Que ce soit Pascal Martinot-Lagarde, Wilhem Belocian ou Aurel Manga, les hurdlers français ont un bon coup à jouer aux Jeux olympiques sur la piste ultra-rapide de Tokyo. Ils aimeraient prendre la relève de Guy Drut, unique champion olympique français du 110 m haies.
2016, stade olympique de Rio. Deux Français se retrouvent en finale du 110 m haies, prêts pour la course de leur vie. Dimitri Bascou prend le bronze, Pascal Martinot-Lagarde la quatrième place. La France cherche un successeur à Guy Drut depuis 1976. Elle attendra encore. Tout le monde se rappelle de cette finale à Athènes en 2004, où le jeune Ladji Doucouré, 21 ans, était quasiment assuré de l’argent avant de taper la dernière haie. Personne n’a oublié ses larmes, quatre ans plus tard, quand il venait échouer à la quatrième place. Les Jeux sont faits de gloire et de victoires d’anthologie, mais ces instants dramatiques construisent aussi la légende olympique.
« S’il faut mourir sur la piste, je mourrai sur la piste »
Ces derniers temps, Pascal Martinot-Lagarde n’a pensé qu’à Tokyo. Champion d’Europe à Berlin en 2018, bronzé à Doha l’année suivante, le hurdler de 29 ans est arrivé à maturité. Mais son corps a de nouveau lâché. La situation particulière avec le Covid n’a pas aidé. « Les deux dernières années ont été catastrophiques. J’ai creusé bien bas, j’ai enchaîné les pépins mais j’ai enfin l’impression de voir la lumière au bout du tunnel. J’ai toujours mes douleurs mais je réussis à faire abstraction », reconnaît-il en conférence de presse. À Kobé, le recordman de France parvient à faire des séances complètes, lui qui a passé les derniers mois de sa préparation à s’adapter à ce que son corps pouvait endurer.
« Ça fait un paquet d’années que je m’entraîne comme un chien, on parle d’un corps qui a subi des milliers d’impacts, qui a franchi des milliers de haies ». Haies plus basses, plus rapprochées, pas de sprint… C’est désormais du passé. L’athlète coaché par Benjamin Crouzet à Reims se connaît par cœur, il a confiance en sa préparation. PML est prêt à tout donner : « Courir avec un frein aux JO n’est pas envisageable. S’il faut mourir sur la piste, je mourrai sur la piste.
Effacer définitivement le traumatisme de Rio
Wilhem Belocian a une revanche à prendre sur les Jeux. Il était du voyage, il y a cinq ans. Motivé comme jamais, et bien décidé à 21 ans, de confirmer son énorme talent. Un faux-départ dès les séries ruine ses rêves. Le traumatisme de cette élimination précoce va durer plusieurs mois. Le Guadeloupéen coaché par Ketty Cham ne pense plus à bien partir, il souhaite juste ne plus répéter son erreur de Rio. Les trois années qui suivent les Jeux sont gâchées par les blessures. « Physiquement je me sens bien, mentalement aussi. Le travail a été fait, je me suis bien préparé, il n’y a plus qu’à s’exprimer sur la piste maintenant », avance celui qui se sent être un homme différent depuis Rio.
Le hurdler de 26 ans débarque à Tokyo avec la neuvième performance mondiale de l’année (13″15). Meilleur chrono européen de la saison, il ne souhaite pas se rajouter une pression supplémentaire : « Je n’y pense pas trop. Sur un championnat, tous les compteurs sont remis à zéro. Je me considère plus comme un outsider ». Wilhem Belocian sait qu’il pourra s’appuyer sur sa technique quasi-parfaite, car elle « peut aider à faire la différence, surtout en finale ». Tous deux seront accompagnés par Aurel Manga, auréolé d’un nouveau record personnel cette saison, en 13″24. À 29 ans, le sociétaire de l’US Créteil a déjà connu la joie de deux médailles internationales en salle (médaillé de bronze des Europe 2019 et des Mondiaux 2018 sur 60 m haies). Pour ses premiers Jeux, il n’a en effet rien à perdre. Entrées en lice prévues mardi, à partir de 12h10 (heure française).
Texte : Mathilde L’Azou
Crédit photo : STADION