Six ans après avoir triomphé une première fois sur les 42 km du Marathon du Mont-Blanc, l’Italien Davide Magnini (athlète New Balance) est monté à nouveau sur la plus haute marche du podium de l’emblématique trail haut-savoyard après 3h42’55 d’effort à Chamonix. Sur le format long du 90 km, l’équipementier américain, partenaire titre de l’événement, a été aussi à l’honneur avec le succès de Théo Detienne, intraitable sur un tracé technique et exigeant négocié en 10h54’13. Chez les dames, Blandine L’Hirondel s’est illustrée en 12h31’51. Le Kenya a aussi brillé de mille feux avec la victoire de Joyline Chepngeno (4h15’20) sur l’épreuve reine, ainsi que Nashon Kiplimo et Faith Kiplagat sur les 23 km.
42 KM DU MONT-BLANC
Dès 6h45 ce dimanche, les Elite femmes ouvraient la danse, suivies à 7h15 par les messieurs et de l’ensemble des 2250 participants. Un départ matinal pour une épreuve exigeante de 42 km et 2540 m D+/- : une première partie roulante jusqu’au fond de la vallée chamoniarde, avant l’ascension vers l’Aiguillette des Posettes (point culminant à 2200 m), puis un enchaînement technique entre Vallorcine et la Flégère, et enfin, la descente finale vers le cœur de Chamonix.
Le scénario chez les hommes a été haletant. L’Ukrainien Vitaliy Shafar, spécialiste de la route (2h11’52 au marathon en 2013), a tenté sa chance dès le début. Il a mené les débats jusqu’à l’Aiguillette des Posettes (km 18), avant de céder face au trio infernal : le Kényan Ezekiel Rutto, le Britannique Thomas Roach et le Français Thomas Cardin. Après Vallorcine (km 23,5), Rutto semblait en route vers la victoire. Cinquième en 2024, le dixième de Sierre-Zinal 2024 connaît le terrain et a attaqué avec panache. Mais dans la montée vers la Flégère (km 34,2), il a explosé physiquement. À bout de souffle, il marche, laissant la voie libre. C’est alors que le Belge Raoul Raus (athlète New Balance), non listé parmi les favoris ou les outsider, est entré en scène. Tour à tour, Raus a dépassé ses adversaires, parvenant même à prendre la tête de la course au sommet de La Flégère et malgré une lourde chute et une plaie ouverte au front, il s’accroche avec courage à sa deuxième place dans la descente.
La remontada de Davide Magnini
Mais le coup de maître revient sans discussion à Davide Magnini. Pointé au sixième rang provisoire à Vallorcine avec quatre minutes de retard, le « p’tit prince italien », qui portait les New Balance Fresh Foam X Hierro 9, a lancé une remontée folle. Vainqueur ici-même en 2019, il connaît chaque virage, chaque recoin de la vallée de Chamonix. Ce spécialiste du ski-alpinisme a rattrapé tout le monde après la Flégère (km 34,2) et a dévalé la dernière descente vers Chamonix pour s’imposer en 3h42’55 (11,9 km/h), plus de trois minutes devant son coéquipier chez New Balance Raoul Raus (3h46’00). Un retour éclatant après deux années perturbées par les blessures, notamment une fracture de fatigue, couronné à l’arrivée par une célébration festive : Théo Detienne, vainqueur du 90 km, et Nicolas Gourdon, 10e de la même épreuve, n’ont pas hésité à l’asperger de champagne pour saluer sa performance.
