Championnats de France Elite : Just Kwaou-Mathey rugit, Melvin Raffin bondit à Talence

03 août 2025 à 18:20

Le rideau est tombé sur les Championnats de France Elite 2025 dans une ambiance incandescente. Et quelle dernière journée ! À Talence, Just Kwaou-Mathey (12″99) a fracassé la barrière des 13 secondes sur 110 m haies tandis qu’Azeddine Habz a repris le trône du 1500 m dans une finale survoltée, et Melvin Raffin s’est envolé à 17,52 m au triple saut. Trois perfs de gala, trois noms à retenir, et un dimanche gravé dans l’histoire de l’athlétisme tricolore. Résumé !

Il y a des journées où l’athlé n’a rien a envié à tous les autres sports. La troisième et dernière session des Championnats de France Elite en est le parfait exemple à l’image d’un 110 m haies hommes dont la postérité restera à jamais dans les mémoires. Et comme un clin d’œil au destin, Just Kwaou-Mathey avait griffonné sur sa chaussure : « 12 ». ‘JKM’ y pensait depuis longtemps. Douze secondes pleines, sans les centièmes, pour un 110 m haies qui allait marquer un tournant. Ce dimanche à Talence, le médaillé de bronze européen et mondial en salle a franchi un cap. Meilleur chrono des séries, puis des demi-finales, le sociétaire de l’Évreux AC a terminé le boulot lors du combat des chefs, sans malheureusement Aurel Manga (US Créteil) qui s’était fait mal en demies, l’empêchant de tenir sa place en finale parmi les meilleurs hurdlers de l’Hexagone.

Avec un chrono canon de 12″99, Just Kwaou-Mathey est passé pour la première fois sous les 13 secondes. Et en bonus, un statut de deuxième meilleur performeur mondial de 2025 derrière l’Américain Cordell Tinch (12″87). Le revanchard qui avait manqué les Élites l’an passé, touché au tendon d’Achille, a devancé un Sasha Zhoya (13″18, Clermont Auvergne Athlétisme), triple champion de France sortant battu à la régulière, et Wilhem Belocian (13″23, Lille Métropole Athlétisme), déjà qualifiés tous les deux pour les Mondiaux de Tokyo 13 au 21 septembre prochain. Just Kwaou-Mathey, aussi, avait les minimas en poche mais a placé la barre très haute. À 24 ans, le natif de Paris envoie un signal fort et la concurrence internationale devra avoir plus d’un œil sur lui dans la capitale nippone. Avec des ambitions pas si folles. Il devient ainsi le troisième Français à descendre sous la barrière mythique des 13 secondes derrière Pascal Martinot-Lagarde (12″95 en 2014) et Ladji Doucouré (12″97 en 2005).

 

 

Voir cette publication sur Instagram

 

Une publication partagée par STADION (@stadion_actu)

 

« Je peux prétendre à être champion du monde »

« Je suis très content, très heureux, exultait la superstar du jour. J’étais venu chercher quelque chose de beau, les conditions étaient parfaites. J’ai fait une super série hier, je sentais que j’en avais dans les jambes. J’ai vraiment pris du plaisir ! Moins de 13 secondes, c’était bien sûr un objectif dans ma carrière, mais ce n’est pas une finalité, il y a encore plein de choses qui arrivent. Avec ce chrono, je peux prétendre à être champion du monde. Je vais me reposer un peu puis préparer le corps à de plus grandes échéances. Il y a un an, je rentrais à Clairefontaine, je boitais beaucoup. Le parcours a été long et difficile, et aujourd’hui, je me retrouve à faire un chrono de cette ampleur. J’avais tellement envie de revenir, et de revenir très fort. J’aime l’athlétisme, je n’ai pas de plan B dans la vie. J’ai dû décaler mon début de saison à cause d’une fissure sous la fesse gauche, il m’a fallu du temps pour retrouver la confiance en mon corps. Il y a eu beaucoup de pleurs et de sueur. Ça s’est aligné cette semaine, avec une grosse séance mardi. J’espère que PML a kiffé sa dernière course et qu’il est fier de sa carrière, parce qu’il a inspiré toute notre génération. J’ai beaucoup regardé sa course de Monaco en 2014. C’est un passage de témoin ».

 

 

PML, les adieux d’une légende

À quatre centièmes du record national de Pascal Martinot-Lagarde, Just Kwaou-Mathey a aussi assisté à la dernière course de celui qu’il a tant regardé. Le champion d’Europe 2018, anecdotique septième en 13″47, n’a pas réussi à accrocher le niveau de performance requis pour Tokyo (13″22). Rideau sur une carrière immense, PML avait été repêché au temps après une demie compliquée et se faisait kiffer en checkant tout le monde à quelques instants de son dernier 110 m haies en compétition. La relève, elle, avait pris le relais avec fracas juste avant que le désormais retraité ne puisse retenir son émotion, réconforté par plusieurs hurdlers, puis par Valentin Lavillenie venu lui glisser un mot au creux de l’oreille. Quelques pas plus loin, le grand monsieur de l’ES Montgeron tapait dans les mains des spectateurs, comme pour saluer une dernière fois ceux qui l’ont suivi toutes ces années.

