Seule athlète de l’équipe de France sélectionnée sur marathon, Manon Trapp vivra son premier Championnat du Monde à Tokyo (13 au 21 septembre 2025). Une belle revanche pour celle qui n’avait pas été retenue pour le 42,195 km des JO de Paris l’été dernier. L’élève de Jean-François Pontier vient de passer deux mois d’entraînement dans les montagnes de Font-Romeu, effectuant de nombreux kilomètres hebdomadaires mais aussi de séances en thermoroom ou en hypoxie. La fondeuse de l’Entente Savoie Athlé a déjà en tête une stratégie de course précise, après avoir tout mis en place pour atteindre son plein potentiel. Plus motivée et plus forte que jamais, Manon Trapp (record en 2h23’38 à Séville en 2024) sera l’une de ces athlètes tricolores à surveiller de très près.
— Manon, comment allez-vous et comment se déroule votre préparation finale ?
Je vais très bien. La préparation s’est vraiment bien passée, j’étais à Font-Romeu pendant 53 jours exactement. C’était mon plus long stage d’altitude. La dernière séance que j’ai validée à Clermont-Ferrand s’est déroulée à merveille. J’ai vraiment progressé depuis Séville. Les Mondiaux seront une course particulière puisque j’irai chercher la place plutôt que le chrono, donc je partirai sur des bases plus lentes que mon record. Je pense que ce sera une course aux sensations, et c’est ce que j’aime d’ailleurs, j’ai hâte.
— Le stage à Font-Romeu (Pyrénées-Orientales) s’est aussi bien déroulé ? Qu’avez-vous mis en place pour gérer la chaleur et l’humidité ?
La préparation a été très intéressante et différente de ce que je fais d’habitude, j’ai appris à me connaître encore plus, dans des conditions difficiles, en étant moins concentrée sur le chrono. Nous avons travaillé autrement, notamment avec la thermoroom, avec 37°C et 70% d’humidité. C’est quelque chose que je n’avais jamais fait avant. Le plan d’entraînement était une préparation marathon typique, mais nous avons rajouté au moins une dizaine de séances en thermoroom et en hypoxie, à 5000 m d’altitude. Ce qui est bien à Font-Romeu, c’est qu’on peut travailler sur des terrains vallonnés, ce qui permet de se renforcer musculairement, c’est un atout sur marathon. Le but était de s’adapter aux conditions de Tokyo qui vont être rudes.
« Le point crucial sera surtout la chaleur, l’humidité, et donc l’hydratation »
— Vous tourniez à combien de kilomètres par semaine ?
J’ai réalisé un kilométrage important, de manière progressive, autour de 170-180 km. Mon coach, Jean-François Pontier a été content du travail réalisé. Il est venu deux fois dix jours. Il n’y a pas eu de moment où je me sentais fatiguée, j’étais bien accompagnée, avec des amis qui venaient et repartaient. J’ai adoré, j’ai passé de bons moments pendant deux mois. J’étais bien encadrée par les membres du CREPS. Cette prépa était sûrement l’une de mes meilleures.
— Que pensez-vous du parcours de Tokyo qui s’annonce magnifique ?
J’ai trouvé une vidéo bien réalisée qui permet de repérer le parcours comme si on y était. Ce qui m’impressionne, c’est le fait de courir dans une mégalopole, avec des buildings, ça change de Font-Romeu et de là où je vis. Il y a juste un demi-tour assez serré à un moment, mais sinon, les routes ont l’air larges, il n’y a pas de difficultés majeures puisque le parcours compte seulement trente mètres de dénivelé. Le point crucial sera surtout la chaleur, l’humidité, et donc l’hydratation. Il ne pas aller trop vite, sinon, le risque est d’avoir un coup de chaud et de craquer.




— Quelles seront vos ambitions à Tokyo ?
Pour ce qui est de la course, je vais être prudente, il n’y a pas de raison que cela ne se passe pas bien. Il faudra être stratégique et courir intelligemment, vu les conditions climatiques. Je veux faire une belle prestation, avec une bonne gestion pour pouvoir finir fort. J’aimerais remonter des places au fil de la course. Je n’ai pas envie de garder un mauvais souvenir de ma première expérience de championnat comme c’est mon premier Championnat du Monde. Je préfère courir de façon progressive, avec un départ maîtrisé. Je viens pour prendre de l’expérience, sans pression. C’est mon troisième marathon. Nous aurons huit jours pour nous adapter à Tokyo et nous avons tout mis en place le long de la préparation pour que le marathon se passe le mieux possible. J’ai senti au fil des séances en thermoroom que mon corps s’adaptait et c’était super intéressant. Aujourd’hui, je me sens prête autant physiquement que mentalement, même si je ne réalise pas encore que l’échéance approche.
« J’espère que je vais être portée par le public et l’ambiance pour me surpasser »
— Le Japon est un pays où la course sur route est une passion nationale. Est-ce que vous vous attendez à une ambiance différente de celle que vous connaissez en Europe ?
Effectivement, c’est dans la culture japonaise, avec l’Ekiden aussi. Je pense qu’ils vont mettre de l’ambiance, en plus c’est un grand événement, donc ça sera forcément impressionnant. Courir dans la mégalopole japonaise, ça va être fou. J’espère que je vais être portée par le public et l’ambiance pour me surpasser.
— À quel moment de votre carrière avez-vous su que vous aviez le profil pour le marathon, cette distance mythique ?
J’ai une attirance pour le marathon depuis toujours. Depuis mes débuts, j’adore courir longtemps et enchaîner beaucoup de kilomètres par semaine. Quand j’ai commencé, je ne pensais pas tout de suite marathon parce que la distance me paraissait énorme et je ne m’en sentais pas capable. J’ai toujours eu une appétence pour les longues distances, et j’ai sauté le pas au moment des JO pour essayer de me qualifier. Je ne regrette pas du tout que cela se soit accéléré, je pensais l’envisager plus tard, mais finalement, je suis très heureuse d’avoir basculé aussi vite sur marathon parce que j’aime énormément.




— Connaissez-vous déjà votre prochain marathon après les Mondiaux de Tokyo ?
Je vais essayer de faire un marathon roulant pour battre mon record. J’aimerais bien tenter Séville (9 février 2026) ou Barcelone (15 mars). Séville, c’est une semaine plus tôt que l’année dernière (15 février 2024), mais on verra en fonction de ma récupération post-Tokyo. Barcelone, qui est un peu plus tard, pourrait être mon plan B. Niveau chrono, le but est de battre mon record et le record de France. Le chrono à viser s’ajuste au fur et à mesure de la préparation, au fil des séances. J’espère bien améliorer au moins d’une minute mon record, même si ce n’est pas tout de suite, j’y vais étape par étape. J’ai vraiment hâte de courir au Japon !
Le départ du marathon femmes des Mondiaux 2025 sera donné le dimanche 14 septembre à 1h00 heure française (8h00 heure locale).
Propos recueillis par Emma Bert
Crédits photos : STADION