Orlann Oliere : « Maman, sportive et femme, c’est possible »

29 février 2024 à 21:58

Orlann Oliere est devenue un modèle pour beaucoup de sportives pour avoir fait le choix de deux pauses maternité en pleine carrière, et être revenue à chaque fois au plus haut niveau. Après la naissance d’un premier garçon en 2013 et une pause de six ans entre 2012 et 2017, la sprinteuse du CA Montreuil 93 a repris les compétitions avec succès. Puis elle met au monde des jumeaux en 2022 et revient progressivement aux affaires en juin 2023 jusqu’à se qualifier sur 60 m aux Championnats du monde en salle qui s’ouvrent ce vendredi à Glasgow. Orlann Oliere nous raconte sa vie de maman et de sportive de haut niveau.

 

— Orlann, après la médaille d’argent en 2018 à Liévin et la médaille de bronze en 2017 à Bordeaux aux Championnats de France Elite en salle, vous êtes parvenue à monter sur la plus haute marche du podium sur 60 m à Miramas. Que représente ce titre pour vous ?

C’est une fierté tout d’abord et c’était important pour moi de revenir avec ce niveau-là après une rupture du tendon d’Achille et une grossesse. C’est important que le travail effectué l’année dernière porte ses fruits.

 

— Est-ce que les Mondiaux en salle étaient déjà un objectif en début de saison et êtes-vous en avance sur votre retour ?

Non mais je me suis préparée toute la saison pour cet objectif. Pour moi le but est d’enchaîner meeting après meeting sans me faire mal. Je voulais vraiment que mon corps tienne et se réhabitue déjà au choc et aussi à me confronter aux meilleures. J’ai forcément pensé aux Mondiaux mais sans me prendre la tête. L’objectif était d’enchaîner, de faire les chronos qu’il fallait. J’ai eu la chance de faire dès ma première sortie les minima (le 21 janvier au Luxembourg). Après j’ai enchaîné les meetings pour faire des répétitions, prendre de l’assurance aussi et me faire plaisir.

 

 

— L’objectif de la saison est plutôt pour cet été…

Bien sûr c’est cet été, après c’était important pour moi aussi de commencer la saison 2024 en faisant la salle pour savoir déjà où j’en suis et me confronter aux meilleures. Tout va s’enchaîner après. C’est vrai que cet été il y a beaucoup d’objectifs. Il y a les Championnats d’Europe à Rome (7 au 12 juin) puis évidemment les Jeux olympiques (1er au 11 août) en individuel et aussi avec le relais 4×100 m.

 

— Qu’attendez-vous de ces Mondiaux en salle de Glasgow ?

Me confronter aux meilleures, de faire dès les séries la meilleure course possible pour aller chercher ma place en demi-finales. J’ai les moyens d’y aller, mais par contre il faudra dès les séries réaliser un chrono de 7″20 pour pouvoir y rentrer.

 

— Pensez-vous être en mesure de battre votre record personnel sur 60 m (7″15) réalisé en 2019 ?

Honnêtement j’en suis capable sinon je ne serai pas là. Malheureusement je n’ai pas eu la chance de courir plus cet hiver, j’ai été deux fois malade… C’est pour cela qu’aujourd’hui je me laisse la chance. J’ai les capacités aujourd’hui pour y arriver. J’ai ma place et je vais tout donner dès les séries pour pouvoir rentrer en demi et après c’est du plus.

 

 

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— Pouvez-vous nous raconter votre quotidien quand on est maman de trois enfants, dont des jumeaux très jeunes, et sportive de haut niveau ?

Je pense que ça se lit sur mon visage un peu cerné mais ça va ! (rires) C’est le quotidien, on vit au rythme des enfants, un réveil entre 6h et 7h, après on s’occupe des enfants, on s’occupe de soi. On dépose ensuite les enfants à la crèche et j’ai la chance d’avoir la crèche sur mon lieu de d’entraînement, à l’INSEP. On dépose les enfants à la crèche pour 10h et je commence ensuite l’entraînement à 10h30. Après j’ai du temps pour moi et mon deuxième entraînement jusqu’à 16h30. On récupère les enfants, soit moi ou mon mari en fonction de mes horaires entre 17h et 18h puis on enchaîne jusqu’au coucher des enfants. Puis on répète cela du lundi au lundi.

