Jimmy Gressier : « Je suis champion du monde comme Zizou ! »

15 septembre 2025 à 9:34

Au bout d’un sprint d’anthologie, qui restera à jamais gravé dans la mémoire des passionnés de sport, Jimmy Gressier a écrit, ce dimanche à Tokyo, l’une des plus belles pages de l’histoire de l’athlétisme français en devenant champion du monde du 10 000 m, une épreuve jusqu’ici chasse gardée de l’Afrique de l’Est. Quelques minutes après son exploit, le Boulonnais de 28 ans s’est confié avec spontanéité en zone mixte.

 

« Mes premières pensées vont à ma famille »

À chaud, il a encore du mal à mesurer ce qu’il vient d’accomplir. « Je réalise sans trop réaliser », confie-t-il dans un sourire. « Honnêtement, je pleure plus quand je regarde The Voice que quand je deviens champion du monde. Parce que dans l’action, tu fais juste ton job ». Dans ce flot d’adrénaline, une certitude, ce titre ne lui sera jamais enlevé. « Une course peut se reproduire demain, je peux finir sixième ou septième. Mais être champion du monde, ça, c’est acquis ».

Ses premières pensées vont aux siens. « Ma famille, mon coach Adrien Taouji, mon staff, ma copine, mon premier entraîneur Arnaud Dinielle… Tous ceux qui m’ont accompagné, même quand certains ont essayé de me faire passer pour quelqu’un que je n’étais pas. Aujourd’hui, c’est une récompense pour être resté fidèle à moi-même et avoir toujours travaillé. »

 

Le déclic de la Diamond League

Ce sacre planétaire n’est pas sorti de nulle part. Ces derniers mois, Jimmy Gressier avait déjà envoyé plusieurs signaux. Sa victoire sur 3000 m en finale de la Diamond League à Zurich le 28 août l’avait notamment conforté dans ses certitudes. « Ça fait 4 ou 5 ans que je sais finir vite à l’entraînement. On a changé pas mal de choses avec mon entraîneur. Avant, je me cramais trop, je voulais arriver avec trop de confiance. Aujourd’hui, je contrôle beaucoup plus. C’est la maturité ». Il cite une phrase qu’il garde en tête depuis longtemps : la règle des « 3T » de Bob Tahri : Talent, Travail, Temps. « Aujourd’hui, cette règle est appliquée, et c’est ce qui fait la différence. »

 

 

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« On a toujours dit que c’était impossible »

Le 10 000 m (25 tours de piste) semblait une montagne infranchissable pour le Tricolore de 28 ans « On a toujours dit que c’était impossible. Moi, j’y ai toujours cru », raconte Jimmy Gressier. Il n’oublie pas les coups durs, comme aux Mondiaux de Budapest en 2023. « J’étais fort. À la cloche, je pensais gagner. Je finis neuvième. Je n’étais même pas aidé par l’ANS (Agence nationale du sport), pas soutenu par la fédé. Je me retrouvais un peu sur le côté. Mais j’ai continué, avec des soutiens privés ». Cette persévérance l’a mené au sommet. « Aujourd’hui, je bats l’Afrique de l’Est », sourit-il. Avant d’ajouter un message plus grave : « Je remercie les instances antidopage. Elles font un travail énorme, elles permettent de rééquilibrer les choses. C’est aussi grâce à elles que je suis champion du monde. »

 

Un scénario maîtrisé de bout en bout

S’il y a un mot qui résume sa course, c’est « patience ». Le recordman d’Europe du 5 km savait qu’il fallait attendre le bon moment. « Toute la course, je me suis parlé à moi-même. Je me suis récompensé de ne pas suivre certaines attaques. La course n’allait pas se jouer là. Je savais qu’il fallait s’accrocher et attendre les cinq derniers tours ». Puis vient le moment clé. « À deux tours de l’arrivée, je me suis dit : personne n’y va, alors maintenant c’est moi. Je prends la tête, je reste relâché. Dans le dernier virage, je vois Grant Fisher passer au couloir 3. Je me dis qu’il va se fatiguer. Je reste patient, et j’attends que ça s’ouvre. »

La dernière ligne droite est gravée dans sa mémoire. « Je suis quatrième. Je me dis : prends la troisième place. Puis la deuxième. Et là, je me dis qu’il faut changer de rythme, raccourcir la foulée, mettre de la puissance dans le sol. Je passe devant. Il reste 30 mètres. Je me répète : ‘Ça ne se représentera peut-être plus jamais de ta vie.’ Alors je donne tout. »

 

 

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Du football à l’athlétisme

Pour expliquer sa pointe de vitesse décisive, Jimmy Gressier convoque sa première passion : le football. « Le dernier 60 mètres, c’est comme une balle en profondeur. Je pars, je sprinte, et je vais au bout. Tout ça vient du foot. C’est un truc de fou. Je rejoins le cercle fermé des champions du monde français. Je suis champion du monde comme Zizou ! ». Le « p’tit gars » du Chemin-Vert avoue d’ailleurs qu’il y pense souvent. « Parfois, je cours et je me dis : ‘tu vas reprendre le foot quand même’. C’est ma passion première. Mais je ne regrette rien. Je suis champion du monde, et j’échangerais toutes les carrières de foot sans titre contre ce que je viens de vivre. »

 

Déjà tourné vers le 5000 m

Ce sacre ne change pas l’homme : « Demain, je retourne m’entraîner. Je suis champion du monde, mais je suis une personne normale ». Ses ambitions, en revanche, s’élargissent, et son désir de moisson est sans limites. « Maintenant, il y a le 5000 m. Et le rêve olympique ». Il garde aussi son humour. « Ce matin (hier), j’ai dit à ma copine : si je deviens champion du monde, tu m’achètes une Mercedes ? Elle m’a répondu : ‘oui, avec ta carte’. Je crois que je vais tenir parole ! ». Son désir de moisson est sans limites. Les séries du 5000 m ont lieu le vendredi 19 septembre à 13h00 (finale le 21 septembre à 12h47). 

 

Un message pour la jeunesse

Originaire de Boulogne-sur-Mer, Jimmy Gressier n’oublie pas d’où il vient. « Ribéry est du même quartier que moi. Grâce à lui, j’ai eu envie de sortir de la délinquance, de me battre. Aujourd’hui, je veux montrer à la jeunesse qu’il n’y a pas d’excuses. Peu importe d’où l’on vient, il y a des mains tendues, il faut les saisir ». Il insiste sur l’importance d’écouter : « Chaque fois qu’un ancien m’a parlé, je me suis dit : ‘S’il dit ça, c’est qu’il a déjà vécu’. J’ai pris de l’avance en apprenant de leurs erreurs. »

 

 

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« Aujourd’hui champion du monde, demain à l’entraînement »

L’histoire retiendra ce dimanche comme celui où Jimmy Gressier a marqué l’athlétisme français. Mais lui refuse de se laisser griser. « Je suis champion du monde, oui. Mais demain je repars courir, parce que c’est ce que je sais faire de mieux. Il y aura d’autres victoires, d’autres désillusions. On n’est pas des robots, on est des humains ». Et c’est peut-être cette lucidité qui explique pourquoi le Boulonnais a réussi l’impossible : devenir champion du monde d’une discipline que la France n’avait jamais conquise au niveau planétaire.

Crédit photo : STADION

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