Aucun finisher sur la Barkley Marathons 2021

22 mars 2021 à 15:46

Jeudi 18 mars dernier s’est tenue la 33e édition de la Barkley Marathons, course américaine réputée pour être la plus difficile du monde. Comme sur les trois dernières éditions, aucun des 36 participants n’aura réussi à terminer l’exigeante épreuve.

L’organisation de la Barkley Marathons pourrait sembler tout droit sortie des plus grands scénarios hollywoodiens. Mais en dépit de toutes les originalités qu’elle comporte, la course américaine est bien réelle ! Entre fascination et appréhension, la Barkley interroge autant qu’elle fait rêver. Mais, du rêve au cauchemar, il n’y a parfois qu’une foulée…

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L’origine

Imaginée par Gary Cantrell, plus connu par les amateurs sous le pseudo de Lazarus Lake, la première course des Barkleys Marathons a vu le jour en 1986. Bien loin des traditionnels trails créés pour la bonne cause, la Barkley est inspirée par la fuite d’un prisonnier du pénitencier de Brushy Moutain en 1977. À cette époque, James Earl Ray, l’assassin de Martin Luther King, s’évade de sa cellule et parcourt 8 miles (13 kilomètres) en 55 heures de cavale dans les bois. Lazarus aurait alors trouvé cette distance dérisoire et aurait prétendu avoir lui-même pu courir au moins 100 miles.

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Le principe

Organisée dans le parc de Frozen Head dans le Tenessee, la Barkley est considérée comme la course la plus dure au monde. Très connu et paradoxalement très secret, l’ultra-trail américain est autant difficile d’accès pour les participants, qu’il est compliqué à relayer pour les médias. La distance n’est jamais officiellement connue, et le parcours est donné aux coureurs seulement la veille de l’épreuve. Ces derniers s’élancent donc pour une distance approximativement comprise entre 100 et 130 miles, soit de 160 à 210 kilomètres, pour un dénivelé de près de 20 000 mètres. L’objectif est de parcourir la totalité de la Barkley en moins de 60 heures, avec sur chacun des cinq tours une barrière horaires à respecter, auquel cas le participant est directement éliminé.

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L’inscription

Aussi atypique que la course en elle-même, l’inscription à la Barkley constitue déjà les prémisses d’une aventure difficile. Pour prétendre faire partie des 40 « chanceux », les coureurs doivent trouver par eux-mêmes un moyen d’entrer en contact avec Lazarus Lake, puisque aucun site internet n’est dédié à l’événement. Leur candidature doit être transmise au créateur par mail, lors d’un certain jour précis, qui doit également être trouvé par les participants. Ces derniers doivent ensuite faire parvenir à Lazarus une lettre de motivation. Une fois leur candidature acceptée par le créateur de l’évènement, une lettre de condoléances leur est adressée pour les prévenir du moment désagréable qui les attend. Le jour de l’événement, les 40 « heureux » élus parmi les milliers de prétendants doivent payer 1,60$ à Lazarus Lake, et sont priés de lui ramener une plaque d’immatriculation, laquelle sera ensuite accrochée avec toutes celles des éditions précédentes.

Le départ

La Barkley a généralement lieu fin mars, mais personne ne connaît la date exacte, à part les coureurs qui y participent. Si l’édition 2021 s’est élancée jeudi 18 mars dernier à 3h04 (heure locale), l’heure de départ est également inconnue de tous. Encore une fois, il ne faut pas compter sur les traditionnels starters pour prévenir du départ. A la Barkley Marathons, Lazarus Lake souffle dans un coquillage, une heure avant le départ. Une fois cette heure écoulée, le créateur de la course allume sa cigarette pour prévenir du départ officiel de l’épreuve. Et c’est seulement à ce moment-là que les participants peuvent s’élancer.

