Trois jours après sa victoire par équipe chez les juniors garçons lors des championnats d’Europe de cross, Clément Leduc a la joie simple. En coupant la ligne d’arrivée en 37e position, il a complété ce magnifique résultat du collectif français. Les blessures semblent être derrière le natif d’Éthiopie qui a connu un début d’année faste avec, en l’espace deux mois, deux sélections en équipe de France. La première le 10 octobre dans le cadre du Match International 10km à Rennes. La deuxième ce week-end pour les championnats d’Europe de cross à Chia en Italie où il est rentré avec une médaille d’or.
Une juste récompense pour cet athlète au mental impressionnant, qui cache derrière sa modestie naturelle beaucoup de volonté. Toujours pas redescendu de son petit nuage, il s’est confié mardi soir à www.stadion-actu.fr au sortir d’une séance à Nantes avec son coach Patrice Binelli (responsable National des courses Montagne). Rencontre.
— Clément, dans quel état d’esprit êtes-vous 3 jours après le titre européen par équipe en cross ?
Tout va bien, je suis rentré ce matin (mardi 13 octobre). Cependant, juste après avoir franchi la ligne d’arrivée, je n’étais pas satisfait de ma place. Je trouve que je n’ai pas fait une belle course. Rapidement, j’ai compris que j’étais le sixième français. Dans ces moments là, on se pose forcément beaucoup de questions. Est-ce qu’on a gagné le titre ? comment est-ce que j’aurai pu mieux aider mon équipe ? Puis le verdict est tombé quelques minutes plus tard, qui m’ont semblé une éternité. J’étais soulagé.
C’est sur le podium que j’ai commencé à réaliser. C’était magnifique. C’est un super moment qu’on a partagé. Avec le recul, trois jours après, ma course est oubliée, il faut continuer à avancer. Avec Patrice, on s’est vite remis au boulot et aujourd’hui je savoure. Je suis enchanté. Quand on porte le maillot de l’équipe de France, on est forcément obligé d’élever son niveau. C’est donc très enrichissant. J’ai essayé de démontrer ce que je sais faire et du mieux possible.
— Racontez-nous votre course. Quelles ont-été les sensations ?
Elles n’ont pas été bonnes. Si je compare avec ma course du cross de sélection à Gujan-Mestras où là j’ai été acteur de ma course et où j’ai pris beaucoup de plaisir puisque qu’on a tous accéléré progressivement. Il y a eu du suspense jusqu’au bout pour ma part. Je ne savais pas si j’allais rentrer dans les quatre premiers, synonyme de qualification directe pour les Europe. Dimanche, c’était un départ tambour battant. D’une façon générale j’ai du mal quand ça part vite, il est préférable pour moi que ça parte doucement.
Pour le coup, partir doucement dans ce type de cross, ça ne pardonne pas. C’est impossible de remonter. Je voulais être dans les quinze premiers au départ. Je me suis dis qu’il fallait quand même que je parte un peu plus vite que d’habitude pour ne pas avoir de regrets. Mais je suis parti sur des bases un peu élevées par rapport à ce que je sais faire. J’ai donc subi une bonne partie de la course.
— Que représente ce premier titre international avec l’équipe de France ?
C’est indescriptible. On s’entraîne tous les jours pour décrocher ce genre de médaille. En plus d’avoir gagné avec l’équipe, j’ai découvert cette génération qui suscite beaucoup d’espoirs en France. Ce sont également de très bons coéquipiers, ils ont su vite me mettre à l’aise et m’intégrer. C’est impressionnant comment cette génération est soudée, et d’en faire partie et partager ce titre avec eux c’est quelque chose qui me fait vraiment plaisir. Ils sont décomplexés et se tirent vers le haut, ce sont de bons gars.
— Rivaliser en cross avec les cadors de votre catégorie en France (Jimmy Gressier, Baptiste Mischler et Fabien Palcau) qu’est-ce que cela vous procure ?
Cela me donne de la confiance en moi, je suis attentif à leurs résultats respectifs depuis longtemps donc ça fait vraiment plaisir. Je pensais pourtant qu’ils étaient assez loin de moi. Quand j’ai rivalisé avec eux au cross de sélection le 20 novembre je me suis dit, à ma grande surprise, que je n’étais pas finalement si loin de leur niveau.
— Vous commencez à changer de statut. C’est agréable ?
D’un coté c’est agréable parce qu’on a de la reconnaissance, mais de l’autre coté le fait qu’on ne m’attendait pas dans ce collectif, que les spécialistes ne savaient pas réellement ce que je vaux, il fallait que je prouve que j’ai le niveau pour l’équipe de France. Cependant, quand je m’alignerai à une course de niveau national, je ne me considérerai toujours pas comme un favori. Chacun à sa place, je trouve que c’est plus simple d’avoir un statut d’outsider.
