Ce sont les 10 secondes, un petit peu moins, les plus attendues de ces Mondiaux de Eugene. Fred Kerley a triomphé en finale du 100 m en 9″86 devant ses compatriotes Marvin Bracy et Trayvon Bromell (9″88), départagés à deux millièmes de seconde. C’est le troisième triplé USA de l’histoire sur la distance reine, après 1983 et 1991. Le champion olympique Marcell Jacobs, blessé, a déclaré forfait avant les demi-finales. Récit de deux jours à toute vitesse !
L’US Army a sorti deux avions de chasse dans les airs en amont de la course, la Team USA en a dégainé trois sur la piste pour s’offrir un triplé à domicile, pour les premiers mondiaux de l’histoire sur le sol américain. Avant la procédure de départ, il y a la traditionnelle présentation des athlètes. Le ton est donné, une musique épique accompagne la speaker qui présente les 8 finalistes, en commençant par les couloirs 8 et 1, puis 7 et 2… pour arriver au numéro 5, où est présent l’homme le plus rapide de la saison et favori : Fred Kerley. Au 6, Marvin Bracy est prêt à voler la vedette de son voisin. La présentation terminée, les huit protagonistes se placent dans les blocs, sous une musique digne des plus grands blockbusters américains. Le public apprécie, puis retient son souffle. Le coup de feu retentit, Marvin Bracy jaillit des blocs en tête, et va tenir jusqu’au 60 m, une distance qu’il connaît bien puisqu’il a décroché le bronze cet hiver à Belgrade. Moins explosif, Fred Kerley revient tout de même à hauteur de son compatriote, grâce de sa foulée fluide de coureur de 400 m.
Au couloir 8, tout à l’extérieur, Trayvon Bromell prend également un bon départ. Le champion du monde en salle 2016, se sert de son explosivité pour être dans le coup… À 20 m de l’arrivée, c’est une bataille à trois qui se présente. Sur la ligne, celui qui a couru le plus vite cette année sort un cassé venu d’ailleurs, les bras en arrière, à la Sonic, pour s’offrir son premier titre mondial individuel en 9″86 (-0,1 m/s), après décroché l’argent à Tokyo et le bronze à Doha sur le tour de piste. « On l’avait annoncé et on l’a fait, USA baby ! », a-t-il lancé au micro, à l’attention des spectateurs du Hayward Field. Descendu du 400 m pour essayer de conquérir la ligne droite, Fred Kerley est un sprinteur d’un nouveau genre. À 27 ans, il est aussi et surtout le nouveau roi du sprint planétaire. Il s’alignera aussi sur le 200 m dont les séries lundi 18 juillet à partir de 2h05. Une performance rapidement saluée sur les réseaux sociaux par Usain Bolt, celui qui reste à ce jour l’homme le plus rapide de la planète (9″58 en 2009 à Berlin).
Congrats 🙌🏿 https://t.co/dTaTtxTnLB
— Usain St. Leo Bolt (@usainbolt) July 17, 2022
Pour la deuxième place, il faut attendre la photo-finish. Impossible à l’œil nu de savoir qui des deux médaillés en salle prendra l’argent. Après vérification, le médaillé de bronze à Belgrade passe la ligne… deux millièmes devant son aîné qui s’empare du bronze, synonyme tout de même d’une première médaille internationale après six ans de galères pour le sixième meilleur performeur de tous les temps sur la distance reine. Le recordman du monde juniors fond d’ailleurs en larmes à l’arrivée, soulagé d’être de retour sur un podium mondial. Christian Coleman, que nous sommes obligés d’appeler le « 4ème Américain » pour la course d’un soir, ne prend que la sixième place en 10″01, malgré un habituel bon départ. Déception forcément pour celui qui défendait son titre. Sous les « U-S-A, U-S-A » scandés par la foule, les Etats-Unis ont réussi le « Sweep » (coup de balai, le triplé) dont ils rêvaient à domicile, le premier sur 100 m aux Mondiaux depuis 1991 (Carl Lewis, Leroy Burrell, Dennis Mitchell).