 

 

Voir cette publication sur Instagram

 

Une publication partagée par STADION (@stadion_actu)

 

 

« Je dis au revoir, mais la France reste un pays très fort sur la discipline »

« J’ai mal au ventre, j’ai mal aux abdos, j’ai trop pleuré, j’ai dit au revoir, ce qui fait de moi l’un des athlètes probablement le plus chanceux du monde, avançait celui qui raccroche définitivement les pointes. Parce que j’ai choisi ma sortie, j’ai pu dire au revoir, je n’ai pas arrêté avec un énorme manque de performance et en étant très frustré de mes courses. Là, je fais des courses correctes, donc voilà, j’ai dit au revoir sur une finale de Championnat de France, je suis très content. Avant les starting-blocks, j’ai très envie de pleurer avant même de courir. Je me dis que je vais tout donner parce que c’est quand même à moi d’essayer de tout mettre. Maintenant, je n’ai jamais eu les jambes aussi lourdes de ma vie. J’ai fait ce que j’avais à faire. C’est un honneur de partir à l’issue d’une course remportée en 12″99. Tu t’imagines la génération qui est derrière moi, comment elle est performante ? Parce que là, on a deux mecs sous les 13″10 avec Sasha qui revient de ses tendons. Moi, je dis au revoir, mais la France reste un pays très fort sur la discipline ».

 

 

Son palmarès parle de lui-même. Champion d’Europe en 2018 à Berlin, médaillé de bronze aux Mondiaux de Doha l’année suivante, Martinot-Lagarde a aussi brillé en salle : un titre continental en 2015 à Prague, et pas moins de six médailles internationales indoor, dont trois planétaires. Au total, une moisson impressionnante de distinctions à l’échelle européenne et mondiale, en plein air comme sous les toits. Depuis 2014, il détient toujours le record de France du 110 m haies (12″95 en 2014 à Monaco). Un chrono que Just Kwaou-Mathey est venu frôler dimanche. Comme un passage de témoin.

 

Azeddine Habz reprend son bien

Il fallait chauffer les spectateurs avant ce 110 m haies de folie. Et c’est peut-être LA course la plus en vue de ces Frances 2025, le 1500 m hommes et sa densité folle, qui a fait sauter de joies tout un stade Pierre-Paul Bernard. La veille, une impressionnante chute avait mis au tapis Louis Gilavert (Pays de Fontainebleau Athlétisme), Maël Gouyette (Haute Bretagne Athlétisme) et Anicet Kozar (ASPTT Strasbourg). Ce dernier, contraint au forfait, laissait une finale du 1500 m amputée mais toujours explosive. Ils étaient donc quatorze sur la ligne, et autant à nourrir des ambitions. Le scénario avait été écrit depuis longtemps, et Azeddine Habz s’est contenté de le jouer à la perfection. Porté pendant 900 mètres par l’audacieux Téo Dabos (13e en 3’41″58, Limoges Athlé) et un surprenant Pierrik Jocteur-Monrozier (6e en 3’34″62, SA Toulouse UC), le recordman de France de la spécialité a ensuite pris les commandes pour ne plus jamais les rendre. En 3’33″33, chrono chirurgical, le recordman de France (3’27″49 au Meeting de Paris) a récupéré une couronne nationale qu’il avait laissée filer l’an passé.

« La mission est remplie, notait le patron de la discipline. J‘avais beaucoup de stress car c’était la course la plus attendue avec beaucoup de tension. Tout le monde voulait être parmi les trois premiers. Mais j’ai été emmené sur un plateau (par le néophyte Téo Dabos qui a mené la course « pour se faire plaisir »). C’était tout bénéf pour moi. Je savais que ç’allait se jouer aux derniers 200 mètres. Je suis vraiment satisfait du chrono, c’est le record du Championnat ».

 

 

Voir cette publication sur Instagram

 

Une publication partagée par STADION (@stadion_actu)

 

Dans l’un des rendez-vous les plus denses des France, où pas moins de sept athlètes avaient validé les minima pour les Mondiaux de Tokyo (13 au 21 septembre), il fallait terminer dans le trio de tête pour se rapprocher du Japon. Mission accomplie pour le licencié du Val d’Europe Montévrain Athlétisme, son dauphin Romain Mornet (3’33″80, Athletic Club La Roche-sur-Yon) et Paul Anselmini (3’33″95, EFCVO), récent vice-champion d’Europe espoirs, qui occupent désormais les trois fauteuils les plus convoités. Premiers éléments de réponse dès la semaine prochaine avec la sélection dévoilée par la Fédération. Gilavert, revenu de sa chute de la veille, a terminé 4e (3’34″02), juste devant Flavien Szot (3’34″29, Racing Multi Athlon) tandis que Maël Gouyette n’a pas fait mieux qu’une 12e place, gêné par un plâtre au bras gauche.

