Marine Vallet : « Je me suis vue rentrer à la maison plus vite que prévu »

21 février 2017 à 19:59

On attendait peut-être que le concours du saut en hauteur des Championnats de France aille un peu plus haut. Mais pour Marine Vallet, l’essentiel est ailleurs. Blessée au dos une partie de la saison hivernale, la Rennaise ne s’est pas pris les pieds dans le tapis. Avec une barre à 1,86 m, franchie à sa deuxième tentative, elle a conservé son titre acquis l’hiver dernier à Aubière. Ni Prisca Duvernay (1,84 m) en argent, ni Solène Gicquel (1,82 m) en bronze, les deux autres grandes favorites, n’ont pu suivre. Lors des trois derniers rendez-vous nationaux, la protégée de Marc Robert est toujours revenue en Bretagne avec la médaille d’or autour du cou. Alors, Mélanie Skotnik a t-elle trouvé son successeur ? Ce qui est sûr, c’est que l’étudiante Ingénieur à l’INSA se révèle comme une valeur montante du saut au hauteur féminin. 

 La rencontre est prévue le lendemain de sa victoire dans les tribunes du Stadium Vélodrome de Bordeaux Lac. C’est en toute décontraction que Marine Vallet évoque son concours de la veille. Un concours inoubliable, que la sauteuse a plaisir à raconter. Récit. .

— Stadion : Marine, racontez-nous votre concours et plus précisément ce deuxième saut victorieux à 1,86 m ?

C’était un concours particulier. Je passe 1,69 m et 1,73 m au premier essai. Je sens que j’ai les jambes et que techniquement c’est correct. A 1,77 m je franchis à ma troisième et dernière tentative. C’était un peu la panique, je me suis dit que je ne pouvais pas me faire sortir aussi tôt dans le concours. Quand j’attaque mon dernier saut, honnêtement j’ai la trouille. J’ai peur de mettre trop d’engagement et de vitesse, et de ne pas maîtriser mon saut. Fallait réussir à en mettre plus mais au bon moment et j’ai réussi. Mais à cette hauteur, je me suis laissée perturber puisqu’un certain nombre de filles ont passé au premier essai. Mais les juges se sont aperçus que la barre n’était pas droite. Donc toutes les filles ont dû resauter.

Avec un peu de recul, je me suis également un peu endormie parce que justement je me sentais bien. Je me suis fait vraiment peur et je me suis vue rentrer à la maison plus vite que prévu. Certaines de mes concurrentes ont peut-être tiré un trait sur moi un peu trop vite (rires). A ce moment là je suis sixième du concours avec mes essais en plus. Ensuite à 1,80 m je franchis à mon deuxième essai mais j’étais confiante et je savais que ça allait passer. A cette hauteur je me suis replacée en quatrième position, mais que cette place ne me satisfait pas.

A 1,82 m, seules Prisca (Duvernay), Solène (Gicquel) et moi-même passons au premier essai. Au final le podium est joué parce que Nawal (Meniker) échoue. Ensuite pour moi ça passe au premier essai à 1,84 m. Quand ça passe au deuxième essai à 1,86 m, je ne pense pas une seconde que c’est gagné. Prisca a franchi 1,88 m cet hiver et a plus l’habitude d’attaquer des grosses barres. 

— Que s’est-il passé dans votre tête une fois cette barre franchie ?

Je dépense tellement d’énergie sur ce deuxième saut, je concentre tout mon influx dans ma préparation. Je ne fais pas exprès de crier. J’ai vraiment besoin d’évacuer tout ce que j’ai accumulé avant le saut. C’est beaucoup de joie mais c’est surtout de la libération. Malgré tout j’essaie de rester concentrée parce que Prisca n’avait pas encore fini. S’il faut attaquer au-dessus il faillait en garder sous le pied. Psychologiquement et physiquement c’était fatiguant. 

— Dès le début du concours, vous aviez l’air concentré et on a l’impression que rien ne pouvait vous arriver. Vous aviez senti dès le début du concours que ce titre était dans vos jambes ?

C’est vrai qu’à l’échauffement je me sens bien. Maintenant, j’ai beaucoup sauté par rapport à d’habitude. Cela me servira d’expérience. Normalement je réalise des concours où je passe régulièrement au premier essai. Une fois que je suis réglée souvent ça déroule. Les deux derniers championnats de France (Aubière en salle et Angers en plein air) c’est ce qui s’est passé. C’est bien que de temps en temps je me retrouve confrontée à cette difficulté-là, à devoir réagir et me remettre en question.