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Le parcours

Privés de GPS et autres montres connectées, les coureurs de la Barkley doivent s’orienter uniquement à l’aide de boussoles et de cartes. Le parcours est composé de cinq tours, qui doivent chacun être terminés dans une moyenne de 12 heures pour ne pas risquer l’élimination. Les coureurs doivent alors se prêter à une véritable course d’orientation dans le lugubre parc de Frozen Head. Outre une absence volontaire de balisage sur le parcours, les participants doivent trouver des livres cachés sur le parcours, mais indiqués sur leur carte. Lorsqu’ils dénichent l’un des treize précieux sésames, les coureurs doivent déchirer la page qui correspond à leur numéro de dossard, pour ensuite prouver à Lazarus qu’ils ont bel et bien parcouru le bon chemin.

« Ma vision était celle d’une course qui ne demanderait pas seulement de courir, mais qui exigerait une variété de compétences dans la nature. Les coureurs ont l’habitude de suivre un tracé. Ils traversent les bois, mais ils ne voient jamais rien. Si vous enlevez la prochaine flèche, ou la prochaine rubalise, ils sont perdus, explique Lazarus Lake. Une bonne course est une expérience totale, pas juste se pointer, sortir de sa voiture, courir et rentrer chez soi. Une bonne course aide les coureurs à trouver quelque chose en eux-mêmes, c’est un défi, une incertitude, tout cela réuni. »

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L’édition 2021

Cette année, et compte tenu de la crise sanitaire, la totalité des participants étaient d’origine américaine. L’absence de coureurs étrangers semblait néanmoins compensée par un plateau de haut niveau, qui pouvait avoir fière allure. On retrouvait notamment sur la ligne de départ pour les hommes Jared Campbell (triple finisher de la Barkley) et chez les femmes (seulement trois) Courtney Dauwalter (vainqueure de Western States en 2018 et de l’UTMB en 2019). Dès le départ, le ton était donné. Des conditions météorologiques désastreuses (pluie, froid, vent, orage, brouillard…)  venaient compliquées encore un peu plus la folle aventure.

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Des abandons les uns après les autres

Dans ces circonstances, les abandons ne tardaient pas, et l’américain Peter Mortimer fut le premier à en payer les frais après seulement 5h30 d’efforts. Sur les 36 engagés (au lieu de 40 participants en période normale), seuls seize coureurs parvenaient à honorer le premier tour de 20 miles (32 kilomètres), sous la limite imposée des 13h40. Les difficultés s’enchaînant, et les conditions physiques se dégradant, l’écrémage était encore plus fort 3 heures plus tard, puisque neuf concurrents seulement étaient encore en course après 17 heures d’efforts. Les trois seules femmes engagées sur cette édition terminaient l’aventure après une deuxième boucle parcourue en 26h52, soit 12 minutes au-dessus du seuil temporel fixé par Lazarus Lake.

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Pas de finisher, mais deux « Fun Run »

Les deux derniers survivants, Jared Campbell et Luke Nelson parvenaient à terminer le troisième des cinq tours mais voyaient leur périple s’arrêter à l’issue de celui-ci, après avoir dépassé de 3 heures la barrière horaire de 36 heures. Si la Barkley s’arrêtaient pour eux, les deux coureurs réussissaient tout de même la Fun Run. Course dans la course, cette épreuve consiste à boucler trois tours d’affilés en moins de 40 heures. Même si ce succès n’est qu’un prestige moindre compte tenu de l’objectif initial, cette victoire reste tout de même significative puisque seuls 8 des 15 finishers (toute édition confondue) ont réussi à dompter la Fun Run.

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15 finisseurs seulement depuis 1986

Depuis sa première édition en 1986, seuls 15 concurrents ont réussi l’exploit de terminer la Barkley. Si la dernière victoire remonte à 2017 (John Kelly en 59 heures et 30 minutes), il fallut attendre presque dix ans après la création de la course pour voir un participant la maîtriser (Mark Williams, 59 heures et 28 minutes en 1995).

Emeline Pichon / STADION
Crédit photo : Barkley Marathons

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