Personne ne la méritait peut-être plus qu’elle. Plus de six ans après sa dernière cape bleue chez les jeunes, Nawal Meniker (25 ans) va pouvoir enfin savourer une première sélection en équipe de France chez les A à l’occasion des Championnats d’Europe en salle d’Istanbul. Elle sera donc au bout du sautoir ce jeudi 2 mars pour les qualifications de la hauteur. Grand talent en devenir, la vice-championne d’Europe juniors en 2015 a connu plusieurs années en dents de scie mais elle n’a jamais rien lâché et a continué à croire en son destin. La pensionnaire du CA Montreuil 93, qui a franchi 1,92 m cet hiver, assume son parcours atypique, sa persévérance sans faille et son envie de déplacer des montagnes. Un bel exemple pour tous.
Nawal Meniker éclot très tôt et devient l’espoir du saut en hauteur français. Médaillée d’argent des Jeux olympiques de la Jeunesse à Nankin (Chine) et championne de France Elite en salle à Bordeaux en 2014 alors qu’elle n’est encore que cadette, vice-championne d’Europe juniors l’année suivante. Avec un bond à 1,88 m en 2015, à seulement 17 ans, tout semblait être écrit et pourtant, cela ne s’est pas passé comme prévu. Après ses médailles internationales, tout est devenu plus compliqué : blessures, environnement qui n’était pas le sien. « On m’a demandé d’aller dans un endroit qui n’était pas forcément fait pour moi. J’y suis quand même allée mais à reculons. Psychologiquement, je n’étais pas bien. Quand tu es jeune, tu fais ton sport car tu le kiffes. Tu ne réfléchis pas, tu ne dois rien à personne, tu prends du plaisir. Tu es insouciant de tout ce qu’il se passe derrière. On a attendu beaucoup de moi très jeune. J’étais la pépite. Il fallait que je sois tout le temps performante, tout le temps au rendez-vous et c’est dur à gérer. Je n’allais plus en compétition pour moi mais pour les autres. J’ai compris bien plus tard que ce n’était pas correct. »
2023, de retour dans le game
Après des années faites de hauts et de bas, Nawal Meniker est bel et bien de retour sur l’avant de la scène tricolore et elle n’est pas passée inaperçue en ce début d’année 2023. Le 22 janvier, la pensionnaire du CA Montreuil attaque sa saison indoor à Eaubonne lors des régionaux. Pour la première fois de sa carrière, elle efface une barre supérieure à 1,90 m, à savoir 1,91 m. Son précédent record datait de 2015 (1,88 m). À Nantes, une semaine plus tard, elle confirme en domptant à nouveau une barre à la même hauteur. Le 18 février, à l’occasion des Championnats de France Elite à Aubière, la native de Perpignan culmine à 1,92 m mais doit laisser la victoire à Solène Gicquel en raison d’un nombre d’essais plus important. « Je suis très contente car même si j’étais partie pour le titre, cela reste un PB de plus et ce n’est que le début pour moi. Cela fait du bien de sauter dans un concours avec Solène (Gicquel), dans un concours où il y avait de l’adversité. On s’est battue jusqu’au bout et on a tout donné. C’était vraiment top. Cela faisait longtemps que l’on n’avait pas eu de concours comme cela en France. Très très beau spectacle. »
« Je voulais absolument montrer que j’étais encore là, me montrer que j’en étais capable »
Patiente, déterminée, les adjectifs la qualifiant sont nombreux. Les années de galère qu’elle a traversées l’ont forgée. « J’y ai cru tout le temps. Même si j’avais des moments de doute, même si parfois, je n’avais pas envie d’aller m’entraîner. Tu réfléchis à quoi bon tout ça si derrière, il n’y a rien qui suit. J’avais toujours ces petits trucs dans le ventre, cette petite voix qui me disait : « continue, ne t’arrête pas ». Je ne voulais pas avoir de regrets en étant plus grande. Je ne voulais pas avoir ce peut-être que. Je me suis dit : « tu sais quoi Nawal, tu donnes tout, ça va être dur mais vas-y car ça va te forger dans ta vie plus tard, cela va te forger en tant que femme. » C’est ce que j’ai fait, je n’ai jamais lâché. Blessée, pas blessée. Au bout d’un moment, il n’y avait plus rien qui m’arrêtait. Je m’entraînais dehors, dans le froid, dans des parcs. Je m’entraînais partout. Je voulais absolument montrer que j’étais encore là, me montrer que j’en étais capable ». Un modèle à ce niveau-là car beaucoup auraient abandonné. Ces expériences l’ont amenée à aborder son futur et ses compétitions différemment. Les prises de tête et le stress sont restés dans le passé. Aujourd’hui, le plaisir prime sur tout le reste. La protégée de Mickaël Hanany, détenteur du record de France en plein air avec 2,34 m, et de Thierry Blancon est beaucoup plus sereine.
