S’il ne fera pas partie du déplacement en Oregon pour les Mondiaux qui s’ouvrent le 15 juillet, Aurel Manga a frappé fort sur le 110 m haies du Meeting de Sotteville-lès-Rouen ce lundi 4 juillet avec 13″29 (+1,2 m/s) en devançant Pascal Martinot-Lagarde (13″45) et Dimitri Bascou (13″46). Plus tôt dans la soirée, Jimmy Vicaut a dominé le 100 m en 10″15. Retour sur les principaux temps forts.
Les haies françaises, l’une des principales pourvoyeuses de médailles pour l’équipe de France, se portent bien, merci pour elles. Avec le niveau très relevé du 110 m haies dans l’Hexagone, claquer moins de 13″30 ne suffit pas pour prétendre à une sélection pour un grand championnat. C’est ce qui arrive à Aurel Manga, auteur de 13″29 (+1,2 m/s) au Meeting de Sotteville-lès-Rouen, qui a réussi son meilleur chrono de l’été, à cinq centièmes de son record personnel (13″24 en 2021). Finaliste des JO de Tokyo, le hurdleur de 29 ans n’a pas été retenu ni pour les Mondiaux de Eugene (15 au 24 juillet), ni pour l’Euro de Munich (15 au 21 août). Le médaillé de bronze aux Mondiaux en salle de Birmingham en 2018 vit une saison sportive particulière puisqu’il est récemment devenu papa d’une petite fille. Son été est donc quelque peu chamboulé, et le sociétaire de l’US Créteil souhaitait avant tout retrouver la forme. Vice-champion de France à Caen en 13″41, Aurel Manga a marqué les esprits à Sotteville en claquant un très bon temps. Très bien parti, comme souvent, il a ensuite géré puis accéléré encore pour s’offrir un chrono (et la victoire) important tant la concurrence dans la discipline est rude cette année. Que du positif pour le protégé de Giscard Samba : « Ça fait plaisir car la forme monte progressivement. La concurrence est forte en France et je la prends plutôt positivement. Je vais retourner à l’entraînement pour préparer la suite de la saison. »
Il était venu en terre normande pour se rassurer, c’est chose faite, et cette fois-ci sans accroc. Pascal Martinot-Lagarde a fait descendre le chrono lors du quatrième et dernier rendez-vous du Pro Athlé Tour. Gêné lors du Meeting Stanislas de Nancy le 2 juillet dernier, malade pour les Elite de Caen et blessé en début de saison, le champion d’Europe 2018 voulait à tout prix (r)assurer avant de s’envoler pour l’Oregon. Dans une course rapide, PML s’offre la deuxième place en 13”45, meilleur chrono de la saison, objectif rempli. Place maintenant à la préparation finale. Manga en tête, Martinot-Lagarde second… et Dimitri Bascou troisième ! Le médaillé de bronze aux JO de Rio en 2016 signe un intéressant 13″46 et abaisse sa meilleure performance de la saison de 25 centièmes. Quand on vous dit que les haies françaises se portent bien !
10″15 pour Jimmy Vicaut
Un autre cadre de l’équipe de France voulait se racheter ce soir, il s’agit de Jimmy Vicaut. En difficulté à Nancy avec une ligne droite bouclée en 10″31 (+ 1,0 m/s), très loin de ses standards, le recordman de France a montré un tout autre visage à Sotteville. Grâce à une bonne mise en action l’ex co-recordman d’Europe gère ensuite parfaitement pour réaliser un solide 10″15 (+1,9 m/s), se rapprochant ainsi de son temps de référence de la saison (10″10). Il devance le Jamaïcain Oshane Bailey (10″22) et le Gambien Ebrahima Camara (10″29). Un regain de forme qui arrive à point nommé pour celui qui est installé depuis janvier à Padoue (Italie). En effet, le protégé de Marco Airale part à Eugene avec le collectif relais composé notamment d’un Mouhamadou Fall en pleine possession de ses moyens (10″15), et de Mickaël-Meba Zézé qui vient de s’offrir un chrono stratosphérique (9″99) à La Chaux-de-Fonds, en Suisse, et qui est devenu le quatrième français à briser la barrière mythique des 10 secondes après Ronald Pognon, Christophe Lemaître et Jimmy Vicaut… Ça promet ! Profitant de sa bonne forme du soir, le sociétaire du Lille Métropole Athlétisme a également participé au 200 m organisé en fin de meeting, son premier de la saison. Un demi-tour de piste réalisé en un anecdotique 21”02, et qui a été remporté par le Polonais Patryk Wykrota en 20″67 (+1,7 m/s), qui améliore son record personnel.
