Mattéo Ngo dépasse les obstacles

05 avril 2020 à 14:30

Champion du monde cadets du 110 m haies, Mattéo Ngo a connu de multiples blessures qui ont freiné la belle carrière promise depuis 2015. Mais le sociétaire de l’Entente Sarthe Athlétisme est de retour et nous explique longuement pourquoi il y croit. Entretien.


Annoncé comme l’une des merveilles de l’athlétisme français, Mattéo Ngo n’a jamais pu exprimer son talent dans la durée sur les haies hautes. La faute à des blessures l’ayant frappé coup sur coup et ne lui permettant pas de progresser au rythme souhaité. Pourtant à 22 ans, le Manceau ne baisse pas les armes. Au contraire, il repart au combat de plus belle. Sûr de sa force. Auteur d’une saison hivernale prometteuse, le protégé de Richard Cursaz (CTS des Pays de la Loire) à Nantes est ambitieux.


Mattéo, comment se passe cette période de confinement pour vous ?

Pour l’instant, pour moi ça se passe bien. J’ai du travail à faire concernant mon Master en STAPS donc je suis occupé entre bosser le matin et garder la forme l’après-midi. Les jours passent assez vite quand on se tient à un petit programme.

Vous avez décroché la troisième place aux Championnats de France Elite sur 60 m haies (record en 7″76). Quel regard portez-vous sur ce qui a été sans doute été votre meilleure saison hivernale ?

Je suis satisfait de cet hiver qui en effet a été le meilleur que j’ai pu réaliser pour l’instant. Il ne récompense pas seulement le travail effectué depuis septembre mais celui de nombreuses années de yoyo entre la blessure et la tentative d’accéder au haut niveau. Aujourd’hui je peux pas dire que j’y suis arrivé mais je pense être monté d’une marche supplémentaire sur l’escalier qui y mène. C’est satisfaisant et en même temps ça ouvre davantage l’appétit. Il ne faut pas s’emballer, l’objectif est de continuer dans cette lancée et travailler pour garder le rythme même si cette période n’est pas l’idéal.

Revenons quelques années en arrière. En 2015, vous êtes sacré champion du monde cadets du 110 m haies. C’était une bonne surprise ?

Quelle bonne surprise en effet ! J’arrive avec la douzième performance du championnat et j’en ressors vainqueur. J’étais le premier surpris. C’était une belle entrée en matière avec le maillot bleu, c’est ce qui me donne envie de le reporter. Cette année 2015 était la première où je m’investissais autant dans un projet et ça a payé. Au-delà de la performance sportive ça m’a permis de me construire en tant qu’athlète et ces championnats du monde ont vraiment été une expérience très enrichissante.

 Racontez nous l’émotion que vous avez ressentie…

Honnêtement, sur le moment je n’ai pas explosé de joie parce que je ne comprenais pas ce qui venait de se passer. Par contre je peux exactement dire ce que j’ai ressenti avant. En série j’étais très stressé, et en demie encore plus. L’objectif étant de passer en finale, lorsque que j’ai réussi j’étais comme un fou, j’allais faire partie des 8 meilleurs mondiaux et j’étais comme un dingue, j’ai même dû rentrer au stade d’échauffement à pied plutôt qu’en navette car j’arrivais pas à me calmer.

Ensuite j’ai appelé mon coach (Richard Cursaz) en FaceTime. Il m’annonce que je suis au couloir 1 et il me dit « tu sais, il y a déjà eu des champions du monde au couloir 1 », on a rigolé et je suis retourné m’échauffer pour la finale. J’étais comme un gosse un matin de Noël de A à Z, j’étais pas hyper stressé mais plutôt excité par ce qui allait se passer. Et c’est ça qui a rendu le moment magique, la victoire s’est faite grâce à cet état de plénitude, l’ambiance et le p’tit stress ont fait le reste ! La joie était bien sûr décuplée une fois que je me suis rendu compte de ce que je venais de faire.

Comment avez-vous géré cette étiquette de futur talent ?

Au début j’ai eu un peu de mal, je me suis senti obligé d’être performant, comme si je devais quelque chose. J’ai la chance d’avoir un bon entourage alors ça n’a pas duré longtemps, je me suis rapidement reconcentré sur moi-même pour être de nouveau performant sans me mettre trop de pression, car c’est comme ça que je marche, à la cool. Malgré ce qu’on pourrait penser je trouve m’en être bien sorti. Je suis peut être pas au niveau où on me voyait il y a quelques années suite à ce titre mais je n’ai jamais rien lâché et aujourd’hui je suis content de pouvoir dire que je suis toujours là.

