Depuis 2014, Arsène Guillorel est éloigné des pistes hexagonales. Le champion de France espoirs du 5000 m est arrivé il y a trois ans au sein de l’Université de Samford en Alabama afin de débuter des études de design. C’est à plus de 6.000 km du Morbihan dont il est originaire, qu’il réalise, sans faire de bruit, des performances sur 1500 m et 5000 m. Avec des records personnels à 3’45″56 et 13’53″85. L’athlète du Stade Brestois Athlétisme vient de confirmer sa progression le week-end dernier, en claquant à Palo Alto (Californie), alors qu’il s’aligne pour sa première sur la distance, un 10 000 m en 28’51″75. Mais il garde dans un coin de sa tête les échéances estivales sur 5000 m. Une distance qu’il doit enfin réussir à dompter. Avant de partir en cours, en début d’après-midi, il s’est confié à www.stadion-actu.fr.
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— Stadion : Bonjour Arsène, avez-vous été surpris du chrono pour votre premier 10 000 m (28’51″75) ?
Non je n’ai pas du tout été surpris par mon chrono. Ça fait déjà un peu plus d’un an que je pense que je peux être pas mal sur 10 000m. Je suis hyper à l’aise sur la piste. J’ai une bonne capacité aérobie parce que je viens de la natation et du triathlon. Et j’ai bien amélioré la résistance musculaire et l’économie de course depuis que je suis aux Etats-Unis. En plus j’arrive bien à débrancher le cerveau et à faire beaucoup de tours sur piste sans que ça m’épuise mentalement. Ce qui m’étonne un peu plus, c’est que j’ai réussi à le faire assez facilement au final. En partant assez tranquillement (14’35 au 5000m) et en accélérant vraiment que sur le dernier 2000m.
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— Le chrono est donc conforme à ce que vous attendiez ?
Oui. Mais on peut dire que c’est un peu bête de ne pas aller chercher des chronos cette saison. Mais les chronos en soi ça ne sert pas a grand chose, à part pour les qualifications et les records. C’est ma première année en seniors et je ne vois pas quel record je pourrais aller chercher. Ça m’étonnerait que je sois capable de courir 27’45 ou 13’22 dès cette saison pour me qualifier aux Championnats du Monde cet été. Pareil pour les championnats de France. J’aimerais beaucoup les faire et arriver en forme pour courir un bon 5000m. Mais en général après le mois de juin quand je rentre des USA je commence à être fatigué.
Sur le long terme je pense que c’est mieux de faire une pause et repartir à l’entraînement pour pouvoir essayer d’atteindre le niveau nécessaire pour courir les compétitions internationales. Plutôt que de m’acharner et risquer de me cramer pour faire de la figuration aux Championnats de France.
ʻʻ C’est probablement sur de longues distances que je peux être le plus efficace ʼʼ
.— Comment avez-vous géré votre effort ?
Le but de cette course était d’assurer une qualification pour le premier tour des championnats universitaires. Pour cela, il fallait que j’assure un 29’20 dans tous les cas. En plus de ça mon coach ne voulait pas que je me mette trop dans le rouge parce que c’était mon premier 10 000m. Je dois être en forme mi-juin pour les nationaux universitaires. J’étais en série 2 du 10km donc le lièvre n’allait pas partir plus vite que 14’35 (70″ par tour) donc ça m’allait bien pour assurer la qualification. J’étais presque sûr que je pouvais tenir 1’10 tout le long sans être au taquet.
À 2000m de l’arrivée, j’étais toujours facile et un autre coureur a décidé d’accélérer l’allure. J’ai juste eu à suivre et à 400m de l’arrivée j’étais en 27’45. Je pense que j’avais encore de la réserve. J’avais mon premier sous les 29 minutes assuré et pareil pour la qualification. J’ai juste gardé l’allure pour éviter de me mettre trop mal. Ce qui m’aurait peut être coûté une bonne semaine d’entraînement.
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— Vos séances d’entraînement vous indiquaient-elles déjà à ce niveau ?
Je savais depuis un an au vu de ce que je faisais à l’entraînement sur les tempo long ou les allures modérées sur piste que je pouvais passer sous les 29′. En gros à chaque fois que je cours entre 1’08 et 1’10 sur piste je suis super relax. Par contre j’avais un peu d’appréhension parce que j’ai eu une mauvaise saison indoor, principalement parce que j’ai beaucoup augmenté mon kilométrage pour être prêt pour les 10km. Du coup j’ai pas vraiment fait d’intensité et les courses un peu rapides étaient assez difficiles. En plus du fait que le volume important de kilomètres réalisés à l’entraînement limitaient un peu mes performances..
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— Cette nouvelle distance vous attire-t-elle ou vous fait-elle peur ?
Le 10km j’aime bien. Jusqu’à l’année dernière j’avais un peu peur parce que mon kilométrage était limité. Toujours aujourd’hui je pense que mon kilométrage actuel c’est la limite basse pour être vraiment efficace sur 10km. J’ai vraiment essayé de monter progressivement. Le 10k c’est la distance la plus longue sur piste. Vu la manière dont je m’entraîne et dont je me suis entraîné depuis que j’ai 13 ou 14 ans, c’est probablement sur de longues distances que je peux être le plus efficace. Et j’aime vraiment la piste. Après il suffit d’être mentalement prêt à partir pour presque 30′ d’effort.
