Facilement reconnaissable avec cette casquette à l’envers qui ne le quitte jamais en compétition, Jimmy Gressier va vivre le premier grand tournant de sa jeune carrière. Grande promesse du demi-fond français, le jeune homme devra lâcher les chevaux en finale des Jeux olympiques sur 5000 mètres ce vendredi 6 août à 14h00 pour accrocher une place d’honneur.
Qui aurait cru, il y a dix ans, que le gamin du quartier du Chemin Vert serait un jour au départ d’une finale olympique ? Pas grand-monde, car avant d’aimer les tours de piste, Jimmy Gressier était plutôt porté sur le ballon rond. Une passion qui démarre à l’âge de cinq ans. Au pied des blocs, le Boulonnais enchaîne les dribbles et rêve de jouer au PSG. Il est capitaine des U17 nationaux de l’USBCO. C’est en 2014, au lycée, que son professeur de sport détecte son fort potentiel pour la course à pied. Il lui conseille d’essayer l’athlé. Quelques jours plus tard, le voilà champion régional de cross cadets. Un mois après, sixième des championnats de France au Pontet. Sans préparation, mais avec un cœur énorme.
10 titres de champion d’Europe
La suite, on la connaît. Jimmy Gressier troque ses crampons pour les pointes. Les premiers résultats à l’échelle continentale arrivent vite. En décembre 2019 à Lisbonne, il devient le premier athlète à remporter trois fois les championnats d’Europe espoirs de cross (2017, 2018 et 2019). Sa huitième couronne dans cette compétition, en comptant les titres par équipes. La même année, après avoir passé plusieurs saisons sans résultats probants sur piste, l’ancien footballeur réussit le doublé aux Europe espoirs à Gävle (Suède) : 5000 – 10 000. Si le gamin de Boulogne a choisi l’athlétisme plutôt que le ballon rond, c’est parce qu’on lui avait assuré qu’avec du travail et du sérieux, il pourrait prétendre au maillot de l’équipe de France… Et aux Jeux.
Jimmy Gressier pense alors à Paris 2024, forcément. Mais dans un coin de sa tête, il y a Tokyo, dont le report d’un an ne peut que l’avantager. A l’entraînement tout se passe bien, mais il faut que le reste suive : diététique, récupération… Le demi-fondeur français se professionnalise. Les minima sur 5000 mètres sont fixés à 13’15″50. L’homme à l’indéboulonnable casquette sur le crâne détient un chrono sur route de 13’18 (qui est aussi le record d’Europe), et 13’15″77 sur piste.
Une nuit à l’aéroport, avant les minima
Le Meeting de Göteborg, en Suède, est idéalement placé (31 mai) pour la course aux minima. Mais rien ne se passe comme prévu. En raison d’un test PCR périmé de quelques heures, le Boulonnais se retrouve bloqué à l’aéroport, interdit d’en sortir. Il passe la nuit sur un banc. Ça devait être la Suède, ce sera finalement l’Espagne. Jimmy Gressier trouve refuge à Huelva (Espagne). Les jambes sont fatiguées par cet enchaînement de vols, il va falloir la jouer au mental. Mais ce fan de rap est un gagneur, et ce n’est pas dans ses habitudes de lâcher prise. À l’arrivée, le billet pour Tokyo est composté : 13’08″95, troisième meilleure performance française de tous les temps.
En conférence de presse, l’athlète entraîné par Arnaud Dinielle et Adrien Taouji prend très au sérieux ses premiers JO : « J’ai fait de bonnes choses chez les espoirs, mais le premier grand tournant de ma carrière, ce sont ces Jeux. Ma finale à moi, ce sont les demies. Je vais faire du mieux possible, essayer de faire comme si c’était ma dernière course aux Jeux car rien ne dit que je serai présent à Paris 2024 ».
Jimmy Gressier est dans la deuxième série. En entrant sur la piste, il sait le chrono qu’a fait son compatriote Hugo Hay, provisoirement qualifié au temps. Neuvième de sa série en 13’33″47, ça passe. Le fondeur tricolore savait ce qui l’attendait, et su gérer : « C’était une belle bataille. Je savais que j’allais passer, donc j’ai essayé de garder le maximum de fraîcheur sur la fin. Il fallait la jouer intelligemment ». Il n’y avait pas eu de Français en finale olympique du 5000 mètres depuis Pascal Thiébaut, en 1992. À 23 ans, le gamin du Chemin Vert trace sa route. Sans ballon rond, mais plein de promesses.
Texte : Mathilde L’Azou
Crédit photo : Solène Decosta