 

Renaud Lavillenie, cinq ans après

Le temps n’a (presque) aucun effet sur Renaud Lavillenie. Arrivé en Gironde avec la certitude de participer aux Mondiaux de Tokyo grâce à ses deux sauts à 5,82 m (minima), le champion olympique inoxydable de Londres 2012 est, une nouvelle fois, monté à cette hauteur avant de bloquer par trois fois à 5,92 m. Il aura fallu patienter quatre ans, mais Renaud Lavillenie est de retour tout en haut du podium national. Le créateur du club d’ENVOL a décroché un 11e titre en plein air en franchissant 5,82 m, comme un clin d’œil à sa longévité. En ajoutant ses sacres hivernaux, l’ancien recordman du monde (6,16 m) totalise désormais 19 titres de champion de France. « Cinq ans d’attente, ça fait long, congratulait-il. J’ai perdu un ou deux titres pour pas grand-chose, c’est une sorte de revanche là-dessus, surtout après deux années où j’ai pas mal galéré. Je retrouve un visage que j’avais il y a quelques temps et que j’aime bien. Il y a le résultat et la manière, c’est vraiment cool. Ma priorité, c’était le ticket pour Tokyo, cette fois je suis indéniable. »

 

 

Voir cette publication sur Instagram

 

Une publication partagée par STADION (@stadion_actu)

 

Presque deux décennies de domination ponctuée de hauts, de très hauts… et de quelques retours bien sentis. « Je peux me préparer sereinement pour la suite, c’est une bonne étape de faite, poursuivait une des légendes de l’athlétisme français. J’étais vraiment préparé pour gagner, ma dernière compète à Monaco s’est vraiment bien passée, sur élan complet. Mon échauffement était super malgré des conditions pas ouf, et ça m’a décidé à débuter à 5,65 m, un peu plus haut que prévu initialement. Ça fait vraiment du bien au moral. Pour un jeune vieux, c’est cool de ramener la médaille d’or à mes enfants à la maison, et de montrer que je suis toujours là. »

 

 

Le Clermontois de 38 ans a donc repris son trône à Thibaut Collet (5,72 m, EA Grenoble 38), en difficulté cet été pour réaliser la marque requise pour rejoindre le Japon. « C’est le titre qui m’embête le plus parce que c’est symbolique, sur un Championnat l’objectif c’est de gagner et ça faisait six fois de suite que je gagnais (ndlr : quatre fois, le Grenoblois avait été battu en salle en 2023 par Alioune Sène et Valentin Lavillenie), a confié le perchiste de 26 ans après le concours. C’est frustrant, après cette année Renaud (Lavillenie) est très bien. On ne peut même pas le prendre comme exemple, il est tellement unique. Là, il a 39 piges (ndlr : le 18 septembre prochain), il vient de nous mettre une rouste. C’est comme ça, il faut accepter, il est très fort. Moi je suis un petit peu moins bien en ce moment, ça se ressent sur les performances donc c’est frustrant ». À la même hauteur que l’Isérois, Ethan Cormont (ASA Maisons-Alfort) a battu son record de la saison et repartira de Talence avec le bronze autour du cou.

 

Melvin Raffin saute au-dessus de tout le monde

Et que dire de la dernière tentative de Melvin Raffin au triple saut ? Déjà assuré du titre champion de France en plein air pour la troisième fois avec une deuxième marque à 17,21 m, loin devant son dauphin Thomas Gogois (16,77 m, Amiens UC), le représentant du Grand Paris Seine & Oise Athlétisme s’est envolé à 17,52 m, explosant son record personnel qui datait… des qualifications aux Championnats d’Europe en salle en 2017 à Belgrade (17,20 m).

 

 

Voir cette publication sur Instagram

 

Une publication partagée par STADION (@stadion_actu)

 

« Je m’en remets pas encore, c’est un rêve, soufflait le triple sauteur de Bourg-la-Reine. Ça faisait huit ans que je n’avais pas battu mon record, il datait des rangs juniors. Je suis passé par des moments compliqués, j’ai douté, et là faire cette performance, ça montre qu’il ne fallait pas que je lâche. Je suis très très fier de moi et de ceux qui m’ont encouragé tout au long de ma carrière ».

