Meeting de Pacé : Yoann Kowal et Margaux Sieracki valident leur billet pour la Coupe d’Europe

17 avril 2022 à 1:32

Le chemin vers la Coupe d’Europe du 10 000 m débutait ce samedi soir, avec le Meeting de sélection organisé au stade Chasseboeuf de Pacé. Le rendez-vous breton a permis à Yoann Kowal (28’05″68) et Margaux Sieracki (33’10″50) de décrocher leur place dans l’équipe de France qui sera alignée le 28 mai prochain, en attendant la liste officielle des autres qualifiés au rendez-vous continental. Récit !

 

Margaux Sieracki en patronne

 

Partie en tête dans un groupe de trois avec Méline Rollin et Marie Bouchard, Margaux Sieracki imposait son allure dès les premiers kilomètres. Après un passage au 1000 m en 3’16, le trio avalait les trois premiers kilomètres en 9’59. Dès lors, la première fissure s’opérait, et Marie Bouchard cédait progressivement du terrain. « Ce n’était pas prévu que je démarre avec Méline Rollin, au rabattement elle s’est mise devant et je me suis mise derrière elle et je lui ai dit derrière l’oreille “tu fais le premier 1000, je fais le deuxième, et ainsi de suite comme ça on se tire vers le haut pour aller chercher un chrono”. Et elle me dit que là, elle manquait de jambes mais sinon j’aime bien cet esprit d’équipe pour aller chercher des chronos », apprécie celle qui s’est finalement imposée en patronne, dans un chrono de 33’10″50. Impressionnante sur toutes les distances, la demi-fondeuse de 22 ans qui rêve d’une participation aux championnats d’Europe cet été, explique sa polyvalence par un véritable travail collectif. « Le coach (Thierry Choffin, ndlr) il travaille tous les profils, il travaille aussi bien le court, on a Charlotte Pizzo (spécialiste du 800 m) dans le groupe, ça c’est bien, quand on fait du court on a envie de l’attacher. Et inversement, sur le long par exemple, c’est elle qui nous suit. Donc on travaille les deux, et comme on a des filles de sprint et de demi-fond, on s’aide. »

 

« On réussit en équipe, on ne réussit pas tout seul »

 

Derrière le duo Sieracki/Rollin, Marie Bouchard se retrouvait esseulée, avant d’être rattrapée à l’entame du sixième kilomètres par un groupe de poursuivantes composé de Mathilde Sénéchal, Leila Hadji et Emily de La Bruyère. Parties prudemment, les deux premières citées ne cessaient d’accélérer et rattrapaient une à une leurs concurrentes. « Je savais que partir vite, ça ne me servait à rien parce que déjà, on n’a pas assez fait de spé 10 000, et je pense qu’il fallait partir prudemment, se contenter de faire dans les quatre au moins », explique Leila Hadji, qui au terme d’un magnifique dernier tour s’est offert la seconde place en 33’21″59, devant Méline Rollin (33’31’’42). « Au fur et à mesure, on a accéléré, parce qu’on est parties prudemment. On se sentait très à l’aise, et un 10 000 m c’est très long, il faut avoir du mental et si on part direct trop vite, c’est dur de finir. Là, on a accéléré et on se mettait à chaque fois des petits points « allez, il faut aller chercher la prochaine », ça a marché, sauf pour Margaux. Parce que Margaux, elle est très forte, elle est partie devant et je savais qu’elle était irrattrapable sur ce coup. Et purée, on revient à la fin et on rattrape la deuxième qui tirait toute la course. Je suis super contente qu’on ait couru entre nous, les filles de derrière. Et puis on s’est relayées. Ça, c’était vraiment super important. Et on a su revenir comme ça, et on a fait une course d’équipe. Les filles, elles ont vachement progressé mentalement sur ça. Ça ne se faisait pas il y a des années, et maintenant on le fait souvent parce qu’on réussit en équipe, on ne réussit pas tout seul », apprécie la sociétaire du Pays de Fontainebleau.