Depuis ce titre mondial, les blessures ne vous ont pas épargné…

C’est aussi pour ça que je suis fier d’être là aujourd’hui. J’ai été sujet à beaucoup de blessures depuis 2015, je n’ai fait aucune saison sans bobo à part cet hiver. Même si j’aurai aimé ne pas passer par là, les blessures font partie de mon parcours et j’ai toujours su en tirer des leçons. Ma détermination est aussi intacte que ma capacité à rebondir.

 Avec le recul, quelles leçons tirez-vous ces saisons sans les compétitions ?

Je suis persuadé que tout le monde se remet en question dans la vie. Pour ma part ce serait « et si je m’étais pas blessé ». On n’avance pas avec des « si ». Donc on se fait une raison et la leçon globale que je retiens c’est que j’ai su tirer profit de chaque moment d’inactivité. J’ai rencontré des gens, j’ai appris et vu d’autres choses de la vie que mon quotidien de sportif ne me permettait pas de voir. Tout ça fait partie de mon parcours maintenant. Les autres leçons dites plus classiques que j’ai apprises sont : l’hygiène de vie est primordial, une blessure n’arrive pas par hasard, il faut s’écouter, et travailler raisonnablement car la récupération fait aussi partie de l’entraînement. Il vaut mieux s’arrêter pendant une séance ou la louper et perdre quelques jours que foncer tête baissée et se voir contraint d’arrêter plusieurs semaines.

Comment êtes-vous parvenu à rebondir ?

Je pense que ma passion pour le perfectionnement est la raison principale qui me pousse à rebondir. J’adore les haies, c’est une sensation indescriptible pour moi, et le fait de savoir que ce n’est jamais parfait, que je peux toujours faire mieux me pousse toujours à continuer de travailler ou revenir si je me suis blessé. L’amour du tartan et des compétitions font aussi sûrement partie des ces raisons. Et enfin je dirai un sentiment d’insatisfaction, je peux pas m’arrêter tant que je sais que je ne suis pas allé au bout de ce que je peux faire.

J’adore cette citation qui dit « on ne dépasse pas ses limites, on les découvre » et tant que je n’ai pas découvert mes limites je ne suis pas sûr de pouvoir m’arrêter, bien que se blesser aussi souvent pourrait être un signe annonciateur que je les ai atteintes, mais je n’y crois pas une seconde. C’est une constante recherche sur soi même, jusqu’où je peux aller ? Quel type d’homme je suis ou veux devenir ? Ce sont des questions qui font partie de la réponse à « comment je rebondis ».

Maintenant que vous êtes revenu à un bon niveau, comment envisagez-vous votre avenir dans les prochaines années ?

Le piège serait de s’emballer. Je suis espoir 3e année et on va dire que je suis dans les temps sauf qu’être à l’heure c’est déjà être en retard. Avec mon expérience et mon passé semé d’embûches, j’envisage mon avenir sur le travail, qu’est-ce que je peux faire aujourd’hui pour être meilleur demain ? C’est la seule question que je me pose. Si ma « carrière » était un 110 m haies je serais à la 3e haie et la seule chose que j’ai à faire c’est franchir la 4e sans jamais oublier qu’il y en a encore une autre derrière donc j’envisage mon avenir rempli d’obstacles que je vais apprécier à franchir.

L’équipe de France seniors, vous y pensez ?

L’équipe de France senior pour moi c’est le Graal. Le 110 m haies est très relevé dans notre pays et faire partie des tricolores sur cette disciple signifie être dans les meilleurs européens voir du monde. Donc oui on y pense, on en rêve, mais avec modération car il s’agirait pas de se cramer les ailes, le chemin à parcourir est encore long.

Comment imaginez-vous la saison estivale après cette période de confinement ?

C’est très spécial, j’ai du mal à me projeter sur cette situation. J’aimerai beaucoup que la saison soit maintenue et tout simplement décalée de plusieurs mois. Je ne pense pas que ce soit irréaliste et j’espère de tout cœur pouvoir fouler la piste cet été. Matteo Ngo Matteo Ngo Matteo Ngo Matteo Ngo Matteo Ngo Matteo Ngo.

Parti haut, Mattéo Ngo veut se faire sa place parmi les grands. Ok. Super. Néanmoins. En effet.

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