Contraint à l’abandon lors du 50 km marche vendredi à Sapporo, Yohann Diniz ne remportera pas de médaille olympique. Il rêvait de partir au sommet, mais tout s’est arrêté aux alentours du trentième kilomètre. Le marcheur français sort par la petite porte, mais il a marqué de son empreinte l’athlétisme français.
On ne reverra plus Yohann Diniz au départ d’un 50 kilomètres marche. C’était sa grande dernière, et celle-ci s’est conclue par un abandon vers le trentième kilomètre. Le Français est revenu sur quelques faits de course et a expliqué s’être senti en difficulté physiquement pour ses derniers JO. « Je subissais. J’avais mal au dos, au bassin, aux adducteurs. C’était la compétition de trop, admet-il volontiers. C’est la fin d’un chapitre long de quinze années faite de hauts et de bas. J‘avais mal au dos, j’avais mal au bassin, j’avais mal aux adducteurs, à mes tendons d’Achille. De toute façon, il faut avoir mal pendant 50 bornes, donc il n’y a aucune excuse. »
On se souviendra du déluge de Göteborg, de ce jour où le Rémois est entré dans la lumière, embarquant avec lui toute une discipline. Un tourbillon, et une joie magnifique une fois la ligne d’arrivée franchie. Le marcheur français s’était dit que s’il ne terminait pas la course, il arrêtait tout. Fini l’athlé, et ces galères du quotidien. Au final, le voilà champion d’Europe. L’histoire est lancée. Et qu’elle est belle, lorsqu’elle tutoie les sommets. Car Yohann Diniz n’est pas du genre à se contenter d’une seule médaille. Celui qui a été embauché par la Poste suite à l’aventure suédoise glane un nouveau titre à Barcelone (2010).
Le graal à Londres, après la souffrance de Rio
On parlera encore longtemps de Zürich (2014). L’histoire de Diniz avec la marche est tumultueuse. Disqualifications, abandons… Dans une discipline comme le 50 kilomètres marche, difficile de rester au sommet toutes ces années. Et puis il y a les jours de grâce. C’est le cas en Suisse, où le marcheur tricolore remporte sa troisième couronne européenne, en battant de surcroît le record du monde, en 3h32’33. L’athlète un peu fou-fou des débuts s’est posé. Les années et les médailles l’ont fait gagner en sérénité. Et ce, malgré les coups durs.
Car il y en a eu, des désillusions, des espoirs brisés. Surtout aux Jeux. Diniz n’a jamais vu l’arrivée à Pékin. À Londres, il franchit la ligne en huitième position après avoir essuyé une grosse défaillance et une chute, mais se fait disqualifier. Et puis il y a eu l’enfer de Rio, et ces images qui ont fait le tour du monde. Épuisé, victime de malaise et de soucis gastriques, le Rémois va pourtant jusqu’au bout. De lui-même, sans trop de lucidité, et de la course, qu’il conclut en huitième position. Forcément, une question se pose : jusqu’où les athlètes sont-ils prêts à aller dans la souffrance pour aller jusqu’au bout ?
On n’oubliera pas Londres. Après la douleur de Rio, le Graal anglais. À 39 ans, Yohann Diniz devient champion du monde. Une revanche magnifique, pour celui qui a longtemps couru après ce titre. Il a fait la course en tête, seul contre lui-même. Son dauphin est relégué à plus de huit minutes. Les mois suivants seront plus compliqués. Une fracture de fatigue au bassin l’empêcher de défendre son titre européen à Berlin. À Doha, le recordman du monde abandonne au bout du 15e kilomètre. Mais le Rémois a déjà Tokyo en tête. Il ne pense plus qu’à cette dernière couronne qui lui manque.
« Je n’aurais peut-être pas dû être là »
Alors pendant deux ans, Diniz prépare ses adieux. Quoi de plus symbolique que le meilleur marcheur tricolore de l’histoire, s’arrête à l’issue du dernier 50 kilomètres des Jeux ? L’athlète de 43 ans enchaîne les stages en thermoroom, affûte sa condition physique. Malédiction ? Était-il écrit quelque part, qu’il n’obtiendrait jamais de médaille olympique ? L’aventure s’arrête aux alentours du trentième kilomètre. Après avoir fait l’élastique avec le peloton, multiplié les arrêts, Yohann Diniz dit stop. Pour de bon. Sa carrière n’aura pas la fin qu’elle méritait, mais l’important est ailleurs.
« Je m’étais tellement fait mal à Rio et à Londres, j’avais tellement tout donné… je ne sais pas, je n’aurais peut-être pas dû être là. C’était peut-être la compétition de trop, déclare-t-il à chaud. Mon corps ne voulait peut-être plus, j’ai peut-être poussé une ou deux années de trop. Je le paie cash aujourd’hui ». Yohann Diniz quitte peut-être le monde de l’athlétisme par la petite porte, mais il peut partir la tête haute. Trois titres européens (2006 à Göteborg, 2010 à Barcelone et 2014 à Zurich), un mondial (2017 à Londres), une médaille d’argent au Mondiaux de Osaka en 2017, et deux records du monde en sa possession (50 km sur route en 3h32’33 et 50 000 m sur piste en 3h35’27).
Un palmarès exceptionnel, et un état d’esprit de guerrier, qui ne peuvent que forcer l’admiration. Le voilà qui vogue désormais vers d’autres projets. Il souhaite rendre ce qu’on lui a donné, en accompagnant des jeunes jusqu’à Paris 2024. Cette dernière marche n’est peut-être pas un adieu au monde de l’athlétisme.
Texte : Mathilde L’Azou
Crédit photo : Matthieu Tourault / STADION