 

Méline Rollin, au bout de l’effort

 

Les sourires des deux premières tranchaient avec le visage plus fermé de Méline Rollin, non pleinement satisfaite de sa course. « C’était assez dur, mentalement, j’ai quand même pas mal souffert. Au bout du quatrième kilomètre, j’ai senti que je n’avais pas du tout les jambes, je n’étais pas dans un très très bon jour. Margaux est partie, elle a accéléré, je n’ai pas pu suivre, et là ça a commencé à devenir compliqué parce qu’au final, je me suis retrouvée toute seule, les filles derrière elles n’avaient pas suivi, regrette la médaillée de bronze aux Mureaux. Donc j’ai passé quatre/cinq kilomètres à souffrir. Et quand les filles sont revenues sur moi, d’un côté c’était dur mais c’était bien, ça m’a relancé, et on a pu finir toutes ensemble, donc ça c’est cool et c’est de bon augure pour avoir une équipe à la Coupe d’Europe. Ce n’était pas la meilleure course, je n’étais pas dans un super jour, mais c’est fait et je ferai mieux au prochain. Donc maintenant récup, et normalement rendez-vous dans un mois, si tout va bien ».

 

Carvalho et Kowal prennent la course à leur compte

Chez les hommes, le peloton mettait beaucoup plus de temps à s’étirer, sous la houlette de Yoann Kowal et Florian Carvalho, parfaitement calés dans les foulées des deux Belges, Simon Debognies et Robin Hendrix. Après un passage en 2’56 au premier kilomètre, les Français décidaient de prendre les choses en main. « À la base, il devait y avoir des lièvres de prévu avec les Belges, sauf que le pauvre, je l’ai vu mener, je me suis dit, « je ne vais pas le laisser tout seul devant et j’ai accéléré pour l’aider », confie Florian Carvalho (28’13″72), deuxième Tricolore de la course derrière Yoann Kowal (28’05″68). Après, je savais que j’allais manquer de beaucoup de fraîcheur en fait. Je me suis inscrit il y a deux jours, à la base je ne voulais pas venir courir, mais bon, je n’avais pas le choix si je voulais faire la Coupe d’Europe. Je paie un peu la fin de course où je manque de beaucoup de fraîcheur… Sachant qu’au bout de trois kilomètres, je me suis dit “waouh, je n’ai pas de jambes”. Voilà, le dernier kilomètre est compliqué mais ce n’est pas grave, c’est dans la prépa et j’espère être du voyage à Pacé, à domicile et avec une bonne ambiance. Je reste satisfait de ma course, je ne voulais pas me montrer, et rester caché toute la course, au final je me suis un peu montré et j’ai un peu aidé. Après, ce n’est pas dans mon tempérament de ne rien faire, donc c’est vrai que c’est compliqué de se restreindre ». Après un passage au troisième kilomètre en 9’38, le peloton était encore composé de huit coureurs, dont les deux Belges, le duo Kowal/Carvalho ainsi qu’Emmanuel Roudolff-Lévisse (5e en 28’18″93), Corentin Le Roy (6e en 28’25″06) et Valentin Gondouin (7e en 28’27″68, tout près du record de France espoirs de Philippe Legrand avec 28’26’7 en 1979 à Saint-Maur). Mais l’allure accélérait, et la course commençait vraiment au septième kilomètre (19’42), lorsque Kowal et Carvalho se relayaient à tour de rôle aux avants-poste.

 

Kowal, plus fort que le doute

 

