Quand le skate tend la perche à Baptiste Boirie

16 mars 2018 à 18:35





Quiconque aime l’athlétisme connaît forcément Baptiste Boirie. Ses vidéos de saut à la perche propulsé par un skate électrique régalent des milliers de followers sur les réseaux sociaux. A l’occasion de démonstrations au centre commercial Belle-Epine à Thiais (Val-de-Marne), il vient d’établir une nouvelle marque à 6,05 m, soit quarante centimètres de mieux que son record personnel sans skate. Cette passion n’enlève rien aux objectifs du perchiste qui frise les minima pour les Championnats d’Europe cet été à Berlin. Le garçon est doté d’un sens de l’humour assuré, ce qui rend d’autant plus sympathique.

Baptiste, après plus de six ans d’absence, vous avez retrouvé l’équipe de France l’été dernier à l’occasion des Jeux de la Francophonie. Cela doit vous fait plaisir ?

J’étais content bien que frustré car l’été dernier l’objectif était de performer plus régulièrement à des hauteurs proches des minima pour les Mondiaux de Londres fixés à 5,78 m. Six ans d’absence où j’ai appris à gérer de multiples blessures (fractures de fatigue, entorses, névralgie cervicale et hernies lombaires). Ce sont des années où j’ai été amené à concilier un double projet « sport et étude », ce qui n’est pas toujours évident (3 ans en STAPS puis 4 ans en école de kiné).

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— Vous avez également porté votre record personnel à 5,65 m le 20 juin dernier. Vous avez rapidement senti que vous aviez de bonnes jambes en arrivant à Pontoise ?

Je fais 5,65 m dans des conditions particulières parce que j’avais un lumbago. Dès le footing, j’ai senti que ce ne serait pas évident pour moi cette compétition et que mes douleurs aiguës (type blocage de dos) allaient me faire mal. J’avais déjà était embêté en avril pendant ma préparation par ce problème. J’ai pris une perche en main pour voir si c’était réalisable de sauter à faible intensité. J’avais très mal mais je m’étais entraîné si dur toute la saison en travaillant avec acharnement que je ne voulais pas tout gâcher. Par principe, j’avais à cœur de passer une première barre pour faire honneur à l’organisation. Bref j’ai dis à mon coach qui venait d’arriver « t’es venu pour rien désolé, je suis fracassé du dos ».

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— La suite du concours s’est pourtant bien déroulé…

C’est en running que je me prête au jeux des barres en commençant très bas vers 4,90 m (NDLR : 4,96 m) puis au fur et à mesure j’arrive à 5,40 m (NDLR : 5,47 m). J’avais des douleurs entre chaque saut mais quand je lançais ma course progressivement j’étais dans une sorte de transe et de maîtrise, due au long travail accompli en amont. Je mets les pointes et un cuissard pour 5,53 m et 5,65 m et tout passe un peu au mental, comme si ce jour là, la règle du « tout travail finit par payer » allait s’appliquer quoi qu’il arrive. Je bats mon record dans ces conditions avec un lumbago et un concours à 17 sauts, une belle anecdote.


ʻʻ Dès la première séance je passe au delà des 5 mètres ʼʼ


— Votre progression est linéaire depuis le début de votre carrière. Vous progressez pas à pas, centimètre par centimètre. Attendez-vous le déclic susceptible de vous ouvrir de plus hautes perspectives ?

C’est effectivement une progression que j’ai réussie à maintenir jeune et que je retrouve depuis deux ans (+15 cm) c’est directement corrélé à mes blessures. C’est plus facile de s’entraîner quand on ne morfle pas d’une fracture de fatigue. Il faut rester raisonnable et suivre le meilleur protocole. J’ai une pensée pour mon pote Matthieu Collet (international espoirs) qui est face à la même blessure et il fait ça bien, je n’étais pas aussi sage que lui à l’époque.

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— À la rentrée 2014, vous décidez de rejoindre Gérard Baudoin à l’INSEP. Quelles ont été vos motivations ?

Je voulais changer de structure d’entraînement et de coach pour progresser avec un regard différent, un œil neuf. Mon record était à 5,50 m à ce moment là et je savais que je pouvais sauter 5,60 m ou 5,70 m. Avec Gérald je voulais ouvrir les portes du haut niveau. Aujourd’hui j’y suis presque mais le chemin n’est pas simple. Pour arriver dans le très haut niveau ça dépend de tellement de facteurs, il faut s’y consacrer à 100%. Mon rêve d’un double projet de réussite était risqué voir utopique.