« Ce fut très dur dès le départ. J’avais mal aux jambes, la première partie de course était trop rapide pour moi, et la descente vers Vallorcine a été un calvaire. J’étais loin, avec un gros écart, et pourtant je suis parvenu à revenir. Je me suis accroché à mon rythme, j’ai essayé d’écouter mes sensations. Dans la montée vers La Flégère, j’ai commencé à reprendre du terrain. Je n’ai même pas pu boire au torrent, mais j’ai trouvé les ressources pour bien descendre. Je me suis tordu la cheville, mais abandonner à 3 km de l’arrivée était impensable. Je suis arrivé complètement vidé, mais heureux. Remporter à nouveau cette course, après ma première victoire en 2019, c’est un immense bonheur. Maintenant, place à la récupération ! »
« C’est aussi pour ça qu’on vient à Chamonix : se dépasser, comme le font les milliers d’amateurs au départ »
Le Français Thomas Cardin, champion d’Europe 2024 de trail à Annecy et lauréat du 23 km en 2024, vient compléter le podium en 3h46’29. Le professeur des écoles à mi-temps à Chambéry, dix-septième de l’épreuve reine en 2019, longtemps dans le coup pour la gagne, a jeté ses dernières forces dans la bataille pour se hisser sur la troisième marche du podium du Marathon du Mont-Blanc, alors que le thermomètre affichait près de 30 degrés.
« Je ne ressens aucune frustration, je suis très content de ce que j’ai réalisé. Bien sûr, on est là pour gagner, mais j’ai su composer avec une forme moyenne sur la deuxième partie de course, marquée par de fortes crampes liées à la chaleur. J’ai passé beaucoup de temps à m’hydrater et à me rafraîchir dans les ruisseaux. C’est rare de devoir maintenir une telle intensité sous une chaleur pareille, et le corps en souffre. Mais je suis fier d’avoir tenu, d’avoir géré la douleur et terminé alors qu’à un moment, je pensais abandonner. C’est aussi pour ça qu’on vient à Chamonix : se dépasser, comme le font les milliers d’amateurs au départ. Après plusieurs années sur des formats autour de 40 km, j’ai désormais envie de me lancer sur des distances plus longues, peut-être le 90 km l’an prochain ». Principal animateur de ces 42 km, Ezekeil Rutto (3h50’25) s’est classé quatrième malgré une chute impressionnante en dernière partie de course.
Joyline Chepngeno, première !
Dès les premiers kilomètres du Marathon du Mont-Blanc, la Kényane Joyline Chepngeno a imposé sa loi et son rythme chez les dames. La vainqueure de Sierre-Zinal 2024, ancienne spécialiste du 3000 m steeple et de cross-country, a creusé rapidement un écart de cinq minutes sur ses poursuivantes, la Britannique Naomi Lang et l’Italienne Fabiola Conti (5e en 4h18’53) et a conservé la tête jusqu’à l’Aiguillette des Posettes (km 18), même si pendant la descente vers Vallorcine l’écart s’est réduit un peu. Au milieu de course, Fabiola Conti est revenue en force, imprimant une cadence fluide, mais a fini par céder dans les portions finales. Dans la montée du Béchar, Naomi Lang a repris la deuxième place, tandis que la Suissesse Judith Wyder (vainqueur en 2024), encore en retrait, préparait son retour. À la Flégère, Chepngeno comptait plus de sept minutes d’avance. Mais à l’amorce de la dernière descente, Judith Wyder est passée à l’attaque.
Sur ce terrain ultra technique, la tenante du titre (4h11’12 en 2024) n’a finalement terminé qu’à 1’08 de la Kényane (4h15’20 contre 4h16’28). Une performance d’autant plus remarquable que toutes deux partagent un autre point commun : Les traileuses sont maman de deux enfants. Un magnifique podium complété par Naomi Lang (4h17’43), deuxième tout au long du parcours mais déloger dans les derniers kilomètres par Judith Wyder.