.— On a l’impression que vous ne mesurez pas pleinement votre progression. S’il y a un an, on vous aurait dit que vous seriez sacré champion d’Europe juniors par équipe…
Au vu de l’investissement et mes chronos à l’entraînement, je voyais ma progression. Mais je ne savais pas quand tout ce travail effectué depuis plus d’un an maintenant allait payer. Mes dernières saisons ont été gâchées par des blessures donc je fais attention. En cadet 1, j’ai eu un syndrome rotulien qui m’a mis au repos pendant huit mois, puis en junior 1 j’ai eu une algodystrophie au pied (5 mois d’arrêt). J’ai mis quelques mois à revenir à mon niveau. De ce fait, quand j’ai vu les juniors remporter le titre de champion d’Europe l’année dernière à Hyères, je me suis dit « waouh », j’espère qu’un jour je vivrai ces moments-là également. Je savais que j’avais une grande marge de progression, mon coach ne faisait que de me le répéter. Mais de là à me qualifier effectivement après ces années un peu compliquées, je ne vous aurais pas cru.
— En 2 mois, vous avez honoré vos deux premières sélections. Vous avez changé des choses à l’entraînement qui explique votre progression ?
Il n’y a pas de secret pour réussir dans le sport, il faut travailler et dans tous les aspects surtout ceux que tu affectionnes le moins. Je me suis mis à la musculation et je trouve que je suis plus explosif qu’avant et ma foulée s’est nettement améliorée. J’ai beaucoup travaillé le foncier ce qui me permet d’encaisser des charges d’entrainement plus importantes.
— Que peut vous apportez ces deux sélections pour la suite de votre saison ?
De la confiance bien évidemment, intégrer l’équipe de France ça veut dire que je fais partie des meilleurs français en cross dans ma catégorie. Cependant, il faut que je continue à travailler à l’entrainement, à être régulier dans mes performances et prouver que j’ai le niveau pour prétendre à d’autres sélections.
— Quelle est la suite de votre programme pour cet hiver ?
Je vais prendre les cross les uns après les autres, dans l’ordre : départementaux, régionaux, interrégionaux, ce qui va normalement m’amener jusqu’au France à Saint-Galmier (Loire) le dimanche 26 février prochain. Pour l’ensemble de ces cross, je serai catégorie espoirs. Lors de ces championnats de France, le distance va être plus longue ce qui m’avantage. Plus c’est long mieux c’est pour moi. Je vais donc prendre beaucoup plus de plaisir et j’espère faire une grande course.
— Justement, le long vous convient donc davantage que le court ?
Sans aucun doute, même si je dois valoir un peu mieux maintenant, mon record sur 1500m n’est que de 4’04 (4’04″19), ce qui est relativement faible par rapport aux meilleurs français dans ma catégorie d’âge. C’est vraiment mon défaut la vitesse et avec Patrice on va travailler en priorité ce qui va me permettre d’être plus performant sur 10 000m.
— On vous voit chaque année sur tous les terrains : cross, piste et route. Où va votre préférence ?
Depuis que j’ai commence l’athlé, c’est de très loin la piste même si c’est vrai que depuis cette année je prends davantage de plaisir dans les labours, surtout quand le parcours est roulant comme à Gujan-Mestras, c’était une révélation. Dans le cadre d’Ethiopian Project je suis parti un mois en Éthiopie cet été avec deux amis d’enfance (Célestin Chupin et Zouhir Driouache) et j’ai pu m’entraîner sur les terrains de cross. J’ai pris beaucoup de plaisir, j’ai aimé les relances, les changements de rythme. Je ne suis jamais ressorti d’un cross sans boue et je n’aime pas la boue (rires).
— Quel est le concept d‘Ethiopian Project ?
Filmer les conditions de vie et d’entrainement des athlètes éthiopiens et en faire un court-métrage. Montrer qu’avec très peu de moyens ils arrivent à faire de grandes choses et à devenir les meilleurs athlètes du monde. On a donc parcouru tout le pays et on eu l’honneur de rencontrer notre modèle Haile Gebreselassie. C’était un grand moment. En parallèle, Clément et Célestin, eux aussi adoptés, on fait des recherches sur leur famille biologique.
— En allant un peu plus loin dans votre saison, quelles sont vos objectifs sur le 10 000m (record à 30’57″03) ?
Je ne me fixe pas de chrono, je participerai aux championnats de France du 10 000m à Pacé le 29 avril. J’ai hâte de courir avec le grand frère Yosi Goasdoué, né lui aussi à Addis-Abeba en Éthiopie et adopté par une famille de la région nantaise. J’ai également envie de faire quelques 1500m et 5000m pour travailler ma vitesse et battre mes records.