Kevin Mayer, une médaille d’argent qui vaut de l’or

05 août 2021 à 18:04

Peut-on parler de déception pour une médaille d’argent aux Jeux olympiques ? Quand on s’appelle Kevin Mayer, oui. Mais dans ce contexte, pas vraiment. Retour sur deux jours forts en émotions à Tokyo.

Des larmes, des cris, de la joie, de la rage. Et à la fin, l’argent. À Rio, ce métal promettait un avenir radieux à celui qui se révélait au grand public. À Tokyo, cette médaille est presque une renaissance. En cinq ans, Kevin Mayer a tout connu. Le bonheur d’un titre mondial (Londres), et d’un record planétaire (Talence). La déception de Berlin. Et cette blessure, à Doha. Le meilleur, comme le pire. Et revoilà cette place de vice-champion olympique, comme un symbole. Depuis 2016, Kevin Mayer a toujours battu son record sur 100m en championnat. A Tokyo, c’est différent. 10″68 (+0,1 m/s) : c’est exactement le même chrono qu’au Meeting de La Réunion en décembre dernier. Plus rapide qu’à Londres (10″70), mais moins qu’à Doha (10″50, record personnel). Surtout que son principal rival, Damian Warner, a réalisé 10″12, égalant ainsi son record du monde en décathlon. Mais pas d’inquiétude, c’est normal que le Canadien soit devant sur les premières épreuves.

Les larmes, avant le rebond à la hauteur

Mais la longueur ne se passe pas vraiment comme prévu. 7,50 m (+0,9 m/s). Une performance en-deçà de son record personnel, qui culmine à 7,80 m. Ce saut réalisé au deuxième essai lui permet de limiter la casse, mais le voilà déjà à 321 points de Warner. Ce dernier a réalisé 8,24 m : une marque qui lui aurait permis d’aller chercher le bronze olympique, dans cette même discipline. Comment réagir, face à de telles performances, quand on sait au fond de soi, que son propre corps est déjà en souffrance ?

On se rassure comme on peut. On se fie à ses acquis, à ses points forts. Et il se trouve que le poids en est un. S’il tutoie son record personnel, 17,08 m, le recordman du monde (9126 points) peut espérer revenir au contact. Ce sera finalement 15,07 m. La douche froide. Et soudain, les larmes. La carapace craque en zone mixte. La frustration, les nerfs, et surtout ce dos bloqué. « Je ne prends aucun plaisir, je donne tout, tant que je pourrai marcher je pourrai courir… Mais le rendez-vous de ma vie est totalement gâché », balance-t-il. Difficile de ne pas repenser à Doha, où l’ischio avait lâché à la perche, contraignant celui qui était alors leader, à l’abandon.

Parfois, les champions ont besoin d’être au plus bas, pour retrouver les ressources nécessaires et retourner au combat. L’heure du rebond a sonné. On retrouve à la hauteur un Mayer concentré, avec un visage bien moins fermé. Le Montpelliérain culmine à 2,08m : une performance qu’il n’avait plus réalisée depuis quatre ans et les Mondiaux de Londres en 2017. ll exulte. Cette épreuve vient de lui redonner confiance, alors qu’il reste encore le 400 mètres pour conclure cette journée particulière. 50″31, à l’image du 100 mètres et de la longueur : quatrième à l’issue de la première journée avec 4340 points, Mayer limite les dégâts.

L’orgueil du champion

Le dernier jour en décathlon est synonyme de souffrance. Le corps cède peu à peu. C’est la tête qui commande, qui résiste. Que ce soit aux haies (13″90) ou au disque (48.08), les performances ne sont pas catastrophiques, mais éloignées des standards auxquels le vice-champion olympique en titre nous avait habitués. Il faut respectivement remonter à 2016 et 2015 aux bilans, pour retrouver des performances similaires. Dans ces moments-là, il y a encore le temps de penser à l’épreuve suivante. Prendre le maximum de points, avant de commencer à calculer. Ça tombe bien, c’est la perche qui suit. Il faut oublier Doha et ces semaines de blocage qui ont suivi, quand Mayer était incapable de sauter. Avec un saut réussi à 5,20 m, la mission « remontada » a commencé.

Et c’est là qu’on l’a retrouvé. Le Kevin Mayer des grands soirs. Celui qui ne lâche rien. Le javelot est une des épreuves les plus délicates à gérer. Les jambes sont lourdes après la perche, la tête est déjà au terrible 1500 mètres qui doit conclure la journée. Pour aller chercher le podium, le Français doit sortir LA perf’. Ces deux dernières années, il a lancé aux alentours des 67 mètres. Loin de son record, établi à Talence (71,90 m). Et puis arrive ce deuxième essai. Tout est là. La course d’élan. La force dans le bras. La vitesse d’exécution. 73,09 m, meilleure marque explosée. Le décathlonien laisse exploser sa rage : on ne l’enterre pas si facilement. Le voilà en deuxième position.

Le retour sur les podiums

Le 1500 m, avalé en 4’43″17, n’y changera rien. Kevin Mayer est à nouveau vice-champion olympique du décathlon. Après les larmes de la veille, le recordman du monde de la discipline est tout sourire en zone mixte : « Cette hauteur et ce javelot, qu’est ce que c’était bon ! Ce sont les deux seules épreuves où je n’avais pas besoin de vitesse, juste d’un bon placement. À Rio, j’ai été vice-champion olympique en optimisant tout. Et aujourd’hui, au moment où je pensais que j’allais abandonner, je réussis à aller chercher l’argent. Je suis super content ». Le voilà qui pense déjà aux Mondiaux de Eugene de l’été prochain (15 au 24 juillet 2022).

On n’avait plus revu le Montpelliérain sur un podium international en plein air depuis son titre mondial à Londres, il y a quatre ans. Forcément, lorsqu’on est un gagnant, qui plus est recordman du monde de la discipline, la victoire paraît être le seul résultat valable. La réalité du sport de haut niveau est toute autre. Et finalement, même quand on s’appelle Kevin Mayer, l’argent a parfois le goût de l’or.

Retrouvez le fil des deux journées du décathlon, épreuve par épreuve, en cliquant ici.

Découvrez nos plus beaux clichés de Kevin Mayer capturés par notre photographe Solène Decosta sur notre compte Instagram.

Texte : Mathilde L’Azou
Crédit photo : STADION

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