« La course a été très difficile, mais j’ai tout donné !, confie Joyline Chepngeno sous l’arche d’arrivée, située sur la Place du Triangle de l’Amitié à Chamonix. En début de parcours, je n’ai pas voulu partir devant car c’était la première fois que je courais sur un 42 km, une course très longue. Je savais que je pouvais tenir sur les 30 premiers kilomètres, mais si je suivais Judith, qui a gagné l’année dernière, ce n’était pas une bonne idée. Alors j’ai décidé de suivre le groupe et de voir comment elles couraient. Vers le 13e kilomètre, j’ai pris la décision d’y aller parce que le rythme était lent et que j’avais encore beaucoup d’énergie. Mais je ne pensais pas que je pouvais gagner. Je suis très heureuse ! »
Côté Tricolores, relevons la sixième place de Clémentine Geoffray (4h25’44), championne du monde 2023 et d’Europe 2024 de trail.
REPLAY – 42 km du Mont-Blanc 2025
90 KM DU MONT-BLANC
« La vie est dure, mais pas la mienne »
C’est à 4h du matin ce vendredi, Place du Triangle de l’Amitié, que les choses sérieuses ont commencé avec les 90 km du Mont-Blanc (6330 D+/-, 886 hommes et 125 femmes). Rapidement, un groupe de six s’est formé, avant d’exploser sous l’impulsion de Téo Detienne à la montée du barrage d’Emosson (43,3 km). Sa tactique est claire : attaquer à la Tête de Balme pour faire la différence sur les portions plus « roulantes ». Une stratégie parfaitement exécutée. Les New Balance Fresh Foam X Hierro 9 aux pieds, plus personne ne le reverra. Quatrième de l’exercice l’an passé, le vainqueur du Trail Alsace Grand Est by UTMB 2024 a levé les mains le premier après 10h54’13 d’effort intense. « La vie est dure, mais pas la mienne ». C’est le slogan fétiche du Chambérien, représentant du Haut Vallespir Athlétisme, qui a décidé que le trail, ça pouvait aussi rimer avec fun.
« Courir avec la tête, ça sert parfois ! J’ai beaucoup bossé, parfois ça s’aligne ! Ma première victoire à Chamonix, c’est juste dingue… mais je vous annonce que ce n’est pas la dernière ! C’était de la folie, j’étais porté par les supporters mais aussi par tous ceux qui étaient derrière leur écran. Quand j’avais les cam runners avec moi, ça me donnait une force de fou parce que je savais qu’il y avait du monde derrière les écrans. Alors je n’avais pas le droit de relâcher l’effort ! Il fallait que j’aille jusqu’au bout, jusqu’au dernier centimètre du parcours, jusqu’à la dernière goutte de sueur ». Théo Detienne est une nouvelle fois attendu de pied ferme à Chamonix pour l’UTMB (176 km, 10 000 m D+) le 29 août.
Le prometteur traileur de 24 ans Virgile Moriset (10h59’11), auteur d’une remontée fantastique dans la deuxième partie de course, et le Suisse Jean-Philippe Tschumi (11h01’12), deuxième de la Diagonale des Fous 2024 derrière Mathieu Blanchard, l’accompagnent sur la boîte. Le Russe Dmitry Mityaev, vainqueur du Marathon du Mont-Blanc 2024 en 10h44’14, a mis le clignotant au col des Posettes (km 58), après huit heures de course, mais qui a ensuite géré l’assistance de sa compagne Ekaterina Mityaeva (3e chez les dames) jusqu’à son arrivée.
Blandine L’Hirondel en patronne
Engagée dans un mano à mano avec la Russe Ekaterina Mityaeva, la tenante du titre, jusqu’au Châtelard (km 47,4), Blandine L’Hirondel, double championne du monde du trail (2019 et 2022) parvenait à se faire la malle et à creuser l’écart. Implacable, la pensionnaire d’Alençon Running Club n’a fait qu’agrandir son avance pour franchir la ligne d’arrivée en 12h31’51 avec plus de de 25 minutes d’avance sur sa première poursuivante, Julie Roux (12h57’22), déjà deuxième de la campagne 2024 (13h09’23). Un grand sourire et un petit saut cabri sous l’arche. Le numéro est rodé, Blandine L’Hirondel le duplique un peu partout où elle passe depuis plusieurs années dans les courses les plus mythiques de la planète.
