Championnats de France Elite : Gabriel Bordier, Tom Campagne, Yanis Meziane et Adèle Gay renversent Talence !

02 août 2025 à 23:10

De l’éclair et du panache. Samedi, Talence s’est transformée en théâtre des émotions et des exploits aux Championnats de France Elite. Sur 800 m, Yanis Meziane a pris une éclatante revanche, décrochant son premier titre national en plein air dans un finish de feu. Adèle Gay a, elle, marqué l’histoire avec une victoire inattendue lors du 1500 m. Et sur 10 000 m marche en 37’23″99, Gabriel Bordier a tout simplement battu la meilleure marque mondiale de l’histoire. Sans oublier Marie-Julie Bonnin (4,63 m à la perche) et Tom Campagne (8,27 m en longueur) au sommet. Récit d’une nouvelle soirée d’exception !

Le tonnerre a surgi par trois fois à Talence ce samedi lors de la deuxième journée des Championnats de France Elite. Et le premier éclair s’est fait ressentir lors d’un 800 m étonnant de bout en bout. Très déçu à Angers l’an dernier où il n’avait pas su obtenir son billet pour les JO de Paris, Yanis Meziane (Athlé 91) a pris sa revanche en s’adjugeant un premier titre de champion de France en plein air. Les finalistes jouaient des coudes dès les premiers mètres, mettant sur orbite la star locale, Gabriel Tual (US Talence), en quête du triplé national en plein air. Départ groupé, scénario piégeux. Tual et Meziane, tous deux repêchés pour cette finale après une disqualification du second annulée sur appel, avaient logiquement pris les commandes dès les premiers mètres. Derrière, Thomas Marques de Andrade (Stade Bordelais Athlétisme) et Corentin Magnou (US Talence), partenaire d’entraînement de « Gaby », tentaient de rester au contact. En tête au 400 m (52″28), le champion d’Europe de Rome avait choisi d’accélérer. Meziane s’accrochait, prêt à bondir. C’est ainsi que les jambes de Tual ont dit non, manquant de punch notamment à cause d’un vent intraitable. Yanis Meziane en a profité pour décocher une accélération fulgurante synonyme de sacre en 1’45″24.

 

 

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Le natif de Nishihara (Japon) a même eu le temps de célébrer son sacre en mimant un Kamehameha, tout droit sorti de Dragon Ball Z, lors de plusieurs tours de piste supplémentaires qu’il s’était accordé tout sourire. Sauf problème gravissime, le jeune Meziane (23 ans) sera bien du voyage pour Tokyo, tout comme Tual, malgré ce samedi à oublier. On savait le Girondin pas à 100% physiquement (un tendon d’Achille en dent de scie), lui qui n’avait « pas de jambes », mais rater la médaille et ne signer qu’une 6e place (1’46″17) doit être frustrant pour le grand champion qu’il est. « J’ai été un peu généreux, indiquait le grand perdant des deux tours de piste. Il y avait beaucoup de vent sur la ligne opposée. Je l’ai payé sur la fin. Je voulais me rassurer mais je suis parti un peu trop tôt et je le paie cash sur la fin. Il y a des gros concurrents derrière et en 1’46, il y a tout le monde. J’ai emmené tout le groupe. Panne sèche dans la dernière ligne droite. Je ne peux rien faire ». Derrière la locomotive Meziane, Corentin Le Clezio (1’45”84, EACPA), auteur d’une remontada express, s’est payé l’argent. Chronométré en 1’45”88, Jordan Terrasse (Clermont Auvergne Athlétisme) est, lui, monté sur la troisième place de la boîte aux 3 marches.

 

 

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« C’était un vrai objectif d’être champion de France »

« C’est le rêve !, se réjouissait un Yanis Meziane aux anges en zone mixte. J’ai beaucoup pensé à cette course cette année. Par rapport à ce qui s’était passé en 2024 (il avait terminé au pied du podium lors des France et vu la qualification pour les JO s’envoler), c’était un vrai objectif d’être champion de France. Mais il y a une différence entre le vouloir et le réaliser, quand on voit la densité qu’il y a sur 800 m. Je suis vraiment content de la façon dont ça s’est fait. J’ai travaillé le finish ces dernière semaines, car c’était quelque chose dans lequel je pêchais un peu. De là à pouvoir mettre un kick comme ça… Hier, j’ai été disqualifié pendant deux heures (à la suite d’une bousculade un peu après le rabattage, ndlr). J’ai dû attendre jusqu’à 23h30 au stade et, au final, le jury d’appel a fait en sorte de me remettre dans la course. La nuit a été un peu mouvementée, mais j’ai su me remobiliser. Normalement, toutes les conditions sont maintenant remplies pour aller au Japon. Je vais pouvoir aborder sereinement la deuxième partie de la saison et programmer un deuxième pic de forme pour Tokyo. Je vais rester à Talence jusqu’au 10 août pour m’entraîner avec le groupe de Bernard Mossant, puis je courrai à Budapest le 12. Je travaille avec une préparatrice mentale, ça m’a beaucoup aidé à prendre confiance en moi ».

