Meeting de Monaco : « Ça va être une grosse bagarre », assure Agathe Guillemot en lice sur 1000 m

09 juillet 2025 à 18:27

Un an après avoir établi le record de France sur 2000 m, Agathe Guillemot s’alignera sur 1000 m au Meeting de Monaco ce vendredi 11 juillet. Pour sa troisième participation sur le Rocher, la demi-fondeuse de la « Team kRocket », première Française dans l’histoire de l’athlétisme français à se hisser en finale olympique sur 1500 m, ne se privera pas de dépoussiérer une nouvelle marque hexagonale.

Jamais six sans sept. Dans un Stade Louis II qui lui a déjà souri en 2024, la Bigoudène Agathe Guillemot rêve d’ajouter un nouveau record de France sur 1000 m (1500 m piste, 1500 m indoor, Mile sur route, Mile piste, Mile indoor, 2000 m piste). Intenable depuis le début de la saison, la championne d’Europe en salle 2025 sur 1500 m fêtera ses 26 ans à Monaco ce vendredi et pourrait vivre une soirée mémorable. Avant de s’envoler pour le Rocher, l’élève de Marc Reuzé nous a ouvert les portes de son entraînement à Rennes pour un entretien et une séance photo.

— Agathe, comment, en l’espace de cinq ans, passe-t-on de meilleure française chez les espoirs dans les épreuves combinées (record à 5510 points à l’heptathlon en 2019), à meilleure mileuse française du pays ?

Ma vitesse était un peu faible pour pouvoir faire du très haut niveau. J’ai décidé de changer et de me tourner vers le 400 m haies (championne de France espoirs 2021). Je n’ai pas été mauvaise (record en 58″60), mais je n’ai pas non plus excellé. En m’entraînant, je me suis un peu blessé au pied (fracture de fatigue). J’ai dû faire beaucoup de travail aérobie, vélo, natation. On s’est rendu compte que j’avais des qualités dans ce secteur. J’ai testé un 1500 m. Ça s’est très bien passé dès le début. J’ai commencé à m’entraîner sur le demi-fond il y a trois ans et petit à petit, j’ai atteint ce niveau.

 

— Lorsqu’on regarde l’ensemble de vos records personnels, vous avez de solides références sur le sprint long, les haies hautes, haies basses, dans les sauts verticaux (3,30 m à la perche en minimes en 2014)… Comment expliquez-vous cette polyvalence sur des épreuves qui ne demandent pas toutes les mêmes qualités ?

J’avais peur de m’ennuyer en ne faisant qu’une épreuve, c’est surtout par envie que j’ai fait plein d’épreuves. Je trouvais ça riche. Il y avait une super ambiance. J’ai fait le choix de faire des épreuves combinées en minimes. À cet âge-là, je prenais vraiment beaucoup de plaisir à toucher à tout. On était vraiment un bon groupe. J’étais au lycée Sévigné (Cesson-Sévigné en Ille-et -Vilaine). J’avais un environnement où je me plaisais. J’avais la chance de progresser et d’être assez forte sur pas mal d’épreuves.

« Dans tous les cas, que je batte le record de France ou non, on fêtera mon anniversaire. »

— Il y a un an, vous avez établi le record de France du 2000 m au Meeting de Monaco. Vous vous alignez cette fois-ci sur 1000 m.  Le record est détenu depuis 1995 par Patricia Djaté-Taillard en 2’31″95. Effacer des tablettes une septième marque hexagonale, c’est votre objectif ?

Ça va être de faire le meilleur chrono possible. La course doit partir sur des bases du record du monde, un petit peu en dessous de 2’30 (2’28″98, marque établie par Svetlana Masterkova le 23 août 1996 à Bruxelles). Si je veux aller me battre contre les filles, il va falloir forcément que je batte le record de France. Je ne serai pas fixée forcément sur le chrono, mais plus être à la bagarre avec les meilleures mondiales. Ça va être une grosse bagarre !

— Vous ne serez pas la seule Tricolore. Votre coéquipière de Rennes Clara Liberman (2’44″64 en 2023) et Anaïs Bourgoin seront à vos côtés…

J’adore ça. J’avais Bérénice (Cleyet-Merle, Villeneuve La Garenne, 9e aux Europe en salle à Apeldoorn en 4’10″60) qui était avec moi aux Championnats d’Europe. On a pu faire une finale ensemble. C’est un soutien et une force. D’être trois Françaises à Monaco dans une course où on est douze (dont l’Australienne Jessica Hull, recordwoman du monde du 2000 m, la Kényane Mary Moraa, troisième sur 800 m aux JO de Paris et la Britannique Jemma Reekie, vice-championne du monde en salle 2024 sur 800 m), on se sent moins seule. Avec Clara (Liberman, vice-championne d’Europe en salle 2025 sur 800 m), je m’entraîne tous les jours avec elle (au stade Robert-Poirier de Rennes). On connaît leur façon de courir.

