d’espoirs. Il les a parfois confirmés, parfois pas. Plus le temps passe, et plus l’avenir du sociétaire de l’Entente Franconville Césame Val d’Oise apparaît alors incertain. De plus, ses relations ne sont plus ce qu’elles étaient avec son club et Gaël Rotardier prend la décision de ne plus continuer l’aventure avec lui : « Je ne regrette pas mes belles années avec lui. Mais il y en avait raz le bol, il ne me soutenait plus. Je m’entraînais tous les jours sans aucune reconnaissance de sa part. Aujourd’hui, pour la première fois de ma vie, je reviens sur quelque chose de très important. Quand j’avais pris ma décision d’arrêter, je ne l’avais pas prise à la légère. J’avais mûrement réfléchi. Aujourd’hui, je fais la même chose dans le sens inverse. Je reviens sur une décision sur laquelle j’étais catégorique. »
Pendant un an et demi, il ne veut plus entendre parler d’athlétisme. Mais même en ayant arrêté, il suscite toujours autant les convoitises et voit se multiplier des offres d’autres clubs : « Régulièrement pendant cette coupure, j’ai été contacté par le club de Bordeaux Athlé ». Le jeune homme de 22 ans a émis le souhait de se relancer dans une nouvelle structure en vue de la saison prochaine : « Je choisirai un club français l’année prochaine et je donnerai ma réponse dans quelques mois, avant la rentrée 2017-2018. »
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Des choix radicaux après deux ans d’absence
Sollicité par de nombreux clubs pendant son interruption, le champion de France juniors indoor 2012 a envie d’un nouveau souffle et songe à revenir à ses premières amours. Il décide de trancher dans le vif, quittant son club de toujours et se sépare de son entraîneur Stéphane Grelu. Le sauteur en hauteur francilien donne un nouveau virage à sa carrière, choisissant de rejoindre le club Suisse de la Chaux-de-Fonds et de se relancer avec un nouveau coach, le Franco-Sénégalais Nils Portemer (ancien coach de Mélanie Skotnik) : « Lors du premier entrainement, je suis allé à reculons. J’avais très peur de ce que j’allais réaliser. C’était un saut dans l’inconnu. J’y suis allé pour faire le point et évaluer ma forme du moment. Bizarrement, ça s’est bien passé, j’ai de beaux restes ».
Après vingt mois sans sauter, Gaël Rotardier n’a pas perdu une miette de son talent : « Pour l’anecdote, lors de la première séance de hauteur que j’ai réalisée depuis le break j’ai franchi 2,10 m. A l’heure d’aujourd’hui je m’entraine cinq fois par semaine pendant deux heures. Je ne fais jamais les choses à moitié. Quand j’ai décidé de reprendre l’athlétisme, je me suis investi à 300% et ce n’est pas comme ça que dans le sport mais dans ma vie de tous les jours. Il n’y a pas de demi-mesure. »
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Concours de rentrée record
Alors qu’il n’avait pas prévu de faire de saison estivale, de bons indicateurs à l’entrainement lui ont fait changer ses plans : « Avec le bon travail qu’on réalisait depuis deux mois ensemble, on a décidé avec Nils que ce serait intéressant de voir où nous étions dans la préparation en effectuant une compétition. Le Meeting de Pézenas était une bonne occasion. On a programmé cela une semaine avant, un peu sur un coup de tête ».
En athlétisme, généralement, les sensations ne trompent pas. Après une entame parfaite à 1,99 m, il a récidivé à 2,03 m puis à 2,07 m jusqu’à franchir 2,17 m avec à chaque fois une marge conséquente au-dessus de la barre. A ce stade de la compétition, plus aucun athlète n’était en mesure de lui contester la victoire. Il réussit à trouver la solution pour battre son record et le porter à 2,21 m : « Je suis très surpris, cela fait deux mois que j’ai repris l’entraînement. Je réalise des séances intéressantes techniquement mais pas au point de franchir 2,21 m dès mon premier concours. Honnêtement je pensais à une barre autour des 2,10 m. Je n’avais aucune pression, j’étais détendu. Je ne me sentais pas super bien ni techniquement, ni au niveau de la course d’élan. Il fallait que je sois concentré sur chaque barre. Prendre les barres les unes après les autres. »
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Une modification technique à l’origine de sa performance
Et quand il fait le bilan du concours, le Franconvillois est ravi de revenir dans le »game » : « Ça m’a fait un bien fou de reprendre la compétition avec un concours de bon niveau. La dernière fois que j’ai réalisé un concours comme celui-ci c’était lors de mon ancien record il y a six ans. Je retrouve quelques sensations que je n’avais plus ressenties depuis cette année-là. Mais il y a beaucoup de paramètres qu’il faut reprendre ou assimiler ».
Toujours sur un petit nuage et franchement surpris de sa performance, vu le contexte, 2,21 m est une performance inattendue. S’il a pu sauter aussi haut, c’est grâce : « à la musculation durant tout mon arrêt, cela a sûrement gardé mes muscles en forme et m’a permis de conserver mon explosivité. Ce qui est sûr c’est que ma coupure m’a été profitable. Ça m’a vidé la tête et m’a permis de repartir sur de bonnes bases. J’ai pris du recul sur ma discipline, je vois les choses différemment d’un point de vue technique. »
La satisfaction de revenir peu à peu à son tout meilleur niveau, quelques semaines seulement après avoir décidé de passer de huit à dix foulées : « Niveau course d’élan, ce n’est pas aussi fluide qu’avant. La grande nouveauté pour moi, c’est en effet ce passage de huit à dix foulées. Je ne suis pas encore totalement au point. Ce changement doit me permettre de mieux m’engager dans mes sauts. On doit se concentrer vers un travail de qualité technique d’appuis (placement et de l’alignement). »
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Retrouver le maillot bleu
Quand on aborde les Jeux Olympiques de Tokyo en 2020, le protégé de Nils Portemer écarte le sujet aussi aisément qu’il efface une barre. Son leitmotiv : la régularité : « Aujourd’hui je pense à être régulier dans mes performances autour des 2,20 m pour confirmer ce que j’ai fait à Pézenas, et pourquoi pas aller plus haut ». Ce serait encore la meilleure chose qui puisse arriver à Gaël Rotardier, plus que jamais en quête de stabilité après plusieurs mois de doutes.
Et quand on aborde l’équipe de France, il ne se retient pas d’en parler : « Revenir dans l’équipe de France (4 sélections jeunes) c’est un objectif et c’est une motivation supplémentaire à l’entraînement. Porter le maillot tricolore c’est un honneur, j’irai même jusqu’à dire que c’est un aboutissement. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai repris le chemin des sautoirs de hauteur. »
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Complètement ressuscité, Gaël Rotardier se présentera dimanche prochain au Meeting du Val de Marne (Ivry-sur-Seine) avec un moral tout neuf et de nouvelles ambitions.