Le Marathon Vert Rennes School of Business a offert son habituel tourbillon de bruit, de pluie et d’énergie communicative. Duncan Perrillat (2h11’38) y a retrouvé la joie simple du marathon gagné et consommé jusqu’au dernier mètre. Derrière lui, les héros du jour se sont succédé sur un parcours rapide où chaque Rennais avait son rôle à jouer. Dans la capitale bretonne, le spectacle ne se limite jamais à la performance. Demandez à Etienne Daguinos (27’41 sur 10 km) ce samedi soir.
Profiter. Un mot d’ordre simple mais importantissime pour Duncan Perrillat à Rennes, cette ville qui aime tant le marathon. Et le marathon le lui rend bien. Pour cette 14e édition, l’épreuve reine a encore offert un scénario riche, une ambiance dense comme rarement en France et des performances solides sur un parcours urbain au profil très roulant (110 m D+ seulement). Les Rennais ne s’y trompent plus. Chaque année, ils transforment les 42,195 km du Marathon Vert Rennes School of Business en grande fête populaire, un véritable tourbillon de bruit, du crachin breton, d’encouragements permanents et de bras tendus pour taper dans les mains des héros du jour. Parmi eux, un homme que Rennes connaît par cœur : Duncan Perrillat.
Déjà sacré en 2021 et 2022, le ténor de Neuilly-Plaisance Sports retrouvait la capitale bretonne deux semaines après un abandon à Chicago (au 29e km). Objectif clair : se faire plaisir, profiter, retrouver les sensations que seul ce marathon semble lui offrir. « Je suis toujours super content de courir à Rennes, c’est une ville que j’adore. Je vois ce marathon comme une sortie longue. Si je suis en forme, je n’exclus pas un chrono honorable », posait-il avant le départ. Autant dire que l’histoire avait tout pour bien se terminer.
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Le retour du roi Duncan Perrillat
Dès les premiers kilomètres, Duncan Perrillat s’est retrouvé seul au monde ou presque, l’allure calée sur une ambition : la gagne, avant tout. Un semi avalé en 1h04’45, des bases qui frôlaient les 2h09 au départ, mais la lucidité a vite pris le pas sur l’euphorie initiale. « Je savais que j’allais temporiser. Au début, j’avais les 15 premiers kilomètres en groupe, puis ensuite j’étais tout seul. Aujourd’hui, l’objectif, c’était de gagner, de faire une bonne séance, de profiter au maximum », expliquait celui qui a réalisé un défi hors norme en juin dernier : traverser le pays en courant, environ 100 kilomètres quotidiens, avant de retrouver Grenoble d’où tout est parti. La gestion fut parfaite : victoire en 2h11’38, troisième triomphe à Rennes et nouveau record du parcours. « Rennes, tu ne peux pas être malheureux quand tu gagnes et que tu bats le record, congratulait-il. Même premier, centième ou millième, finir un marathon procure toujours une satisfaction incroyable. Là, j’ai kiffé du début à la fin ! »
Freddy Guimard, podium surprise et leçon d’opportunisme
Beau hasard de l’histoire, le vainqueur 2024, Freddy Guimard, termine deuxième presque malgré lui. Initialement lièvre du premier groupe, il devait s’effacer au 30e kilomètre. Sauf que personne n’est venu le chercher après avoir emmené Enzo Marie un bon moment. « Je ralentis et je vois que je suis encore troisième… Alors j’ai continué en roue libre, et je finis deuxième. Je ne m’y attendais pas du tout », souriait-il à l’arrivée. L’ancienne pépite de la piste Enzo Marie complétait le podium en 2h17’48. Une découverte du marathon menée avec panache, une terrible cassure au 33e km, mais un immense sourire pour saluer « une super ambiance, du monde partout, un vrai bonheur ».
