Sarah Madeleine : « Je veux être la première Française à faire moins de 31 minutes sur 10 km »

29 juillet 2025 à 20:21

Alors qu’elle bat ses records à la pelle en ce début de saison 2025 fracassant (1500 m, 3000 m en salle, 5000 m, 10 km route), Sarah Madeleine devrait poursuivre son ascension aux Championnats du Monde de Tokyo sur 1500 m et 5000 m. La pensionnaire de l’US Melun, son club d’enfance dans lequel elle est revenue cette année, a clairement changé de dimension. L’une des figures montantes de l’athlétisme tricolore s’est confiée sur les Jeux olympiques de Paris, ses derniers résultats… et son envie de se tester sur 3000 m steeple. Entretien !

— Sarah, les Championnats du monde de Tokyo arrivent à grands pas (13 au 21 septembre). Avec quelles ambitions abordez-vous cette échéance majeure dans votre carrière ?

Je m’alignerai sur les deux distances (1500 m et 5000 m). À partir du moment où j’ai réalisé les minima FFA sur 1500 m (au Meeting de Paris le 20 juin, 3’59″06) et comme j’ai réalisé les minima World Athletics (sur 5000 m au Meeting de Rome le 6 juin, 14’48″79), c’est suffisant pour que la fédération accepte que je fasse les deux. Le calendrier s’y prête super bien. Il y a le 1500 m avant (séries le 13 septembre, demi-finales le 14, finale le 16). Et ensuite, deux jours après, commence le 5000 m (18 septembre). C’est bien réfléchi. L’objectif, c’est de rentrer en finale, que ce soit aussi bien sur 1500 m que sur 5000 m. Le championnat sera réussi si j’arrive à rentrer, ne serait-ce que sur une finale de championnat du monde. Et le jackpot, c’est faire double finaliste 1500 m et 5000 m.

 

— En clôture du Meeting de Paris le 20 juin, vous avez réalisé les minima sur 1500 m pour les Championnats du Monde de Tokyo (9e en 3’59″06, deuxième performeuse française de l’histoire) avec votre compatriote Agathe Guillemot (7e en 3’58″44). Est-ce l’un des plus beaux moments de votre carrière ?  Êtes-vous surprise par ce chrono ?

Je savais que je pouvais faire moins de 4 minutes. Ce n’était pas une surprise au vu de l’entraînement. Même quelques jours avant, on a fait une grosse séance. Pas si dure que ça, mais c’étaient des indicateurs qui me permettaient de dire que j’avais moins de 4 minutes dans les jambes. Après, il faut les faire. Et honnêtement, il y avait la course pour (11 athlètes sous les 4 minutes). C’était à moi de savoir en profiter. Poser le cerveau. Le chrono, il sort. Je réagis de la sorte (elle s’écroule de bonheur au sol) parce que je me dis que j’ai vraiment fait moins de 4 minutes. Entre le savoir qu’on peut le faire et le faire, c’est ouf. Sachant que moi, il y a plus de deux ans, je faisais déjà du 1500 m. Quand j’ai galéré sur 1500 m il y a quelques années et que maintenant, je fais moins de 4 minutes, je me dis que c’est un sacré palier que je viens de passer. Et en plus, pouvoir partager cette joie avec Agathe (Guillemot) et Clara (Liberman, meneur d’allure), c’était incroyable. Surtout devant mes proches. Plus mon club. Ils avaient pris un car, ils sont venus à 50. C’est un de mes plus beaux souvenirs.

« Sur la gestion de ma course aux Jeux olympiques, j’étais trop euphorique et je n’arrivais plus à me concentrer sur ce que je devais mettre en place »

— Près d’un an après les JO de Paris (17e en séries sur 5000 m, 15’18″62), quels souvenirs gardez-vous ?

Ça a été un apprentissage énorme. C’était tellement fou. Personne ne s’attendait à vivre ce genre de choses. Un stade plein, des Français extrêmement soutenus, l’ambiance incroyable. Je me suis laissée un peu submergée par les émotions. J’aurais dû faire un exploit de toute manière (pour se qualifier au tour suivant). Je ne passe pas à côté de mon championnat. Sur la gestion de ma course, j’étais trop euphorique et je n’arrivais plus à me concentrer sur ce que je devais mettre en place. C’était un trop-plein d’excitation. C’est ce qui m’a permis, en tout cas maintenant, que par exemple quand j’arrive à Paris, (Diamond League), je n’en ai pas du tout peur et je sais à quoi m’attendre. Je sais que même si on est française et que le stade va être pour nous, qu’il y a de la grosse densité, à appréhender, c’est beaucoup plus simple parce que j’ai vécu les JO. Humainement, on le sait, on ne revivra jamais quelque chose comme ça.

— Vous vous êtes retestée sur 1500 m au Meeting de Nice « Nikaïa » (4e en 4’04″92 sur 1500 m) près de deux ans après votre dernière sortie sur cette distance. Expliquez-nous.