Cela me permet de me prouver que j’arrive à puiser dans mes ressources même si je n’ai pas envie de vivre des concours comme ça tout le temps. Parce que là ça s’est bien passé mais ce n’est pas sûr que ça se termine aussi bien tout le temps. J’ai quand même pris du plaisir mais différemment. L’année dernière je me suis surprise et ça a été beaucoup d’émotion. Je me suis mise à pleurer alors que ça ne m’arrive pas souvent. 

— Qu’est-ce qui explique que ça n’a pas été aussi haut samedi (18 février) ?

Pour gagner, je me doutais qu’il fallait sauter aux alentours de ce qui s’est fait hier. Je savais que ce serait à plus d’1,85 m pour la victoire et à plus d’1,80 m pour le podium. Sincèrement je pensais que ça se serait joué aux essais. Mais ça ne m’aurait pas étonnée qu’il faille passer 1,88 m pour gagner.  C’est vrai que la question mérite d’être posée parce que Pricsa et Nawal ont déjà franchi cette barre et au vu de leur régularité, on aurait pu s’attendre à cela. 1,86 m c’est ma troisième meilleure performance en sachant que cet hiver la barre la plus haute que j’ai attaquée c’est 1,85 m et c’était au mois de décembre. Ça confirme la régularité à 1,85 m que je suis en train de rechercher.

En ce qui concerne les Europe à Belgrade, il y avait peut-être quelque chose à faire. Les mimina sont fixés à 1,90 m et ça fait des années qu’ils n’ont pas été aussi bas. Avec mon coach Marc Robert, l’objectif c’est du long terme. J’aspire à participer à des championnats internationaux dans deux ou trois ans. Mais  il va falloir passer par un gros travail technique. Autant physiquement on peut progresser rapidement avec la musculation, techniquement c’est dur de mettre les choses en place. On a beau travailler la technique à l’entraînement, tout se remet un peu à zéro en compétition. Je sais que ça va prendre du temps.

— Justement, avant de vous élancer dans vos tentatives à 1,90 m, à quoi avez-vous pensé ?

Je me dis que si je peux me faire plaisir en prenant les minima je ne vais pas cracher dessus (rires). Mais ce n’était pas un objectif. Le seul regret que je peux avoir c’est que je n’attaque pas mes deux premiers sauts. Mon troisième saut n’est pas mauvais. Quand je pars, je m’arrête parce que je sens que mon début de course est mauvais. Je commençais à ressentir de la fatigue.  D’habitude je fais des concours à huit sauts et là j’en ai fait quatorze. Pour moi c’est énorme. Sur certains sauts je mets beaucoup d’influx nerveux et mes jambes ne répondent plus trop. 

— Lequel des deux titres en salle vous apporte-t-il le plus de satisfaction ?

Je pense qu’on ne peut pas comparer. J’ai vécu des émotions différentes et je n’arrivais pas dans la même position. Cette année les gens m’attendaient parce que j’avais un titre à défendre. Je n’ai pas fait un bon début de saison et donc ils disaient que je n’étais pas favorite. L’année dernière tout s’est bien passé donc j’étais pas mal sollicitée et j’ai eu des compliments. J’ai eu le revers de la médaille. Et c’est aussi un apprentissage. J’ai eu des remarques sur la façon de gérer mon concours avec mes choix sur les impasses par exemple. Ça m’a touchée. Ce sont des passages quand on n’arrive au haut niveau.

Pour revenir à la question, l’année dernière c’était la grosse surprise. J’ai franchi des barres auxquelles je n’avais pas l’habitude de me confronter auparavant. Hier, il a fallu que je me batte contre moi-même. C’est une satisfaction différente. Avec du recul, je savourais un peu plus ce titre. J’étais au pied du mur. Même une barre à 1,77 m n’est jamais acquise. Ce qui est sûr c’est que je me souviendrais longtemps de ce concours.

— Vous arriviez à Bordeaux avec la deuxième meilleure performance française de l’année. Cela vous mettait-il de la pression supplémentaire ?