Un Kerley stupéfiant en série
Jour 1 des championnats. Le soleil commence à peine à se coucher sur Eugene quand les hommes les plus rapides du monde entrent en piste. D’habitude, les séries du 100 m ne sont que formalités : des courses assurées pour les favoris avec des chronos anecdotiques qui sont plus là pour évaluer l’état de forme des athlètes. Des surprises parfois derrière, mais rien de plus. Fred Kerley en a décidé autrement. Pas question de réaliser un piètre 10″05. Le vice-champion olympique de Tokyo veut frapper fort d’entrée. Une sortie canon des blocs (0,107 en temps de réaction), une phase poussée puissante puis une fin de course maîtrisée avec la concurrence assez nettement derrière. A l’arrivée, tout le monde est d’accord pour dire que la course est rapide, surtout pour une série. Le chrono tombe : 9”79. Effectivement, le mot “rapide” est adéquat, puisque c’est tout simplement un temps de grande finale. Le premier réflexe est alors de regarder la vitesse du vent… mais celui-ci est nul ! (+0,1 m/s). Le public est stupéfait, Kerley ne bouge pas d’un cil. 9”79, c’est tout simplement la ligne droite la plus rapide de l’histoire d’une série de grands championnats. Pour la première fois, nous osons imaginer que le record de l’intouchable Bolt puissent tomber en finale (9″58), sans que personne ne l’ait vu venir.
Une demi-finale qui a rebattu les cartes
Un peu moins de deux heures avant la finale, il fallait logiquement passer par la case demie. Après le temps stratosphérique de Fred Kerley en série, on a légitimement pensé que ça irait encore pour plus vite pour le spécialiste du 400 m de formation. Finalement, le champion du monde 2019 du 4×400 m a levé le pied en 10”02 (+0,1 m/s), devant Christian Coleman, qui veut évidemment conserver son titre. Celui qui a fait belle impression, c’est Oblique Seville ! Le jeune Jamaïcain de 21 ans claque un 9″90 (-0,1 m/s), meilleur chrono des demi-finales, après un déjà solide 9”93 en série. L’athlète coaché par Glenn Mills, ancien coach d’un certain Usain Bolt termine devant un autre américain, Marvin Bracy, qui monte alors en puissance (9″93). Au total, il y aura quatre sprinteurs américains en finale, puisque Trayon Bromell s’est lui aussi qualifié, à un millième du Sud-Africain Akani SImbine (9″97, +0,3 m/s), toujours présent lors des grands rendez-vous.
Ce deuxième tour aura également fait des dégâts du côté des outsiders. L’éternel jamaïcain Yohan Blake, qui était revenu à un niveau intéressant sur la ligne droite (9”85 cette saison) n’ira finalement pas plus loin. Le champion du monde 2011 a délivré une prestation décevante et sort avec un 10″12 et une quatrième place dans la première demie. Un autre grand nom du sprint mondial est sorti prématurément, c’est le Canadien André De Grasse. En difficulté cette saison, le double médaillé de bronze du 100 m aux Mondiaux (2015, 2019), ne réalise que 10”21, trop peu pour espérer mieux. Enfin, l’un des sérieux outsiders pour le podium, le Kényan Ferdinand Omanyala, 9″85 cette saison, ne termine qu’à la cinquième place de sa course. Une performance forcément expliquée par sa mésaventure d’avant compétition, puisque le recordman d’Afrique (9″77) n’a reçu son visa trois jours avant son entrée en lice… Terrible.
Marcell Jacobs finalement trop juste
Il était arrivé sans trop de repères, à Eugene, et il n’a préféré ne pas prendre de risque. Marcell Jacobs, gêné tout au long de l’été par sa cuisse droite, le champion olympique en titre tenait tout de même à être présent pour un nouveau rendez-vous mondial. En série, tout le monde a compris que l’Italien était en retenue. Une qualification tout de même pour les demi-finales en 10”04, sa meilleure ligne droite de la saison. Malheureusement, la douleur était trop forte pour le champion du monde en salle pour pouvoir défendre ses chances, et viser une médaille. L’objectif pour le recordman d’Europe (9″80) maintenant, est de récupérer pour les Championnats d’Europe de Munich (15 au 21 août), et s’offrir un premier titre continental en plein air.
Texte : Briac Vannini
Crédits photos : Solène Decosta / STADION
STADION À EUGENE !
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