 

L’attaque foudroyante d’Adèle Gay fait tomber Agathe Guillemot

Qui aurait cru qu’Agathe Guillemot (Haute Bretagne Athlétisme) tomberait sur plus forte qu’elle en finale du 1500 m, surtout avec l’absence de Sarah Madeleine (US Melun) ? Pourtant, le ciel est tombé sur la tête de la Bretonne, et Maître Gims n’y est pour rien cette fois-ci, alors qu’Adèle Gay a montré un supplément d’âme pour se farcir la Bigoudène, dans un final complètement fou. Vice-championne d’Europe U23 à Bergen, la représentante de l’Amiens UC a tout donné dans les derniers mètres tandis que Guillemot grinçait des dents, bloquant à la seconde place en 4’04″49. La toute jeune athlète (20 ans) a donc frappé un grand coup. Avec un chrono de 4’04″12, la demi-fondeuse a pulvérisé son record personnel (anciennement 4’07″00), mais aussi effacé deux références historiques d’un seul coup. Le record des Championnats ? Tombé. Le record de France espoirs, détenu depuis 1987 par Florence Giolitti (4’05″78) ? Également. Une performance majuscule pour celle qui change définitivement de catégorie.

 

 

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Adèle Gay a eu un mot pour sa dauphine, qu’elle a devancée au sprint. « Je venais pour aller chercher une médaille, et j’avais l’or dans un coin de la tête, mais je ne m’attendais quand même pas à la décrocher, affichait avec beaucoup d’ambition la nouvelle championne de France de la spécialité. Quand ça arrive, c’est difficile de réaliser. Je pense que je vais m’en rendre compte en montant sur le podium. Agathe m’avait dit qu’elle allait partir vite, donc je savais que j’allais la suivre, sur un schéma comparable à cet hiver en salle. Finalement, c’était une course de rêve, avec un lièvre de luxe. À 150 m de la ligne, j’ai vu Bérénice (Cleyet-Merle) revenir sur moi, ça m’a reboostée. J’ai relancé et ça m’a permis de passer devant Agathe. C’est un honneur d’être devant elle, parce qu’elle m’a poussée toute la course et c’est elle qui a fait monter le demi-fond français ces dernières années. Je savais que je valais mieux que 4’07, parce que je travaille sur des allures inférieures à l’entraînement, mais je n’avais pas encore trouvé la bonne course pour le montrer en compétition. Ça fait du bien, et ça montre mieux ce que je fais à l’entraînement ».

 

 

Bérénice Cleyet-Merle (4’06″05, Villeneuve La Garenne), elle, monte donc bien sur la boîte alors qu’elle avait été contrée en tentant de produire des efforts supplémentaires à 200 m de la fin.

 

 

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Gabriel Bordier marche sur l’eau !

Le stade Pierre-Paul Bernard avait connu en 2018 la meilleure performance mondiale de l’histoire du décathlon lorsque Kevin Mayer avait totalisé 9126 points au Décastar. L’enceinte talençaise aura maintenant vécu le record du monde du 10 000 m marche, bien que cette discipline ne possède pas de record du monde selon World Athletics, réalisé par Gabriel Bordier (37’23″99, US St Berthevin) au terme d’une course d’anthologie qui vient rappeler les plus belles heures de Yohann Diniz, désormais rétrogradé au second rang national sur la distance (38’08″13 en 2014 à Reims). Le Japonais Eiki Takahashi (37’25″21 en 2020) n’est plus qu’un souvenir dans les tablettes : le Mayennais l’a délogé avec autorité. À 27 ans, le médecin à ses heures « calmes » continue d’enchaîner les prouesses. Quatrième des Europe 2024 sur 20 km, 23e des JO de Paris sur la même distance, il avait déjà frappé fort le 10 juin dernier en explosant le record de France du 5000 m marche avec un chrono hallucinant : 18’02″38, soit le deuxième meilleur temps de l’histoire.