 

— Vous allez fêter vos 26 ans le jour du Meeting de Monaco. Ce serait un beau cadeau d’anniversaire ce record de France ? Vos proches seront-ils présents sur place ?

Il y aura ma mère, mon frère, ma sœur et mon copain parce que c’est mon anniversaire, mais aussi parce que c’est une course pas si loin. C’est une grosse course, c’est le Meeting de Monaco, un meeting qu’ils ont envie de voir. Dans tous les cas, que je batte le record de France ou non, on fêtera mon anniversaire. S’il y a le record, tant mieux, mais franchement, l’humeur de ma famille ne va pas dépendre de ma performance. J’adore quand ils viennent me voir pour le coup. C’est vraiment une force. Je cours un peu pour eux et j’ai envie de bien faire. Ça ne me met pas du tout la pression. C’est plus un moteur supplémentaire.

« On a une vision à plus long terme. Sur les Jeux de Los Angeles (2028), l’objectif est d’avoir une médaille »

— Vous êtes officiellement sélectionnable pour les Mondiaux de Tokyo (13 au 21 septembre) depuis votre septième place au Meeting de Paris le 20 juin (3’58’’44). Vous êtes tombée dans les bras de votre compatriote Sarah Madeleine (9e en 3’59’’06, deuxième performance française de l’histoire). Racontez-nous.

Déjà, on était deux, plus Clara qui était le lièvre. Toute la journée, on attendait ensemble dans la même chambre. On a couru très tard, vers 23h. Pendant la course, j’avais vraiment envie de me libérer des minima et de ne pas subir trop de bousculades parce que j’avais été un peu bousculée les deux premières courses de ma saison (notamment à Rome à l’approche du dernier 400 m). Je fais exactement ce que j’ai voulu faire en 3’58 (7e en 3’58″44). À l’arrivée je me tourne et je me demande où est Sarah. Je ne l’avais pas vue de la course mais elle était juste derrière moi. Elle me dit que c’est bon, ça le fait pour les minima (3’59″37). On attendait le chrono. Elle fait moins de 4 minutes pour la première fois de sa vie. Sarah, c’est vraiment une fille que j’apprécie. Je trouve ça bien d’avoir de la concurrence, ça va nous tirer vers le haut. On le voit bien sur le 1500 m masculin. Ils sont sept à avoir fait les minima (Azeddine Habz, Flavien Szot, Pierrik Jocteur-Monrozier, Romain Mornet, Paul Anselmini, Anas Lagtiy‑Chaoudar, Yann Schrub). Les performances sont monstrueuses. J’ai hâte d’avoir cette concurrence.

 

— Quels seront vos objectifs aux Mondiaux de Tokyo ? En zone mixte après votre finale olympique à Paris, vous aviez confié ne plus craindre de viser une médaille mondiale.

C’est de tout faire pour accrocher ce podium. En tout cas, je fais tout cette année pour être en forme pour Tokyo. On est sur la bonne voie. On est totalement dans les temps, dans ce qu’on voulait que je fasse. On a une vision à plus long terme. Sur les Jeux de Los Angeles (2028), l’objectif est d’avoir une médaille. Il faut commencer par gagner une médaille au niveau mondial. À Monaco, (11 juillet) et Londres (19 juillet), je serai bien et je repartirai après sur un cycle d’entraînement. À Paris, je n’étais pas encore optimisée. Je le serai vraiment qu’à Tokyo.

— Vous avez dominé avec autorité le 1500 m en 4’08″72 aux Championnats d’Europe par équipes à Madrid le 29 juin. Vous avez déclaré : « Je rentre dans l’esprit des filles, je montre que je ne suis pas seulement une coureuse de meeting, ça casse un peu la monotonie du circuit. Je rentre un peu dans leurs têtes ». Assumez-vous votre statut de patronne du Vieux Continent ?

Forcément, il y a une pression supplémentaire. Je dois être l’une des meilleures d’Europe encore cet été et dans les années à venir. J’assume très bien mon statut. Il faut encore que je travaille dessus pour l’assumer au niveau mondial. Parce que faire 9e, 7e, 8e, en Diamond League, ça ne me plaît pas plus que ça. Il faut encore que j’arrive à me sentir vraiment à ma place.