Je n’aime pas arriver avec la pancarte de favorite parce que cela met beaucoup de pression. Les gens attendent énormément de toi. D’un côté j’étais outsider parce que je n’avais fait qu’1,76 à mon dernier concours. D’un autre côté je venais en tant que championne de France en titre. J’ai fait le choix cet hiver d’arrêter les compétitions pour mon dos. Si je venais à Bordeaux ce n’est pas pour faire la touriste et dire « coucou je suis là ». J’avais de la pression malgré tout. J’ai beaucoup cogité avant le concours et je n’étais pas en confiance. Je n’avais aucune idée de ce que ça allait donner. Autant je savais que si j’arrivais à me mettre en place ça pouvait donner un résultat, autant ça aurait également pu être une catastrophe. 

Marine Vallet a remporté les trois derniers Championnats de France Élite au saut en hauteur.

— Le début de saison a été difficile. Qu’est ce qui a fait la différence aujourd’hui ?

Dès le mois de décembre je me suis montrée que j’étais capable de faire des performances. Sans réelle préparation j’ai réalisé successivement 1,82 m et 1,83 m et j’attaque 1,85 m derrière. Ensuite j’ai eu ma blessure au dos que j’ai toujours d’ailleurs et qui a un peu retardé ma progression. Hier j’ai conservé mon titre grâce à un ensemble de choses. Il y avait de l’envie, de la motivation. Mais le mental a été déterminant parce ce qu’il a fallu que je me remobilise. J’ai une technique qui est bien ancrée finalement. Je vais remercier mon coach qui a réussi à faire en sorte que je me focalise sur le concours et que j’oublie le contexte de ma préparation. Il m’a dit « mets les choses en place techniquement, tu sais le faire, motives-toi et ça va passer ». 

— Vous répondez toujours présente aux Championnat de France. On a l’impression que c’est votre compétition…

Je suis très compétitrice dans l’âme. Honnêtement je ne m’entraînerai pas autant et je ne ferai pas autant de sacrifices si je savais que derrière il n’y a pas de résultats. Je sais pourquoi je m’entraîne. Ça donne tellement de plaisir d’avoir des titres et de gagner des titres. Les Championnats de France c’est la compétition sur laquelle j’ai envie de me surpasser. Il y a de l’adversité. Et il n’y a pas de beaux combats sans adversaires. C’est ce qui me permet de me surpasser. Les France c’est la compétition la plus importante de la saison. C’est ce jour-là que j’ai envie d’être présente.

Même si je sens que je ne suis pas bien techniquement ou physiquement, peu importe, débrouilles toi pour mettre en place les choses pour que ça fonctionne. On est toutes avec des performances similaires. Il y a une bonne émulation. Le titre se joue toujours à pas grand chose. Le fait d’être depuis quelques années les unes contre les autres, la densité va toutes nous faire progresser en même temps. Honnêtement je ne me considère pas comme leader du saut en hauteur en France. Et je ne veux pas pas qu’on me considère ainsi. La preuve, je ne mène pas les bilans français cet hiver.

— On imagine que ce titre vous donne plus de confiance pour la suite de la saison où vous allez avoir l’esprit un peu plus libéré… 

A chaque fois les compteurs sont remis à zéro. On va passer à l’extérieur et les conditions sont complètement différentes. A l’entraînement je ne me pose pas ces questions-là. On va reprendre sur un cycle de travail physique et ce sont des périodes que j’apprécie. Je sais que ça va être dur mais au moins quand je sors de l’entraînement ça m’aura changé les idées. Psychologiquement ça va me permettre de souffler. Je commence mon stage chez Eiffage Énergie fin mars. Je travaille sur la gestion du projet de la Ligne Grande Vitesse (LGV) entre Rennes et Paris et notamment sur la fin de la livraison entre la SCNF et Eiffage. 

— Qu’est-ce qu’on peut attendre de vous pour la saison estivale ?

Le titre à Marseille (rires) ! Je cherche à continuer à progresser et une régularité à 1,85 m et plus. Pour justement aller sur plusieurs concours chercher des barres au dessus et c’est à force de s’attaquer à celles-ci que le jour où t’es bien techniquement ça passe. J’espère participer à la Coupe d’Europe par Équipe à Lille (23-25 juin 2017) et au Décanation à Angers. Quand j’étais jeune je suis passée à pas grand chose de sélections pour des matchs. Être en Equipe de France c’est quelque chose de très important, c’est un honneur.

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