Sur le 100 m femmes, il n’y a pas eu de surprise. Comme à Nancy deux jours plus tôt, la Sud-Africaine Carina Horn empoche la victoire en 11″18 (+1,6 m/s). Côté tricolore, Floriane Gnafoua a été créditée de 11″68, tandis que la locale Anne Maquet réalise 11″76. Même constat sur le 200 m où celle qui détenait l’étiquette de favorite s’est illustrée. La double finaliste mondiale, la Bahaméenne Tyria Gaither a offert au public un superbe virage pour ensuite franchir la ligne avec un solide 22″58 qui ne sera finalement pas homologué en raison d’un vent très légèrement favorable (2,1 m/s). Deux Françaises complètent le podium : Brigitte Ntiamoah (23″32) et Pamera Losange (23″46).
Il faudra compter sur Agnès Raharolahy
Tout va bien pour Agnès Raharolahy. L’ancienne spécialiste du 400 m et du 400 m haies, reconvertie depuis cette année sur 800 m, a de nouveau proposé une copie très intéressante. Après être passée pour la première fois sous les deux minutes à Caen lors des championnats de France Elite (1’59″59), la sociétaire du Nantes Métropole Athlétisme a ensuite parfaitement géré son nouveau statut de favorite lors du Meeting de Nancy, deux jours avant Sotteville, en remportant sa course en 2’01″58 en menant du début à la fin. Cette fois, changement de stratégie. Toujours en quête d’expérience, l’athlète d’Emmannuel Huruguen a décidé de faire une course « en mode championnat » comme elle l’expliquera en zone mixte. Résultat, la demi-fondeuse de 29 ans commence dans le peloton, mais placée. La course est d’abord menée par Eugénie Morel. La sociétaire du SCO Sainte-Marguerite Marseille mène au 400 m avec un temps de passage plutôt rapide en 58″75 mais ressent la fatigue de l’enchaînement des compétitions et craque. Elle est passée à 250 de la ligne par… Agnes Raharolahy qui, comme pour un championnat, a décidé de placer une attaque franche presque victorieuse. Le virage se passe bien, mais la ligne droite est plus difficile ! La double championne d’Europe du 4×400 (2014 à Zurich et 2015 à Prague) coince et se fait doubler dans les derniers mètres par la Kényane Vivian Chebet, auteure d’une belle gestion de course, et qui vient remporter ce tactique 800 m en 2’02″15. Juste derrière, Agnès Raharolahy termine son double tour de piste en 2’02”27, fatiguée mais satisfaite : « Je suis fatiguée, j’engrange de l’expérience encore un peu plus et le chrono est anecdotique, j’avais décidé de courir comme si j’étais sur un championnat alors que d’habitude, je pars vite et je prends des risques. Je ne suis pas déçue, je suis venue pour travailler, je suis contente du résultat. J’ai décidé de partir sur une discipline individuelle pour me prouver à moi même que je suis capable de faire quelque chose de bien seule ». Une saison très intéressante où l’on peut voir le travail réalisé par une athlète et son coach sur une nouvelle discipline. L’expérience est prise, tout comme le rendez-vous pour les Championnats d’Europe de Munich.
Alors qu’elle avait pris l’initiative en début de course de prendre les devants, Eugénie Morel s’est classée neuvième en 2’07″51. Le Meeting Stanislas de Nancy était encore dans les jambes, mais la vice-championne de France espoirs 2021 préfère retenir le positif : « J’ai voulu tenter aujourd’hui, malgré la fin de course difficile je suis satisfaite de la manière ! Il est temps de prendre du repos et de repartir de plus belle pour aller chercher un beau PB ! Merci à l’organisation du meeting ». En bonne forme après avoir porté son record personnel (2’02″50), toujours à Nancy, Léna Kandissounon a cette fois vécu une course plus mitigée : « C’était une course compliquée ce soir avec beaucoup de vent et beaucoup de densité donc beaucoup de bagarre… Très beau meeting cependant”. » Au final, une sixième place en 2’04″61 pour la représentante du Haute Bretagne Athlétisme.
Un champion olympique en balade
Du côté masculin, le plateau était également alléchant : le champion olympique de Tokyo, le Kényan Emmanuel Korir (record en 1’42″05) effectuait ses dernières gammes avant Eugene. L’occasion est parfaite pour le jeune Yanis Meziane, 20 ans seulement et révélation tricolore de la saison sur le double piste (1’45″52 cette saison et Minima pour les Europe de Munich), de prendre une belle expérience dans une course de niveau mondial. D’ailleurs, le médaillé de bronze des derniers championnats de France a participé à Sotteville, à une course typique de rendez-vous international. Le peloton part sur un rythme plutôt lent, tout le monde s’observe. Le lièvre est à plusieurs mètres devant. Le temps de passage est modeste, sans surprise : 55″43. C’est alors que le deuxième français des engagés, Youssef Benzamia se distingue en attaquant dès les 500 m. Audacieux, l’ancien spécialiste… du saut en hauteur (record à 2,18m) tire son épingle du jeu. Finalement, le Niçois craque et se fait rattraper par le peloton dans la dernière ligne droite. À l’expérience, Korir remporte une course tactique en 1’48”17. Yanis Meziane aura tenté une attaque dans le dernier virage, sa spécialité, mais face au champion olympique, c’était trop juste pour cette fois. Le sociétaire de l’Athlé 91 a pris la sixième place en 1’49″44. Youssef Benzemia, après son attaque au culot, termine huitième juste derrière en 1’49″52.