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— Vous avez créé le buzz sur Internet en prenant votre élan, perche en mains, sur un skateboard électrique. Comment vous est venu l’idée de combiner le tout ?

Tout commence à la fin d’entraînement en 2012, j’essaye de sauter avec mon skateboard « cruiser » (planche de petite dimension) et je vois que j’arrive à franchir 4,60 m (minima olympique féminin). Je me suis dis qu’il me fallait plus de vitesse pour pouvoir aller plus haut. Avec mon ancien coach (Damien), on se dit que ça serait intéressant de voir ce que ça donne avec un électrique. Dans la foulée, on a donc contacté la première compagnie française qui nous a généreusement prêté en test un de leur premier modèle evoskate.

Dès la première séance je passe au delà des 5 mètres, c’était dingue. Par la suite, on a eu leur plus gros modèle pour voir jusqu’à où on pouvait aller et donc on a vu en 2013 que je pouvais faire 5,30 m voir 5,40 m mais pas plus. En 2013, je lâche l’idée à ce niveau en raison d’une fracture de fatigue embêtante et je monte à l’INSEP en 2014. 

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— Que s’est-t-il passé ensuite ?

Un jour, Evoskate m’envoie un modèle plus rapide mais ça n’a pas été une réussite. Je l’essaye avec Axel Chapelle mais je n’arrive absolument pas à déclencher le saut, il me faut un stop skate plus résistant. Le skate manque de traverser dans ma perche. Les stop skate (matelas) trop haut et volumineux m’empêchent eux de voir le butoir. A cette période, j’ai ma fracture de fatigue et je stagne à 5,50 m jusqu’en 2016. Je me fais presque une entorse en essayant ces histoires de skate, de ce fait, je décide d’arrêter les singeries. 

En 2016 quand (Pierre) Cottin m’aide, je ressaute en extérieur et je passe quasi 5,70 m. Fin 2016, je tente avec de vraies perches (énorme pour moi et mon poids) et je me retrouve projeté au delà des 5,80 m. Je sens que les six mètres sont tout proche et aujourd’hui je réitère mes tentatives à l’entraînement mais pas beaucoup de fois par an, cinq fois maximum, tellement cela devient risqué. Cependant, pour aller au delà des limites le risque doit être présent et l’adrénaline aussi.


ʻʻ Cela amuse et plaît au public ʼʼ


— Cela donne un joli coup de projecteur sur votre discipline…

Tout à fait et c’est donc pour mettre de ludique et du fun dans mes séances quotidiennes que cette nouvelle discipline est née. Aujourd’hui cela devient plus un sport extrême que juste du fun. Je suis tellement heureux de voir à quel point cela amuse et plaît au public durant ces démonstrations. Je suis fier de montrer la beauté et la diversité de notre sport à ma manière en alliant mes autres passions comme le surf, le longboard ou le skate. On m’a déjà demandé si je faisais des stages de skate-perche.

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— Cela demande-t-il d’autres qualités que celles que possèdent un perchiste de haut niveau ?

Des repères dans l’espace et de l’expérience en glisse comme le snowboard, skateboard ou surf.

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— Le skateboard va moins vite que vous et pourtant vous montez plus haut. Comment l’expliquez-vous ?

C’est compliqué à expliquer en détail mais cela montre que notre sport est uniquement une histoire de transmission. A chacun sa façon de faire mais il faut trouver la gestuelle et le timing exact puis automatiser ce qui marche. En skate il faut choisir la bonne perche en fonction de la vitesse du skate (pas toujours la même) et quand on arrive à mettre toujours la même vitesse il faut, comme en perche normale, prendre la perche la plus grosse pour se faire jeter le plus haut.

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— Vous avez récemment franchi 6,05 m sur un skateboard électrique à Thiais, est-ce qu’on rêve de le faire sans en compétition ?

C’est mon rêve de les réaliser sans skate mais je ne pensais pas y arriver un jour grâce à un skate.

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— Pour vous une saison 2018 réussie, qu’est ce que ça serait ?

Un record personnel à 5,70 m qui sont les minima pour les Europe de Berlin en août et un bon 6 mètres en skate pour mettre la cerise sur le gâteau !

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— La question est un peu directe mais pensez-vous que la France a les meilleurs perchistes du monde ?

Oui et surtout après cet hiver quand on voit que les 3 meilleurs français sautent aussi haut que les 5,10 meilleurs mondiaux.

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Baptiste Boirie va pouvoir continuer à prendre du plaisir sur sa board avant de, peut-être, devenir une figure tricolore de sa discipline.

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