Son projet monté de A à Z aux États-Unis
Pour y arriver, il a fallu un déclic. Son départ aux États-Unis en fait partie. Il y a un an, Nawal Meniker a besoin de changer d’environnement, d’air. Une de ses amies était partie là-bas et elle sortait d’une rupture après sept ans de relation. « Je me suis dit que c’était le bon moment pour moi. Je partais pour trois mois de stage. Je me suis dit que j’allais essayer avec Mike (Mickaël Hanany) et que même si ça ne marchait pas, j’aurais au moins essayé. J’avais aussi envie de vivre l’aventure américaine. J’avais toujours refusé malgré les propositions d’aller à l’université là-bas. J’y suis partie. J’ai adoré ! J’ai adoré la mentalité, l’environnement, les infrastructures, les conditions d’entraînement. Il fait chaud. On est dans un groupe alors qu’en France, je suis toute seule. J’adore m’entraîner toute seule mais c’est bien aussi d’être entourée car on se soutient tous, les uns les autres. Il y a vraiment un bon esprit de groupe. Cela me permet de changer, de casser mon rythme de vie. Il faut aussi savoir qu’en France, on est un peu la discipline oubliée. On a peu de stages de saut en hauteur comparé à d’autres disciplines. J’avais besoin de nouvelles conditions et je pense que les États-Unis, cela a été le bon truc. »
Cette décision aura un impact énorme sur la suite de sa carrière. À peine rentrée en France en avril 2022, elle franchit une barre à 1,85 m alors que cela faisait des années que ça n’était plus arrivé. « Tu rentres dans une dynamique où tu es bien, t’es entourée, c’est du haut niveau. T’es tout le temps au-delà de tes limites aux entraînements et c’est kiffant. Je pense que j’avais besoin de ça : de changement et de renouveau, de plus être dans mon petit cocon, de sortir de ma zone de confort. » Les États-Unis, un projet que Nawal Meniker a monté de la première à la dernière pièce. Son projet et cela change tout. « Tu as ton retour sur investissement et c’est juste ouf. Tout ce que tu as construit, mis en place, cela marche. »
Aller au-delà de ses limites
Ces derniers mois, beaucoup de travail au niveau du renforcement et de la musculation a été effectué. « J’en faisais mais pas de la même manière. J’ai énormément pris notamment sur l’aspect force. J’ai changé physiquement. J’ai bien progressé, sur l’aspect technique aussi. Il me manque encore beaucoup de choses ». C’est désormais Mickaël Hanany qui fait l’entièreté de ses plans d’entraînement. Lorsqu’elle est en France, c’est Thierry Blancon qui supervise. « Il est absolument d’accord avec ce que fait Mike. Ils ont la même vision des choses. C’est pour cela que ça fonctionne ». La battante n’a qu’un seul objectif précis : aller au-delà de ses limites. Elle ne s’en est pas fixées. Le record de France de Mélanie Skotnik-Melfort à 1,97 m (2007), elle n’y pense pas. « Je peux aller au-delà de ce que j’ai fait aux Elite. C’est clair et ce n’est pas fini. Je ne pourrais pas donner une barre exacte. Le saut en hauteur, c’est magique car tout peut arriver. Aux Jeux olympiques de la Jeunesse en 2014, je pars avec la dernière performance des engagées, je suis repêchée et je bats mon record de quasiment dix centimètres et je finis deuxième. C’était improbable. »
Porter fièrement le maillot bleu à Istanbul