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Les regrets pour Florian Caro, Hamza El Ouardi chauffe encore la Bretagne
La Bretagne avait pourtant un autre rêve pour ce dimanche : celui d’un champion local en apothéose. Florian Caro (Stade Brestois Athlétisme), vainqueur 2023 et recordman breton (2h13’42), attendu parmi les grands animateurs, a dû stopper son effort au 17e kilomètre, la faute à une douleur persistante au quadriceps déjà présente à Berlin. « Un marathon, c’est une expérience. Aujourd’hui, j’ai encore appris sur moi-même. Et j’ai du travail musculaire à rattraper pour revenir », confiait-il, philosophe malgré la frustration. Le public rennais ne manque jamais d’un représentant à célébrer. Cette année encore, Hamza El Ouardi (Stade Rennais Athlétisme) a mis le feu autour de son titre de champion de Bretagne décroché en 2h12’09, cinquième place au scratch. « Le public rennais ne se trompe pas. Parcours top, bénévoles top, ambiance top », résumait-il entre deux embrassades.
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Sélina Leroy, le panache et le record
Dans la course féminine, le scénario fut tout aussi haletant avec une densité remarquable. La course a longtemps été emmenée par Camille Chaigneau, vice-championne du monde 2022 sur 100 km et spécialiste des défis de longue haleine. Dynamique, régulière, applaudie en continu, la sociétaire du Dijon UC a tenu les commandes jusqu’au cœur du second volet avant de voir revenir sur elle une autre spécialiste de l’ultra-fond : Sélina Leroy. La championne de France du 100 km avait un plan précis : 3’48 au kilo, ni plus ni moins. Venue de Rouen, elle a progressé patiemment, jusqu’à porter l’estocade vers le 27e kilomètre puis serrer les dents jusqu’à la ligne malgré un dernier kilomètre « très très dur mentalement ». Résultat : 2h37’53, record personnel pulvérisé, premier succès rennais et un avenir clair : retour sur 100 km très bientôt avec l’œil sur les Mondiaux. Camille Chaigneau, solide jusque dans les derniers mètres, prend une très belle deuxième place en 2h39’12, parfaitement alignée avec son objectif de constance et de plaisir sur cette deuxième partie de course.
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Une histoire de famille sur le podium
L’émotion était double pour les Leroy. Malory, la sœur jumelle de Sélina, a bouclé un podium 100% familial en 2h43’06. « Je pensais avoir couru trop vite au départ, j’ai souffert, mais les bénévoles m’ont aidée à oublier la douleur, racontait-elle en souriant, déjà tournée vers un futur sur 100 km en duo pour tenter de sécuriser une place en équipe de France. On s’entraîne ensemble, ça pousse, ça crée une cohésion incroyable ». Juste derrière, la tenante du titre Fanny Malagré, l’enfant du pays, a signé un record personnel (2h43’51) et conserve pour la troisième année consécutive son titre de championne de Bretagne. « Un peu de vent, un peu de pluie, mais tout le monde à la même enseigne. Je suis très satisfaite, et j’enchaîne dans quinze jours à Nîmes puis Nevers fin novembre ». Les jambes n’ont pas le temps de se reposer en Bretagne.
Le supplément d’âme rennais
Au-delà des chronos, au-delà des écarts, cette édition a encore raconté ce qui rend Rennes unique : une communion totale entre l’événement et sa ville. Des marathoniens qui tapent dans les mains, des spectateurs qui connaissent les prénoms, des athlètes qui parlent d’une ambiance hors norme, comparable aux meilleurs marathons du monde. Duncan Perrillat l’a résumé, un peu trempé mais heureux sous son K-Way breton : « Avec une ambiance comme ça, tu ne peux qu’être heureux à l’arrivée ». Dimanche, Rennes a connu l’un de ces jours où tout le monde gagne quelque chose en parcourant ces 42 kilomètres. Même ceux qui ne franchissent pas la ligne.
Etienne Daguinos ne connaît pas la demi-mesure
Calé en nocturne samedi, le 10 km Lamotte avait offert un spectacle de haut vol avec la présence d’Etienne Daguinos, recordman de France du 10 km grâce à son 27’04 réalisé à Lille en mars dernier. Flairant une dernière occasion de frapper fort avant la coupure, le Bordelais de 25 ans a pris les commandes de l’épreuve avec une sérénité presque déconcertante. Dès les premiers hectomètres, l’ancien recordman d’Europe de la distance a affiché une aisance qui ne trompe jamais. Comme son allure de 2’46/km !