Je n’ai jamais voulu arrêter le 1500 m. Le calendrier de l’année dernière faisait que je n’ai pas du tout pu toucher aux 1500 m parce que tout simplement, je n’avais jamais fait de 5000 m. Et il y avait une opportunité d’aller au JO en montant sur 5000 m, au vu de ce que j’avais fait l’hiver. Comme il y avait les Europe (8e en 15’02″56 le 7 juin 2024 à Rome) il fallait me créer un ranking. J’avais besoin d’enchaîner les 5000 m (5 au total en l’espace de trois mois). À l’époque, je ne récupérais pas aussi vite que maintenant. Entre mes 5000 m, je ne pouvais pas mettre d’autres courses. On était vraiment sur une corde. Cette année, je sais que j’ai progressé. J’ai un meilleur niveau, j’ai un ranking… J’ai moins besoin d’aller à la course au chrono. La preuve, je fais un 5000 m et je fais les minima des World Athletics (14’50″00). Ça me permet de me débloquer du temps pour d’autres disciplines, et notamment le 1500 m. Le but de base, quand j’ai repris à Nice, c’était de me mettre en jambes pour le 5000 m étant donné que c’était ma première Diamond League (à Rome le 6 juin, 14’48’’79). Je ne voulais pas que ce soit ma première course de rentrée. C’est ainsi que j’ai repris le 1500 m. Et en faisant 4’04″92, la manière dont je l’ai fait, on s’est dit qu’il y a quand même quelque chose à tenter sur 1500 m. Grâce à cette course, j’ai eu l’opportunité de rentrer au Meeting de Paris. Quand on me laisse une opportunité, je déçois rarement.

« C’est vraiment l’objectif que je me fixerai l’hiver prochain : casser cette barrière des 31 minutes sur 10 km »

— Vous réalisez une année 2025 tonitruante, ponctuée par quatre records personnels (1500 m, 3000 m en salle, 5000 m, record de France du 10 km route égalé, marque depuis effacée par Mekdes Woldu). Pensez-vous avoir franchi une nouvelle étape dans votre carrière ?

Mon début de saison est dans la continuité de ce que j’ai toujours fait. Et je ne vois pas pourquoi ça s’arrêterait. Il y aura forcément des hauts et des bas parce que ça fait déjà maintenant deux, trois ans que je fais record sur record non-stop. Je suis consciente que ça ne sera pas tout beau, tout rose pendant les prochaines années. J’ai déjà envie de dire que j’« enjoy » (apprécie) chaque étape. Ça a toujours été comme ça. Même il y a quatre ans, quand je faisais 4’20 (4’25″47 au Meeting de Carquefou le 11 juin 2021), j’étais hyper contente. Et je pense que c’est important d’apprécier le process. C’est ce qui permet aussi de durer et ne pas être trop frustrée. C’est de ne pas trop porter son regard sur les autres, et plutôt le porter sur soi et voir qu’on continue de progresser. Step by step. Honnêtement, je pense qu’il y a même vraiment mieux encore à aller chercher.

— Vous avez été co-détentrice du record de France sur 10 km (31’15 sur le Prom’Classic de Nice le 5 janvier 2025), marque depuis effacée par votre compatriote Mekdes Woldu le 3 mai à Tokyo (31’01). Abaisser de nouveau ce chrono est-il un objectif ?

Alors là, celui-là, j’avoue, on est plus sur un objectif que je vais clairement me fixer (sourires). Et je veux être la première Française à faire moins de 31 minutes. C’est ce qui est bien quand il y a de la confrontation. Le fait que Mekdes (Woldu) fasse 31’01 m’oblige à faire moins de 31 minutes si je veux reprendre le record de France. Ça pousse vers le haut. C’est vraiment l’objectif que je me fixerai l’hiver prochain : casser cette barrière des 31 minutes. Je vais mettre un vrai cycle en place. C’est la différence entre faire un objectif et le prendre comme ça après le cross. Je sais que ce sera en janvier mais je ne sais pas sur quelle course. Nice, je l’ai déjà fait deux fois (2024 et 2025), mais c’est vrai qu’il y a d’autres 10 kilomètres qui existent. Je me laisse l’opportunité.

— Vous verra-t-on un jour sur 10 000 m ?

Ça me trotte, parce que j’aimerais bien justement tenter aussi le record de France (détenu par Mekdes Woldu en 31’23″45). C’est quelque chose que j’ai envie de tenter, même si la distance ne m’attire pas forcément. Ce serait vraiment juste pour essayer d’aller chercher le record de France. Ce serait plus un one-shot pour faire un gros chrono que plutôt finir sur cette distance. Enfin, je ne me vois pas faire de championnat sur 10 000 m.  

« J’ai envie de me tester sur le 3000 m steeple. Et pourquoi pas dès l’année prochaine parce que c’est l’année des Europe »

— Vous êtes depuis cette année revenue aux sources en étant de nouveau pensionnaire de l’US Melun Athlétisme. Pourquoi ce choix ?

J’ai essayé de revenir à Melun. Parce qu’on ne va pas se cacher, il y a le financier. Je suis partie voir le maire. Et ils (les services de la mairie) ont été hyper réceptifs. Ils ont lancé un programme de sponsoring pour plusieurs sportifs, dont un nageur (Maël Dijoux) et un escrimeur (Wallerand Roger). Ils nous accompagnent sur une durée de 4 ans jusqu’aux Jeux olympiques de Los Angeles.

 

— Comment va se construire votre prochaine olympiade ?

En toute honnêteté, j’ai envie de me tester sur le 3000 m steeple. Et pourquoi pas dès l’année prochaine parce que c’est l’année des Europe (à Birmingham, du 10 au 16 août 2026). Je suis bonne sur 5000 m et sur 1500 m et je ne suis pas la moins coordonnée des filles. Sur 5000 m, au niveau européen, je m’imagine bien faire des médailles, mais j’ai du mal à m’imaginer faire des médailles mondiales sur 5000 m. C’est un constat qu’avait pu faire notamment Jimmy (Gressier) également. Au niveau olympique, pourquoi pas descendre sur steeple.

Propos recueillis par Renaud Chevalier
Crédits photos : STADION

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