 

 

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Gabriel Bordier pouvait sourire, même les jambes en feu. « Mes sensations ? Mal aux jambes », lâchait-il en rigolant. Mais derrière la blague, une vraie fierté. En 37’22″84, le marcheur mayennais a explosé le record du monde et signé la meilleure perf mondiale de l’année. « Bien sûr, c’est une grosse satisfaction. J’avais coché le record de France de Yohann Diniz , il était dans mes jambes. Mais il fallait aller le chercher. » Parti sur des bases solides, Bordier a tenu bon, sans trop se soucier du chrono. « Je laisse tomber la montre et je termine aux sensations. Je suis bien physiquement, je suis bien techniquement. Je sens que le meilleur chrono de tous les temps peut tomber, mais seulement à la toute fin. J’ai tout donné dans le dernier tour. » Un record sur piste, mais sans illusions sur sa portée : « Par rapport à un circuit classique sur route, quand on marche sur une piste, c’est plat et il n’y a pas de virages à angle droit. C’est beaucoup plus roulant. Sur route, on va chercher une place, moins un chrono. Par rapport à une médaille en grand championnat, un temps comme celui de ce soir n’a pas grande valeur. Ça restera sur les tablettes quelques semaines ou quelques mois, je n’en sais rien. » Et de conclure, lucide : « Mais à choisir, je prends une médaille à Tokyo sur le 20 km plus que cette perf.

 

 

Le 10 000 m marche n’est pas une discipline très souvent concourue, il faut le reconnaître. Ce qu’on retient, ce sont les médailles en grand championnat. » Pour accompagner la nouvelle pointure planétaire de la distance sur le podium, se retrouveront Kilian Lebreton (39’41″53, HBA TA Rennes) et Matteo Duc (39’42″45, Club Athlétique Sport Aixois). Pour sa der’, Kévin Campion (Stade Dieppois) n’a pas pu suivre les pas de géant de son coéquipier en équipe de France mais quittera le monde des Championnats de France Elite sur une bonne note malgré la 4e place (40’12″33).

 

Marie-Julie Bonnin, la chouchoute du public

Il y avait Marie-Julie Bonnin (Stade Bordelais Athlétisme) et les autres. La championne du monde indoor de la perche a fait parler son statut pour remporter un nouveau titre national dans le ciel des voisins de Talence. La Bordelaise de 23 ans n’avait dépassé qu’une fois les 4,60 m, qu’elle enchaînait il y a quelques mois. Un saut maîtrisé à 4,63 m dès sa première tentative lui a suffi pour faire la différence, pendant que sa dernière adversaire, Bérénice Petit (EC Orléans CJF), coinçait à cette même hauteur après avoir franchi 4,47 m. Albane Dordain (4,37 m, Stade Bordelais Athlétisme) s’entraîne avec « MJ » et a accroché une médaille de bronze dans le concours. Titrée, mais pas rassasiée, Bonnin a aussitôt levé la tête vers une autre cible : le record de France. Un record qu’elle partage avec Ninon Chapelle (4,75 m), depuis son sacre mondial en salle à Nankin en mars dernier.

Cette fois, elle a décidé de ne pas s’acharner sur la barre symbolique des 4,76 m : « J’en avais marre du 76, je l’ai tenté beaucoup trop de fois », confiait-elle quelques secondes après avoir signé un deuxième mandat hexagonal en plein air consécutif. Alors elle a visé plus haut, avec un clin d’œil au destin : « Là, je me suis dit « Allez, on brise un truc ». Le 7, c’est mon chiffre porte-bonheur ». Le pari osé n’a pas payé cette fois. Trois tentatives, trois échecs à 4,77 m. Mais difficile de faire la moue quand on repart avec un nouveau titre national en poche, surtout à deux pas de chez soi. « À la maison, ça a une autre saveur. C’est juste incroyable, il y a tout le monde qui crie mon prénom, que ce soit à l’échauffement ou pendant le concours ! », souriait celle qui s’entraîne à quelques foulées de son antre du soir.

 

 

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Celle qui lorgnera sans aucun doute de très près les podiums des plus grandes compétitions nationales et internationales s’est ensuite posée en zone mixte pour débriefer à froid. « J’avais vraiment à cœur de récupérer le titre chez moi et c’est chose faite, clamait-elle. Dès l’échauffement, le public était avec moi, l’ambiance était dingue. Je me suis vraiment rassurée car j’ai retrouvé des sauts que je sais faire et qui me permettront plus tard de sauter bien plus haut. J’ai eu du mal à me régler en début de saison. J’ai voulu tout de suite partir sur de grosses perches, ce qui n’était pas le meilleur choix. J’accepte d’être désormais sur du un peu plus souple mais qui me renvoie. J’ai demandé 4,77 m car j’en ai marre de 4,76 m, j’ai trop de tentatives à cette hauteur (rires). Ça faisait très longtemps que je n’avais pas réalisé un concours où je passe tout au premier essai. C’est rassurant dans la perspective des championnats ».

