Patrice Gergès : « Beaucoup de choses se jouent dès maintenant »

05 décembre 2017 à 18:09

C’est à la Maison du Japon, au cœur de la Cité internationale universitaire de Paris, que Patrice Gergès a dévoilé à la presse, ce mardi 5 décembre, sa stratégie pour faire briller l’équipe de France lors des prochains grands rendez-vous, en déployant une culture de la haute performance et de la gagne. Après une introduction par le président de la FFA André Giraud, le directeur technique national a présenté l’équipe qui l’accompagnera pour mettre en œuvre le Projet de performance fédéral 2017-2024, validé ce jour même par le Conseil national du sport. C’est d’ailleurs de manière collective qu’il a ensuite mis en avant les principaux axes d’un texte ambitieux et au long cours, qui sera le fil conducteur de la DTN jusqu’aux Jeux olympiques de Paris 2024.

Quand on prend le poste de Directeur technique national, on établit le bilan de ses forces. Quelles sont celles de l’équipe de France, à vos yeux ?

Patrice Gergès : Nos points forts, actuellement, sont liés aux épreuves techniques. Le 110 m haies, le triple saut, la perche… Pour ces épreuves, c’est une donnée quasi permanente : elles vivent un renouvellement régulier. Nos points forts sont également liés à des individualités. C’est le cas en sprint, avec deux athlètes performants chez les hommes, Jimmy Vicaut et Christophe Lemaître, et les relais, qui ont du potentiel. Il y a aussi Pierre-Ambroise Bosse et Mahieddine Mekhissi, qui prouvent que le demi-fond court est bien portant.

Dans ce bilan, l’image que dégage l’équipe de France compte, pour vous ?

L’image, est l’état d’esprit, oui. Il s’incarne pour moi dans des athlètes comme Mélina Robert-Michon et Yohann Diniz, qui en plus de leurs résultats sont un peu les maman et papa de la sélection. Ils sont porteurs, performants, et expriment une plus-value sur l’équipe de France. Notre force, c’est que dans un effort esseulé, nous sommes portés par un vrai collectif.

Nous sommes dans une nouvelle olympiade, mais quand la France obtient les Jeux olympiques pour 2024, on imagine que cela change l’optique, pour le premier sport olympique…

Oui, forcément. 2024 nous oblige à penser autrement. Pour moi, 2020 doit être un trait d’union. Avec comme objectif, pour 2024, de rendre possible la sélection d’athlètes dans toutes les spécialités de notre sport. Pour cela, on devra d’ici là amener un peu de curiosité et d’esprit novateur pour les disciplines en difficulté, comme le javelot ou la hauteur. Nous avons de bons athlètes en devenir dans ces spécialités, mais nous devons faire en sorte de les accompagner au mieux.

Justement, comment y parvenir ?

Jusque là, nous avions un accompagnement très proximal pour un petit nombre d’athlètes, avec qui nous sommes en contact régulier, qu’il faut savoir écouter pour les accompagner dans la progression de la performance. Il faut pouvoir étendre ce principe. Cela suppose des moyens humains supplémentaires, et de réorienter d’autres moyens financiers. Il faudra aussi être capable de s’interroger : ne pas faire les choses par habitude, mais se demander, à chaque fois, ce qui marche.

Vous avez quelques exemples ?

Les stages, entre autres. Je veux que les jeunes soient toujours proches de leurs modèles. Cela suppose des stages par niveaux, et pluridisciplinaires comme nous en avons l’habitude, mais également des stages par disciplines et intergénérationnels. Cela permettra de gagner du temps, pour ces jeunes. Des stages de ce type ont commencé dès cet automne, et se poursuivront à partir de janvier.

Comment envisagez-vous, à court terme, ce parcours vers 2020 et 2024 ?

On sait, pour l’avoir analysé, que le chemin vers une finale olympique ou mondiale débute six ans avant l’échéance. Un finaliste mondial junior met six ans à reproduire le même niveau chez les seniors. Pour 2024, cela nous amène à 2018. Cette saison, donc. Nous sommes là à un moment charnière pour les juniors qui prétendent à concourir en 2024, et pour les seniors qui veulent briller en 2020. C’est maintenant que beaucoup de choses vont se jouer.

Dans cette optique, la DTN a été repensée, et adopte une nouvelle organisation. Vous pouvez nous en dire plus ?