Son 27’41 final et meilleur chrono de l’épreuve, obtenu dans une ambiance électrique, souligne le niveau continental qui est désormais le sien. Courir de nuit avec une telle ferveur reste pour lui « juste fou, on est jamais déçus par le public breton ». Fier de conclure sa saison sur une réussite supplémentaire, il savourait l’instant tout en se projetant déjà hors des stades : « Je suis fier de ce que j’ai accompli cette année et fier de finir ma saison sur cette course, place aux vacances ». Une conclusion légère pour une année monumentale où chaque sortie a ressemblé à une démonstration.
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Un poursuivant qui rêve en grand
À ses trousses, Valentin Goudouin, candidat à un avenir sur marathon de très haut niveau, a confirmé ses ambitions en signant un chrono de référence pour la suite (27’49). S’il reconnaît volontiers qu’Étienne a été « très costaud », le Normand repart de Bretagne avec des certitudes précieuses à quelques semaines du Marathon de Valence (7 décembre). Son objectif est clair et assumé : « Je vise un chrono sous les 2h07 à Valence le 7 décembre. On a vu que la base de vitesse était là ». Le 10 km aura donc servi de test grandeur nature, démontrant que sa mécanique est parfaitement huilée et que la projection vers les grandes ambitions européennes n’a rien d’un pari hasardeux. Sa fin de saison pourrait bien ouvrir un nouveau chapitre prometteur pour l’athlétisme français sur longue distance.
Derrière l’inarrêtable Daguinos, la bataille a été intense pour les places d’honneur. Adbelkarim Ben Zhara a complété le podium avec un solide 28’28 qui confirme sa capacité à rivaliser avec les meilleurs sur route. Un peu plus loin, le Finistérien Maël Sicot a également répondu présent en signant une prometteuse septième place en 29’29, même si son record personnel fixé à 29’18 lui permettra encore d’espérer mieux sur les prochaines échéances. Cette densité aux avant-postes illustre parfaitement le niveau relevé qui règne désormais sur les routes françaises.
Marie Lohéac-Bouchard, une reine bretonne propulsée vers les sommets
La compétition féminine avait ensuite pris toute sa dimension lorsque la championne de Bretagne de la spécialité deux semaines auparavant à Gouesnou, Marie Lohéac-Bouchard, en pleine maîtrise, a dynamité sa propre référence régionale. L’athlète d’Iroise Athlétisme a signé un retentissant 32’50 (ancien : 33’05 en 2022 à Valence) qui la projette un peu plus dans l’histoire du running breton. Cette performance, plus rapide encore que son précédent record établi en 2022 lors de la Corrida de Houilles, récompense son abnégation à revenir aux avant-postes après plusieurs saisons à naviguer entre ambitions élevées et ajustements nécessaires.
Sous les lumières rennaises et notamment en l’absence de la néo-marathonienne Margaux Sieracki (Coureurs de Fond du Cateau, record en 31’48), elle a déroulé une allure imperturbable, portée par les encouragements et par l’envie de sceller une saison où la constance commence à produire de très hautes promesses. Un record de Bretagne tombe, la confiance grimpe, et le peloton féminin se retrouve avec une nouvelle locomotive à suivre de très près. « Cette victoire me fait du bien et prouve que je suis sur la bonne voie pour la suite, surtout dans cette ambiance rennaise qui donne des ailes », glissait à l’arrivée l’interne en médecine physique et de réadaptation (MPR) à Brest, le sourire encore porté par l’effort. Derrière, Saadia Fadili (2e en 33’32) et Laurine Beucher (33’37) ont accroché leur place sur la boîte.
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Texte : Dorian Vuillet
Crédits photos : Clotilde Briand / STADION





