Son retour arrive à un moment clé dans sa carrière, à un peu plus d’an des Jeux olympiques de Paris auxquels elle rêve de participer. « Avec de la persévérance, on peut réussir à revenir à son plus haut niveau. Je n’ai jamais rien lâché. C’est de bon augure pour les Jeux et pour moi, pour mes coachs et mon entourage ». L’étape des Championnats d’Europe en salle à Istanbul était un passage obligé pour aller se confronter aux meilleures de la discipline. À la fin des Championnats de France Elites, Nawal Meniker voulait absolument se rendre en Turquie. « Je n’avais pas fini mon travail de la saison hivernale dans le sens où j’avais encore envie de sauter cet hiver et aussi de me montrer que j’étais capable de faire des choses extraordinaires ». Ses ambitions sont claires : porter fièrement le maillot de l’équipe de France pour sa première sélection chez les grands. « J’y vais vraiment pour la gagne, pour tout donner. Le but est de faire les qualifications, de faire un concours parfait, de tout passer au premier essai. Ça va aussi se jouer aux essais. Je dois être tactique, parfaite techniquement, pas faire de fautes. Je vais sauter pour mon plaisir personnel avant tout. Je vais aussi pour me mettre dans des situations avec de la concurrence étrangère. J’adore ça. C’est vraiment un jeu pour moi. J’adore rentrer là-dedans. J’ai juste hâte de me retrouver sur le sautoir, avec les filles, de sauter et de me donner au maximum ». Ce déplacement à Istanbul, elle le partagera avec Solène Gicquel, la récente championne de France. « C’est carrément un plus. C’est trop bien que l’on soit deux Françaises. Ce n’est que du bonus. »
Pour l’instant, la sauteuse en hauteur n’a pas de contrat. Après des années difficiles, elle n’a pas d’attente particulière. Elle vient tout juste d’entamer une formation en design d’intérieur à distance. « Je ne me prends pas trop la tête car j’ai envie d’être focus sur l’athlétisme. Pour les Jeux, j’ai bossé pendant trois ans. Je bosse parfois un peu quand je reviens en France. Est-ce que je signerais pour un contrat d’athlète à temps plein ? Oui et non car c’est selon moi toujours important d’avoir un double projet et d’avoir quelque chose à côté. Cela permet de sortir de ce monde-là. Les journées sont longues : entraînements, récupération, kiné, soir et maison. Je me force à voir autre chose. Quand je ne suis pas trop fatiguée, je travaille. Je donne des cours de sport dans des écoles. Cela permet de voir d’autres gens et casser ma routine. »
Merci à la Croate Blanka Vlasic qui lui a donné envie de faire du saut en hauteur. « Je la regardais aux Jeux olympiques et c’était magnifique ! Ce que j’adore c’est de voir des filles longilignes, la technique, la beauté du saut. C’est tout un processus, ce n’est pas juste courir en ligne droite. C’est surtout le fait de franchir un obstacle. Tu es toujours au-delà de tes limites. C’est cela que je kiffe, tu es en duel avec toi-même et avec la barre en face de toi ». Le mot de la fin : « Je pense qu’il y a des personnes qui sont ou qui ont été dans la même situation que moi. Je leur dirais qu’il faut toujours croire en soi et de ne jamais abandonner ses rêves. »
Propos recueillis par Coline Balteau
Crédits photos : Gaëlle Mobuchon / STADION
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