 

— Est-ce que vos enfants comprennent que leur maman est athlète de haut niveau et qu’elle s’entraîne beaucoup ?

Les jumeaux ils ne comprennent pas trop, ils vont bientôt avoir 18 mois. Mais mon grand oui, il va avoir 11 ans. Depuis qu’il est petit, il me voit m’entraîner dur et voit les sacrifices aussi que je fais. Il est super content et super fier comme par exemple lorsque je reviens des Championnats de France avec une médaille. Pour lui, c’est le résultat de la réussite donc il est fier.

 

— Vous avez pris deux pauses maternité durant votre carrière. Et alors que beaucoup de sportives estiment encore qu’il faut choisir entre famille et carrière, on a l’impression que ça a été un choix évident pour vous de vous arrêter le temps de vos grossesses…

Pour moi c’est une évidence car j’ai fait le choix de tomber enceinte pendant ma carrière. Je l’ai fait une première fois et ça a marché et pour ma deuxième grossesse, ça s’est fait parce que j’avais une rupture totale du tendon d’Achille et je savais que j’avais plus d’un an d’arrêt et que ça allait être compliqué. Je me suis dit « autant enchaîner ». Je suis tellement bien entourée par ma famille, mon mari qui m’aident au quotidien donc pour moi ce n’est pas du tout quelque chose qui m’était impossible. Quand on est bien entouré, qu’on sait ce qu’on veut et qu’on est déterminé à réussir, ça marche.

 

— Vous êtes un exemple pour beaucoup de sportives pour qui la grossesse semble encore perçue comme un obstacle… Comment vous positionnez-vous par rapport à cette figure que vous pouvez être dans l’athlétisme français ?

Je ne sais pas si je suis un exemple mais en tout cas je prouve aujourd’hui que c’est possible d’être enceinte puis d’être de retour à l’entraînement. Malgré le fait d’être maman, j’arrive à me libérer, à venir en sélection et à faire ce que je veux faire. Pour moi, c’est un choix, personne ne me l’a imposé et par ailleurs je suis épanouie ! C’est important d’être épanouie dans les choix qu’on fait, et aussi mes enfants, c’est important de voir leur maman heureuse. La question est compliquée car pour moi c’est tellement naturel, j’ai accouché et j’ai réussi à revenir. Pour d’autres, ça ne va pas être normal. Mais si je peux montrer, lorsque j’échange avec d’autres personnes par exemple, que quand on veut, on peut, c’est déjà ça. Il ne faut pas se mettre de frein. Maman, sportive et femme, c’est possible.

 

 

— Qu’est-ce que cela vous fait de retrouver la tenue de l’équipe de France et l’ambiance des grands championnats après une longue pause ?

Pour moi c’est une fierté, c’est toujours une fierté de porter les couleurs de l’équipe de France. Depuis 2021 (Euro indoor à Torun) je n’ai pas remis le maillot, donc après deux ans d’arrêt au plus haut niveau c’est une très grande fierté. Cela montre que tout est possible en travaillant et en y croyant surtout.

 

— Vos trois enfants ont-ils fait le déplacement à Glasgow ?

Ils seront devant la télévision. Je n’aime pas trop mélanger ma vie de famille à mon travail. Je passe du temps avec eux quand il faut en passer mais je garde du temps aussi à moi et je n’ai pas envie forcément d’imposer des enfants au sein de l’équipe de France. 

  • Les séries du 60 m femmes aux Mondiaux en salle de Glasgow se disputent ce samedi à partir de 12h20 (heure française).

Propos recueillis par Sarah Ali
Crédits photos : Jean-Luc Juvin / STADION

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