ʻʻ Il y a beaucoup de choses à gagner en partant aux Etats-Unis ʼʼ
.— Quel va être désormais votre programme ?
Le programme pour cette saison c’est principalement d’être prêt pour les championnats universitaires NCAA sur 10km. Les « regionals » sont fin mai, où il faudra que je sois dans le top 12 de ma course pour me qualifier, et les « nationals » 2 semaines plus tard. En général c’est assez tactique donc pas top pour courir un chrono très rapide. Ça va être intéressant parce que il y a beaucoup de niveau, surtout cette année (déjà 21 coureurs sous les 29′ au 10 000m, dont 11 dans sa région). Avant ces 2 courses-là je vais surtout m’entraîner, et participer seulement à un 1 500m que je dois courir pour mon équipe mi-mai, pour ce qui est l’équivalent des interclubs aux USA.
Après ça je rentrerais en France, j’aimerais courir un 5000 m rapide, probablement à Carquefou parce que c’est près de chez moi. Et éventuellement finir avec un 1500 m parce que c’est une des distances que j’aime le plus courir. Peut-être que je ferais les championnats de France si je me sens encore en forme. Mais c’est assez tard dans la saison, et les cross aux Etats Unis débutent en octobre/novembre.
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— L’équipe de France, vous y pensez ?
Evidemment, l’équipe de France j’y pense. Je ne ferais probablement pas de sport de manière aussi sérieuse si je n’y pensais pas. Je ne pense pas pouvoir y arriver cette année parce que ça m’étonnerait que j’ai le niveau requis pour les qualifications. A chaque fois que je vais m’entraîner c’est parce que je veux représenter la France dans une compétition internationale. A la base je me suis fixé comme premier objectif les championnats d’Europe de l’an prochain à Berlin (7-12 août 2018), probablement sur 10 000m. Et après bien sûr j’aimerais bien pouvoir progresser assez pour pouvoir aller aux Championnats du monde et aux Jeux Olympiques les années suivantes. En plus avec des ambassadeurs comme Son Goku ou Naruto pour les JO de Tokyo ça donne vraiment envie d’y aller.
Le problème avec ces dernières années c’est que les programmes de compétitions aux Etats Unis et en France sont décalés. C’est assez difficile d’être prêt pour les deux saisons. Je pense que pour la progression à long terme et parce que je voulais mon diplôme, j’ai fait le bon choix de partir aux Etats Unis. Après j’ai manqué pas mal de sélections, en cross surtout. J’avais essayé d’aller aux sélections pour les Europe espoirs en 2015 à Carquefou, mais j’étais trop fatigué parce que j’avais mal géré mon pic de saison et j’avais fais une sale course.
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— Quels sont les conseils que vous pourriez donner à ceux qui hésitent à tenter l’aventure américaine pour concilier le sport de haut niveau et les études ?
Un conseil pour ceux qui hésitent c’est d’arrêter d’hésiter et d’y aller. Il y a beaucoup de choses à gagner en partant aux Etats-Unis. Les aménagements pour les athlètes sont parfaits. On découvre d’autres méthodes d’entraînement. On apprend à parler un anglais pas trop pourri. Au pire on peut partir dès qu’on le veut si ça ne fonctionne pas. On peut perdre des sélections jeunes mais pour le long terme je pense que c’est vraiment bien. A moins d’être déjà un athlète de niveau international à la sortie du lycée. Je pense qu’il y a tout à gagner d’aller aux États Unis pour au moins un an pour un athlète qui veut faire du sport à un bon niveau et pas lâcher ses études.
ʻʻ Je souhaite sortir un beau chrono sur 5000 m ʼʼ
— Quel regard portez-vous sur le niveau du demi-fond entre la France et les Etats-Unis ?
La différence entre la France et les USA je pense qu’elle se fait principalement dans le système de la NCAA. On voit que sur les derniers J.O. les américains gagnent beaucoup de médailles en athlétisme. Et avec un système comme la NCAA n’importe quel athlète avec un minimum de qualité et de volonté peut s’entraîner comme un athlète professionnel avec un suivi pendant 4 ans. Ça fait en sorte qu’il y a beaucoup plus de compétition entre les athlètes, avec beaucoup de densité. Les athlètes doivent s’entraîner plus, faire plus attention aux détails de récupération pour pouvoir gagner des courses.
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— Sur quelles distances vous verra-t-on cet été ?
Cet été ça sera 10 000m pour la saison US et j’aimerais bien courir un bon 5000 m principalement. Si je le peux j’aimerais bien faire un 1500 pour finir la saison avec un record sur cette distance.
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— Qu’attendez-vous de la saison estivale ?
Pour la saison estivale ça sera principalement essayer d’être à mon meilleur niveau pour les championnats universitaires sur 10 000 m. Vu que je ne vais probablement pas me qualifier aux championnats du monde, ça sera l’objectif principal. Après ça, je souhaite sortir un beau chrono sur 5000 m pour finir la saison. Et après ça sera en fonction du chrono réalisé et comment je me sens après ce 5 000 m.
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