C’est au terme d’une attaque dans le dernier tour que le champion d’Europe 2014 du 3000 m steeple venait décrocher, avec soulagement, la première place qualificative à la Coupe d’Europe, pour sa première incursion sur la distance. « Très honnêtement, j’avais un énorme stress avant la course. Je n’ai participé qu’à trois compétitions depuis ma blessure, un 10 km et deux semi-marathons. Mais là, ça faisait longtemps que je n’avais pas rêvé d’une course la nuit d’avant compétition. La boule au ventre toute la journée, pas bien, pas savoir comment manger, pas savoir comment dormir la sieste… Beaucoup de prises de tête aujourd’hui, mais encore une fois, j’ai des années d’expérience et d’acquis. Je me suis dit “écoute, ce n’est pas grave”, j’ai fait un peu de sophrologie, je me suis recentré sur moi. Mon objectif n’était pas là cette saison, mais je l’avais dans un coin de la tête. Ça fait plus de deux ans que je n’ai pas fait de sélection en équipe de France, la dernière c’était à Doha en 2019, après j’ai fait les Mondiaux militaires à Wuhan (Chine). Depuis, je n’ai pas remis les pieds en compétition. Et du coup, franchement, j’abordais celle-ci avec vraiment beaucoup de stress. J’avais peur des vingt-cinq tours, je n’avais pas peur de l’allure 2’50 au 1000 m, ça ne m’effrayait pas, j’ai fait des séances plus rapides que ça, mais c’était la monotonie d’enchaîner les vingt-cinq tours. Ça, c’était vraiment une crainte, et voir où j’en étais sur la confrontation avec d’autres français et tout ça, ça faisait longtemps que je n’avais pas eu ça. Et du coup, le coach était quand même confiant, j’étais confiant mais il y a toujours cette part de doute. Et comme je disais aux mecs ce matin, si tu n’as pas cette part de doute dans ta tête, c’est que tu n’accordes pas d’importance à l’événement et que finalement, tu n’as pas de stress et que tu n’as peut-être pas autant d’envie qu’il faudrait. Et du coup, c’est un peu comme ça que j’ai abordé cette compétition. Avec du doute, du stress, mais ça m’a procuré de l’envie. Et ça s’est vu. Ça ne part pas au début, je prends mes responsabilité et, le coach m’engueule. On avait prévu un lièvre, le lièvre je ne sais pas, il est passé qu’au bout de 3000 m… Et du coup, je vois 1’12 au premier 400, je dis « non, on est partis sur 1’10, on ne va pas perdre deux secondes déjà direct », ce sont des allures qui n’étaient déjà pas très, très rapides. Surtout, que normalement le premier 1000 m, le premier 400 ou 500, c’est là où tu peux gagner quelques secondes assez rapidement sur un peu l’endorphine du départ et l’euphorie. Et ça ne passe pas ! Du coup je passe et le coach m’engueule, il me dit “ce n’est pas à toi de mener, il y a un lièvre, ne mène pas !”. Il était en train de gueuler dans la ligne opposée. Et je lui dis, je levais les mains “je fais quoi ? Je ne vais pas ralentir et casser le rythme”. Voilà, si je ne prenais pas la sélection, je venais quand même chercher un chrono donc dans tous les cas, il fallait courir. »

 

« Je l’apprécie pour sa sportivité et l’amitié qu’on peut avoir »

Bien au-delà de la performance et du chrono, c’est une véritable communion sportive qu’ont partagée les deux lauréats du jour sur la piste de Pacé. « Comme je disais au micro, il y a un mec qui est formidable, c’est Carvalho, qui est venu en dernière minute. Il était en pleine semaine de travail, son coach lui a dit “écoute, si tu veux faire la sélection, il faut que tu viennes obligatoirement là”. Parce qu’il pensait un peu, ce que je comprenais, qu’avec ses acquis pouvoir être présélectionné, mais finalement c’était présence obligatoire. Et il a fait le taff. Je n’ai même pas à me décaler, il me tapote et il prend un relais, je repasse, il me reprend un relais. Le mec sort d’une semaine de travail, il s’entraîne dur, il arrive avec de la fatigue, il prend des relais et il est là jusqu’à 400 m de la ligne. Donc respect pour cet athlète et cet ami que j’ai dans mon entourage et que j’apprécie pour sa sportivité et l’amitié qu’ont . C’est une belle confrontation. On est concurrents sur la piste, mais c’est une confrontation saine. Je tiens vraiment à souligner que des gens comme ça dans l’athlé, ça fait plaisir. En 2010 on était ensemble sur 1500 m à se tirer la bourre, douze ans plus tard on est ensemble sur 10 000 m et ça n’empêche pas qu’on se tape jusqu’au sprint, et qu’on est tout autant content l’un que l’autre quand il y en a un qui réussit, et là je pense qu’on l’est tous les deux. J’espère qu’il sera aussi en équipe de France, je serais tellement honoré d’être avec lui. »

 

Simon Debognies, victoire au scratch

 

Devant les premiers Français, Simon Debognies s’est imposé en 27’57″29 devant son coéquipier Robin Hendrix (28’01″65), au terme d’une course parfaitement maîtrisée. « Nous avions un lièvre jusqu’à 5000 m, et il ne se sentait pas top aujourd’hui, donc c’était un peu trop lent au début. Ça ne me gênait pas, parce qu’un 10 000 m c’est long, et je savais qu’il restait encore un cinq kilomètres. Kowal et Carvalho ils ont aussi pris la tête quelques fois, donc c’était bien de faire des relais comme ça, ça nous a beaucoup aidé. À la fin, à cinq tours de l’arrivée, je me sentais encore bien et j’avais senti que c’était un peu en train de ralentir donc j’ai relancé. À partir de là, j’ai accéléré sur chaque tour et mon chrono est top. On a fait le voyage de Belgique jusqu’à ici, c’était sept ou huit heures de route, mais on a bien récupéré. Je suis très content de commencer la saison avec cette course. »

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Tous les résultats du Meeting de Pacé, en cliquant ici.

Texte : Emeline Pichon
Crédits photos : STADION

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