« J’avais quelques doutes, mon entourage ne peut qu’acquiescer et le confirmer parce que mes années précédentes n’ont pas été à la hauteur de mon début de carrière. J’avais une frustration de ne pas réussir à faire aussi bien, dans le niveau et le mental, il y avait quelque chose qui pêchait. J’ai eu plusieurs petites blessures (pas grave) qui m’ont empêchée d’être à mon plein potentiel. Elles ont disparu deux semaines avant le 90 km. Il y a 2 semaines, je n’étais pas encore sûre de prendre le départ, en tout cas pas avec les meilleures conditions. Je me suis régalée sur cette course, j’ai retrouvé le plaisir, la spontanéité. J’ai senti que quand je m’épanouissais et que j’aimais ça, c’était plus facile (même si c’est un bien grand mot). Mon plan c’était d’être dans ma bulle et ne pas faire de focus sur les autres. J’ai écouté mes sensations qui étaient excellentes aujourd’hui et je suis hyper contente. C’est une belle course ! Merci au public, à tous les gens qui étaient là et à ceux qui étaient derrière leur écran. J’ai reçu beaucoup de messages de soutien. Ça fait tellement chaud au cœur ! »
Vainqueure de la CCC en 2022 et de l’OCC en 2021, mais aussi 3e en 2023 et 5e en 2024 de l’UTMB, Blandine L’Hirondel a mis entre parenthèse son activité professionnelle de gynécologue obstétricienne, avec pour projet de développer la gynécologie pour les sportives. Derrière, Julie Roux (12h57’22) a navigué entre la deuxième et la troisième position tout au long de la course. C’est après le col des Posettes que lauréate du Grand Trail des Templiers et de la SaintéLyon en 2023 est parvenue à faire la différence, sécurisant ainsi la deuxième place, suivie de près par Ekaterina Mityaeva, qui complète le podium en 13h03’16.
REPLAY – 90 km du Mont-Blanc 2025
23 KM DU MONT-BLANC
Le Kenya en haut de l’affiche
Ils étaient encore inconnus il y a quelques jours, et pour cause : Nashon Kiplimo et Faith Kiplagat n’avaient jamais quitté leur pays. Issus du groupe d’entrainement Milimani Runners basé à Iten ils ont enfin pu obtenir un visa après deux refus, grâce à la ténacité et l’aide de leur team et avec l’appui de l’organisation du Marathon du Mont-Blanc. Rien ne les avait préparés à ce qu’ils allaient découvrir : la neige, les tunnels, les montagnes, et même… l’avion. Faith Kiplagat n’avait couru qu’une seule course avant de venir à Chamonix. Tous deux sont arrivés en terre inconnue, mais avec un potentiel à révéler. Et le test est plus que concluant. Dans l’environnement alpin, ils ont fait parler leur capacité à grimper et leur aisance sur terrain accidenté. Nashon Kiplimo s’impose avec autorité sur le 23 km du Mont-Blanc chez les hommes en 2h02’41, tandis que Faith Kiplagat remporte la course féminine avec la manière en 2h28’09.
Simon Paccard (2e en 2h04’20) et Thomas Butez (3e en 2h05’12), chez les hommes, ainsi que la Sud-Africaine Bianca Tarboton (2e en 2h31’46) et l’Espagnole Greta Garcia Moran (3e en 2h40’06), chez les femmes, ont aussi goûté aux joies du podium. Soulignons aussi la cinquième place de la prometteuse traileuse New Balance Alice Bausseron en 2h41’49. Le Marathon du Mont-Blanc 2025 a réuni plus de 10 000 traileurs passionnés sur les huit épreuves des trois jours du programme.
REPLAY – 23 km du Mont-Blanc 2025
Crédits photos : Marathon du Mont-Blanc