« J’essaie de toujours m’entourer des bonnes personnes. En tout cas, Clara et Léna en font partie. C’est vraiment un plus, parce qu’on peut discuter de comment on va réussir à atteindre nos objectifs au cours de la saison »

— Peut-on espérer vous voir sous les 3’55 sur 1500 m en 2025 ?

Il n’y a pas un chrono très précis en tête. On ne se met pas vraiment de barrières. On voit que les filles vont de plus en plus vite. Faire autour de 3’55, c’est largement possible. On a vu Georgia Bell qui passe en 3’50 (troisième en 3’52 »61) dans la finale des Jeux de Paris 2024 alors qu’elle avait un record avant en 3’55 (3’56″54). Elle gagne trois secondes. Tout est possible maintenant. Je pense que ça arrivera plutôt fin août ou au monde parce qu’il faut être vraiment à 100% et avec toute une saison aboutie. Pour l’instant, je suis justement en train de construire ces chronos.

 

— S’entraîner avec Léna Kandissounon (1’59″65 en 2023 sur 800 m) et Clara Liberman (1’59″46 sur 800 m en 2025 et 4’09″43 sur 1500 m en 2025) est-il un bol d’oxygène ? Ce groupe d’entraînement vous pousse-t-il dans vos retranchements ?

C’est une force. Je m’entraîne avec Clara et Léna quasiment tous les jours. Même les gars du groupe, ça aide d’avoir du monde.  Et le demi-fond, c’est une discipline qui est difficile, avec beaucoup d’heures d’entraînement. Quand on est avec du monde, je trouve que ça passe mieux. Et j’essaie de toujours m’entourer des bonnes personnes. En tout cas, Clara et Léna en font partie.  C’est vraiment un plus, parce qu’on peut discuter de comment on va réussir à atteindre nos objectifs au cours de la saison. On a parfois des avis différents. C’est cool de pouvoir en discuter et de vivre quasiment les mêmes choses. On avance plus vite.

« Faith Kipyegon repousse les barrières. Ça fait du bien à l’athlétisme féminin »

— Votre coach Marc Reuzé est-il passé en temps plein ? Que représente-t-il pour vous ?

Cette année, il était encore professeur d’EPS au lycée Saint-Martin à Rennes. Et il a pour objectif l’année prochaine de se rendre complètement disponible justement pour l’entraînement. C’est en cours de recherche de financement. Quand je suis arrivée avec lui, je faisais du 400 m haies. Il est à l’écoute. Il est tout le temps en recherche de comment on pourrait faire mieux. On a l’impression qu’on ne touche jamais le maximum de ce qu’on peut faire. Même cet hiver, avec moi et Clara qui faisions une médaille aux Europe, il n’était pas encore satisfait à 100%. C’est bien de ne pas être satisfait. Et en même temps, il sait reconnaître quand les choses sont bien faites. La communication et le fait de travailler ensemble, d’être à l’écoute, ce sont des points qui sont hyper importants dans le demi-fond pour fonctionner. J’ai l’impression qu’on avance tous les deux vers le très haut niveau. On progresse aussi, lui en tant qu’entraîneur et moi en tant qu’athlète, ensemble. On travaille ensemble. Ce n’est pas lui qui travaille pour moi ou moi qui travaille pour lui.

— Quel regard portez-vous sur les performances de Faith Kipyegon qui domine le 1500 m mondial depuis 2016 ?

C’est un monstre. Je n’arriverais pas pour l’instant à me projeter sur de telle performance. Déjà, 3’49″00 (3’48 »68 à Eugene le 5 juillet, record du monde) pour une femme, c’est la seule femme à être passée sous les 3’50″00. Elle repousse les barrières. Ça fait du bien à l’athlétisme féminin. Ce sont des exemples et beaucoup de petites filles en ont besoin. Par contre, pour le moment, ce sont des performances qui ne sont pas envisageables. Je préfère fonctionner étape par étape.

 

— On ne s’ennuie jamais avec vous à l’arrivée d’une course où vous communiquez une belle joie de vivre et où vous avez aussi le sens du spectacle…

L’athlétisme, c’est dur. Autant qu’on rigole quand on a passé la ligne. J’ai envie que ce soit fun. L’athlète n’est pas là pour tirer la gueule. Il faut être heureux et prendre du plaisir.

Propos recueillis par Renaud Chevalier
Crédits photos : Gaëlle Mobuchon / STADION

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