 

 

Une performance XXL qui le classe au second rang mondial cette année (à égalité avec le Jamaïquain Jordan Scott mais loin de l’Italien Andy Diaz Hernandez et ses 17,80 m). Le voici également en quatrième position des meilleurs sauts tricolores de tous les temps derrière les 18,04 m de Teddy Tamgho (2013), les 17,59 m de Pierre Camara (1993) et les 17,55 m de Serge Hélan (1994). À 26 ans, il devance désormais Benjamin Compaoré (17,48 m en 2014), Karl Taillepierre (17,45 m en 2005) ou encore Yoann Rapinier (17,45 m en 2013). Eliott Bijou (Stade Bordelais Athlétisme) est monté sur la troisième marche du podium avec un bond enregistré à 16,11 m.

 

Anaïs Bourgoin a joué des coudes pour s’offrir le titre sur 800 m

Elles étaient si nombreuses à prétendre au triomphe sur le 800 m malgré le manquement à l’appel de l’irrésistible Rénelle Lamote, triple vice-championne d’Europe du 800 m, qui devrait faire refouler les pistes dans le courant du mois d’août. Mais à l’arrivée, une seule est repartie avec la couronne : Anaïs Bourgoin (2’02″50, EFCVO). La médaillée de bronze des Europe de Rome l’été dernier et déjà qualifié pour les Championnats du Monde a dû s’employer avant le dernier virage pour éjecter, au sens propre comme figuré, Clara Liberman (2’03″14, Haute Bretagne Athlétisme), en argent en 2023 et en bronze en 2024. La tenante du titre Charlotte Pizzo (2’03″89, Pays de Fontainebleau Athlétisme) avait pris les reines de la course avant de voir ses principales concurrentes lui passer devant. Au forceps, elle est tout de même allée arracher le bronze.

 

 

Voir cette publication sur Instagram

 

Une publication partagée par STADION (@stadion_actu)

 

« Ça n’a pas été facile, réagissait en zone mixte Anaïs Bourgoin. C’était tactique et vraiment lent. J’ai joué avec le feu. Je sais que ça peut ne pas pardonner. Mais j’ai l’habitude d’être sereine dans ma tête et de ne pas paniquer. Il n’y a aucun moment où j’ai paniqué. Je suis contente de gagner aujourd’hui. C’était très important de gagner les France Elite, c’est la première fois, en plus à Talence où j’ai commencé l’athlé. Et il y a un an jour pour jour, je gagnais la course de repêchage des JO. Ça n’avait beaucoup de sens aujourd’hui pour moi ».

 

Tous les champions du dimanche

Côté sprint, Hélène Parisot a réalisé le doublé 100-200 m qu’on lui promettait, comme Ryan Zézé la veille chez les messieurs. La représentante de l’Athletic Vosges Entente Clubs, si elle espérait aller un peu plus vite, a tout de même survolé les débats en 22″78 (-0,2 m/s). Les records personnels sont tombés sur le tour de piste chez les hommes avec, sur 400 m, la victoire d’Muhammad Abdallah Kounta (EFS Reims) qui conserve sa couronne en 45″12 et, sur 400 m haies, la domination de l’espoir Simon Deschamps (AB Vendée) en 49″14. Sur la même distance mais chez les femmes, c’est aussi une U23 qui monte sur la plus haute marche du podium, avec Seynabou Camara (UA Occitane 31) avec un chrono de 57″93.

 

 

Voir cette publication sur Instagram

 

Une publication partagée par STADION (@stadion_actu)

 

Côté concours, les lancers ont offert un beau suspense et un joli spectacle au public. Rose Loga (Athlé Chartres Luce ASPTT Mainvilliers) a conservé son titre au marteau en expédiant son engin à 67,71 m au deuxième essai, dix centimètres devant la U23 Florella Freyche (Entente Sud Lyonnais). Le poids est, lui, revenu à Naomie Wuta (Dynamic Aulnay Club) avec 15,27 m, qui a privé Amanda Ngandu-Ntumba (CA du Roannais) d’une cinquième médaille d’or pour seulement un petit centimètre. Enfin, Esther Conde-Turpin (Athlé Tarn Nord) est allée chercher sa quatrième médaille d’or de sa carrière sur l’heptathlon (2018, 2021, 2023 et 2025).

 

 

Voir cette publication sur Instagram

 

Une publication partagée par STADION (@stadion_actu)

 

Tous les résultats de la troisième journée des Championnats de France Elite 2025 à Talence.

Texte : Dorian Vuillet
Crédits photos : Solène Decosta & Jean-Luc Juvin / STADION

ARTICLES RÉCENTS
NOUVEAUTÉS
NOUVEAUTÉS

NEWSLETTER

Rejoignez nos 30 000 abonnés pour ne rien manquer de l'actualité de l'athlétisme, du running et du trail !