De son côté, Margot Chevrier a vécu une soirée sans éclat. De retour cette saison avec un meilleur saut à 4,15 m en mai, la Niçoise n’a pas réussi à franchir les 4,12 m, échouant après une première barre validée à 3,92 m. Encore diminuée par les séquelles de sa grosse blessure à Glasgow, elle a peiné à retrouver des sensations : « Je récupère beaucoup moins bien depuis deux ou trois semaines donc je ne peux pas m’entraîner comme je veux, expliquait-elle. Forcément, quand tu arrives sur le concours et que tu as mal au pied, tu ne peux pas t’exprimer comme tu veux ». Frustrée par l’écart entre ses intentions techniques et ses capacités physiques du moment, la pensionnaire du Nice Côte d’Azur Athlétisme avoue : « La technique est montée, le physique est redescendu parce que j’avais mal au pied. Je pense qu’on aurait pu arrêter la saison il y a un mois, ça n’aurait pas été dérangeant. Mais quand on est compétitrice, on a envie d’aller au bout ». Sa saison s’achève donc à Talence, avec l’hiver en ligne de mire pour rebondir.

 

Les minima mondiaux et le record pour Tom Campagne

Éclatant cet été avec un titre de champion d’Europe espoirs 2025 à Bergen (Norvège) à la faveur d’un superbe saut à 8,25 m, Erwan Konaté (Amiens UC) est sorti de son concours de la longueur avec la médaille en chocolat. En cause, un meilleur bond à 7,92 m, trop juste pour venir titiller les Marsupilamis du soir qu’ont été le vainqueur Tom Campagne (Stade Bordelais Athlétisme), Jules Pommery (2e avec 8,05 m, Athletic Clubs 92) et Raihau Maiau (3e avec 7,98 m, Amiens UC). Tom Campagne a enflammé les supporters massés dans la tribune principale en décollant à 8,27 m (+0,7 m/s) à sa quatrième tentative, réalisant les minima pour les Mondiaux de Tokyo (fixés à 8,21 m) avec la 4e meilleure marque tricolore de tous les temps. Le champion de France Elite sortant conserve son bien et grappille 15 centimètres à sa performance de référence qui n’avançait plus depuis juin 2023.

 

 

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« Tout me semble possible »

« Honnêtement, mon saut est passé très, très vite, avouait le désormais triple lauréat des France de la discipline en plein air. Sur le coup, je me suis juste dit que j’allais aller à Tokyo, c’est un truc de fou. Avec mon coach, on travaille pour aller de plus en plus loin, et ça marche. C’est ma quatrième compétition en onze mois, et le travail paye. C’est aussi le début d’une suite qu’on est en train de construire. J’adore mon club de Bordeaux, et jouer à domicile, c’est tout bonnement génial. Je n’ai pas demandé de clape, parce qu’il fallait que je me concentre sur la technique, mais j’ai quand même senti que le public était génial. Avec les autres Français, on se pousse vers le haut, mais il faut aussi regarder les internationaux, se mesurer à ceux qui sautent très loin. Il va falloir retravailler pour les battre. Honnêtement, je n’avais pas trop de stress dans ma tête après mes deux premiers essais mordus. Je prends les sauts un par un, en appliquant les consignes de mon coach. On règle les marques et voilà. Revenir d’une blessure, c’est énormément de travail que vous ne voyez pas. Ce sont des moments durs, tout n’est pas toujours simple dans l’athlé. Pendant 7-8 mois, je me suis battu tous les jours contre les problèmes dans ma tête et dans mon corps. Pendant tout ce temps, il n’y a pas une seule séance qu’on a pu faire normalement, on a dû s’adapter en permanence, il y avait toujours un pépin. C’est de l’adaptation constante. Encore là, j’avais mal à un tendon. Pour l’instant, Tokyo, c’est encore loin. J’ai encore du temps, je vais en profiter. Je ne veux pas juste me qualifier, j’ai clairement envie d’entrer en finale et de voir ce que je peux faire. Tout me semble possible ».

 

 

Tous les résultats de la deuxième journée des Championnats de France Elite 2025 à Talence

Texte : Dorian Vuillet
Crédits photos : Solène Decosta & Jean-Luc Juvin / STADION

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