Et Louis Gilavert surgit de nulle part…
Même constat sur le 1500 m hommes. Un beau plateau et une course en mode championnat. Le peloton reste groupé jusqu’au passage du 1000 m en 2’24. C’est alors que le Belge Tarik Moukrime accélère et passe en tête, à deux tours de l’arrivée, le peloton se distend. Il ne reste seulement que 150 mètres quand le sociétaire de l’Athlétisme Metz Métropole coince… et se fait passer par Louis Gilavert qui accélère plus tôt que le Kényan George Manangoi ! L’athlète du Pays de Fontainebleau Athlé tient tête dans la ligne droite au champion du monde cadets (2017) et juniors (2018) sur la distance et célèbre sa victoire (3’39″08) avant la ligne, regard et main tournés vers la tribune du Stade Jean Ardet.
Le vent prive Brossier et Jordier des minima
Sur le tour de piste, deux piliers de l’Équipe de France sur le 4×400 m souhaitaient se débarrasser une bonne fois pour toute des standars continentaux pour Munich. Tout d’abord, chez les femmes, Amandine Brossier avait les crocs. Déçue de son 400 m à Nancy, la demi-finaliste des JO de Tokyo voulait de la concurrence. Elle a été servie pour sa dernière course avant le départ pour Eugene avec le collectif. L’Angevine a un lièvre de luxe à ses côtés en la personne de Natalia Kaczmarek, championne olympique du 4×400 mixte et qui a réalisé 50″16 cette saison ! Visuellement impressionnante, la Polonaise l’emporte en 51”87, malgré un vent puissant dans la ligne droite opposée, devant Brossier en 52”76, a plus d’une seconde des minima fixés à 51″70. « Je suis frustrée, je me suis accrochée et je pensais faire un meilleur chrono car il y avait de très belles concurrentes. Les conditions n’étaient pas optimales, il y avait beaucoup de vent. C’était ma dernière course, il va falloir réfléchir avec le coach sur la suite à donner à ma saison. »
Pour Thomas Jordier, on pourrait quasiment reprendre les mêmes mots. Le champion de France Elite, est lui encore plus proche du Graal au départ : seulement un petit centième (45”71 contre 45”70 requis pour Munich). Le sprinteur de l’Amiens UC coupe la ligne en 46″39 d’un tour de piste dominé par le Sud-Africain de 23 ans Zakhiti Nene (46″09). Frustration logique pour Thomas Jordier, d’autant plus que Fabrisio Saidy (45″47), Loïc Prévot (45″64) et Gilles Biron (45″64), autres membres du relais 4×400 m, se sont tous les trois acquittés des minima pour le rendez-vous continental en Allemagne. À noter que Thomas Jordier, après ce 400 m, a participé au 200 m et a été chronométré d’un 21″16.
Chris Nilsen fait le show
C’était l’une des attractions de la soirée et il a parfaitement répondu aux attentes. L’Américain Chris Nilsen, qui a passé la mythique barre des 6 mètres cette saison, a régalé le public normand avec un concours mesuré à 5,87 m. Une entrée (très) facile à 5,50 m, puis dans la même logique jusqu’à 5 87 m. Finalement il manquera par trois fois à 5,97 m, mais il a parfaitement finalisé sa préparation pour les championnats du Monde qui auront lieu chez lui… Il sera un sérieux prétendant au podium mondial dans deux semaines. De là à pouvoir taquiner le phénomène Armand Duplantis ? Ne sait-on jamais. Dans le concours de la longueur féminine, la médaillée de bronze à Tokyo, la Nigérienne Ese Brume a triomphé avec une marque à 6,66 m (+2,2 m/s). Dans bac à sable toujours, mais cette fois du côté du triple saut masculin, c’est le très expérimenté Azerbaïdjanais Alexis Copello (36 ans) qui enlève le concours avec 16,81 m (+0,5 m/s). Le vice-champion d’Europe 2018 devance le médaillé de bronze de Tokyo Yaoqing Fang (16,66 m, +1,3 m/s) lequel a arrêté son concours dès le deuxième essai en raison d’une talonnade.
Ce Meeting de Sotteville-Lès-Rouen, malgré un vent parfois capricieux, a permis aux athlètes qualifiés pour Eugene de peaufiner les derniers détails, notamment sur le demi-fond où l’on a assisté à des courses tactiques, typiques des grands championnats. Place maintenant à la première de deux grandes échéances de l’été : Les Championnats du Monde à Eugene, dans l’Oregon. Rendez-vous du 15 au 24 juillet pour dix jours qui s’annoncent riches en émotion !
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Texte : Briac Vannini
Crédits photos : Maxime Le Pihif / STADION
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