Le changement s’est fait progressivement depuis juin dernier, avec la mise en place de différents pôles. J’ai l’habitude de prendre l’image d’un arbre, avec ses racines, et finalement ses fruits qu’on cueille, au bout d’un long processus. C’est le cas ici.

Quels sont ces pôles ?

D’abord un pôle « Performance en territoires », qui concerne en premier lieu les jeunes, et vise à amener les athlètes sur les échéances 2024 et 2028. Ce pôle sera dédié à l’accès à l’excellence : comment on amène les athlètes vers le niveau international. Dans ce cadre, les ligues et leurs directeurs joueront un rôle important, puisqu’ils accompagneront en premier lieu ces athlètes. On va d’ailleurs chercher à construire autrement notre travail avec les ligues. On s’aperçoit en effet que le nombre de licenciés est très variable de l’une à l’autre, mais aussi que certaines où il y a peu de licenciés peuvent produire, proportionnellement, plus de sélectionnés en équipe de France. Nous aurons également le « Pôle d’accès à la performance olympique » : des techniciens qui penseront, en binôme, à ce qu’il faudrait faire pour que la famille de spécialités se porte bien. Ils organiseront les stages, les suivis des athlètes… Ils auront un regard croisé sur la meilleure manière d’accompagner un jeune vers une finale olympique, par exemple. Tout en étant concentrés sur leur spécialité.

Au-dessus, si on remonte l’arbre, on trouve « le Pôle de la performance olympique » ?

C’est cela. Comment, pour un athlète qui vise une médaille sur 400 m haies, décathlon ou steeple, faire en sorte qu’il y ait le moins de grains de sable possible entre le système fédéral et leur écosystème ? On ne veut pas laisser un athlète sans contact avec nous plus d’une semaine, par exemple : il doit savoir qu’il peut se tourner vers la Fédé. Cela doit nous permettre de mieux cerner les vingt heures par jour qu’il passe en dehors de l’entraînement, car ce sont aussi ces moments-là qui créent les conditions du bien-être. Ils seront quatre, sur cet accompagnement spécifique : Laurence Bily, Romain Barras, Mehdi Baala et Thierry Cristel. Il s’agira aussi de mener dans ce cadre une action transversale de suivi socioprofessionnel performant.

Combien d’athlètes sont concernés par les deux pôles liés à la performance olympique ?

Une cinquantaine. Thierry Cristel fera plus particulièrement le lien entre les générations.

Un dernier pôle est dédié à la recherche, c’est bien cela ?

Nous créons en effet également un pôle « Formation, recherche et innovation technologique », pour mieux aider les entraîneurs dans l’accompagnement scientifique. C’est Richard Carlon, l’un des DTN adjoints, et qui vient du monde de la voile, qui le chapeautera. Avec son équipe, où nous trouverons entre autres la chercheuse Christine Hanon (une ancienne athlète), qui arrive de l’Insep, ils vont identifier sur le territoire les ressources et les possibilités de partenariats (les Creps, bien sûr, mais aussi les universités, les structures européennes de recherche…) à disposition mais qu’on n’utilise pas forcément.

Vous le disiez, cette saison 2018 sera déterminante…

C’est après les championnats d’Europe de Berlin en 2018 que nous aurons les profils pour 2020. Les Mondiaux de Doha en 2019 seront également importants, car très tardifs et donc proches des Jeux en termes de mois, et c’est là que devrait être mis par l’IAAF en place le nouveau système de qualification, basé sur le ranking, non plus sur des performances uniques. Cela impactera forcément la manière de se préparer, même si pour l’instant, nous n’en savons pas plus. Par ailleurs, le CIO a d’ores et déjà fixé à 400 le nombre d’athlètes en moins à Tokyo en 2020 par rapport à Rio. Cela jouera aussi.

Pour terminer, comment définiriez-vous votre philosophie, votre vision de l’athlétisme, pour les échéances à venir ?

J’aimerais qu’on travaille encore plus sur la singularité de l’individu, qu’on sorte du dogme imposé et qu’on entre dans une logique d’excellence et d’exigence pour tous : la FFA, les jurys, les athlètes… Qu’on soit conscients que tout le monde a un rôle à jouer sur la route de Paris 2024. On doit avoir une ambition de haut niveau dans tous les secteurs, pas juste pour un groupe d’athlètes ou d’entraîneurs.

Communiqué de presse – Fédération Française d’Athlétisme

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