Juste avant de sauter dans l’avion pour les Championnats d’Europe de cross-country à Turin ce dimanche, Yann Schrub a pris le temps de répondre aux questions de Stadion. Seul des six rescapés de l’épopée dorée de Dublin, le fondeur de l’Athlé Sport Sarreguemines Arrondissements a bien l’intention de conserver sa couronne avec ses camarades tricolores. Troisième des Europe de Munich sur 10 000 m en août dernier, le Mosellan de 26 ans a mis de longues semaines à digérer sa belle médaille. Les sollicitations médiatiques, l’envie de souffler, la reprise de son poste d’interne en médecine a pendant un temps pris le pas sur l’entraînement. En neuvième année de médecine, il bénéficie désormais d’un aménagement pour poursuivre ses études et se donner toutes les chances de réussir les JO de Paris 2024. La nouvelle coqueluche de l’athlétisme français s’est livrée avec plaisir, avant de se replonger dans ses révisions de médecine générale après notre entretien.
— Yann, vous participerez ce dimanche à vos quatrièmes Championnats d’Europe de cross-country. Qu’est-ce qui vous plaît tant dans ce rendez-vous ?
C’est une compétition extraordinaire ! J’apporte beaucoup d’importance au cross l’hiver, c’est une étape importante pour ta suite de la saison. Comme je l’ai toujours dit, les cross, ce sont les meilleures courses pour moi. Pour la simple et bonne raison qu’on se met sur la ligne de départ avec les autres adversaires et il n’y a pas de chronos à regarder. On peut courir à 2’50, à 3’00, à 3’20 au km, peu importe le chrono, c’est la place qui compte. Tu as beau avoir quelques mètres d’avance, il n’y a rien qui est joué tant que tu n’as pas passé la ligne, alors que sur la piste ou sur la route généralement quand l’écart est creusé quasiment c’est terminé. Ça donne beaucoup plus de suspense pour les gens qui regardent et donc c’est plus appréciable. Ça fait beaucoup plus guerrier. C’est une course individuelle qui se joue en équipes. Et ça change par rapport aux courses que l’on peut faire en été. Toutefois, la seule chose qui me désole est que le cross n’est pas considéré pour être éligible sur les listes de haut niveau, et donc c’est parfois délaissé par certains athlètes à juste titre.
— Individuellement et collectivement, qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter ?
Collectivement, c’est clair, on va se battre pour conserver notre titre par équipes à Turin, c’est l’objectif. Ce qui est nouveau est que l’équipe est complètement remaniée à 100% si ce n’est moi donc ça sera un réel objectif de pouvoir préserver cette couronne avec d’autres athlètes français. Individuellement, lorsqu’on fait sixième l’an dernier, forcément on veut faire mieux. Un cross, ça dépend toujours de qui il y a en face. À la première lecture de la start-list, j’ai dû mal à savoir où je peux me situer. Ça va être une course ultra relevée avec Jakob Ingebrigtsen, Mohamed Katir, Yemaneberhan Crippa ou encore Isaac Kimeli. Les meilleurs toutes disciplines confondues seront présents si ce n’est Hugo Hay et Jimmy Gressier. Pour moi, c’est encore une occasion de me confronter aux meilleurs et voir encore le chemin qu’il y a à parcourir pour atteindre ce gratin d’athlètes de haut niveau.
— Avez-vous déjà échangé avec vos camarades de l’équipe de France à propos de la course à venir ?
Oui, le but c’est de créer une cohésion d’équipe dès jeudi à Paris. Chaque coéquipier va compter. Pour viser la médaille d’or, on aura besoin des six athlètes. Tout le monde est important parce qu’on sait que tous les ans, un podium se joue à une ou deux places près.
« Si on finit champions d’Europe dimanche ça serait vraiment super »
— Le parcours s’annonce comme l’un des plus difficiles de l’histoire de la compétition avec notamment une côte de 200 mètres à gravir à plusieurs reprises. Quel est votre avis sur le circuit qui vous attend de l’autre côté des Alpes ?
J’ai regardé quelques vidéos du cross de sélection des Italiens et j’ai vu qu’il y avait un peu de dénivelé donc ça peut redistribuer les cartes. Je me ferai un avis précis lors de la reconnaissance du parcours samedi matin.
— Vous vous êtes bien préparé pour cette échéance ?
Après Munich, il y a eu beaucoup de sollicitations et j’avais un manque d’envie. Je n’arrivais pas à me mettre dans le rouge dans les séances. Avant le cross de sélection à Allonnes, sur certaines séances, les chronos n’étaient vraiment pas bons et j’étais à la rue totale. Depuis quelques semaines, l’envie revient bien. C’est ma troisième place à Allonnes qui m’a alerté, je me suis dit que je faisais vraiment n’importe quoi. Quand tu enchaînes et réussis Munich, puis les 20 km de Paris, j’ai eu du mal à me remobiliser mentalement, surtout quand tu as des résultats comme ça pour la première fois de ta carrière. Les jambes étaient bien mais mentalement c’était compliqué. Je viens de faire 28’28 tout seul sur les 10 km de la Saint-Nicolas à Nancy, c’est encourageant. Je vais sur la ligne de départ dimanche en me disant que j’ai des chances de faire quelque chose de bien.
— Quel est votre meilleur souvenir aux Championnats d’Europe de cross-country ?
C’est clairement Dublin l’hiver dernier parce que je visais un top 15 et je finis sixième, et par équipes on remporte le titre. Quand tu vois dans la course que tes deux compatriotes français sont devant et que Félix est avec toi derrière donc tu sais très bien que tu vas finir premier collectivement en franchissant la ligne. C’est une médaille d’or chez les seniors donc c’est super important. Néanmoins, j’ai été un peu déçu par les retombées à l’issue de la compétition où il n’y a pas eu d’impact pour la carrière. Si on finit champions d’Europe dimanche ça serait vraiment super mais quand tu l’as déjà vécu et que derrière il n’y a rien au bout, c’est un peu triste.
« C’est important pour moi de garder cet équilibre en pensant aussi à la médecine »
— Depuis plusieurs années, vous jongliez entre vos séances d’entraînement, vos compétitions et votre métier de soignant forcément très prenant. En zone mixte à Munich après le 10 000 m, vous nous disiez que c’était un équilibre que vous vouliez préserver. Finalement en octobre vous avez pris la décision de bénéficier d’un aménagement pour poursuivre vos études. Pouvez-vous nous expliquer ce choix ?
J’avais vraiment besoin de cet aménagement. Je peux enfin me consacrer à l’entraînement et sur les objectifs à venir. C’est-à-dire, me reposer, faire des siestes, aller chez le kiné… Je ne suis pas parti en vacances en 2022 et quand tu réalises une saison jusqu’au mois d’août avec réussite et avec toutes les sollicitations qui s’en suivent et que derrière tu dois reprendre le travail et repartir au charbon pour la saison hivernale, ton cerveau il te dit : « C’est quand que je me repose ? ».
— Comment va s’organiser cet aménagement ?
J’ai terminé ma huitième année et il me reste une année pour être médecin généraliste. J’ai donc deux années au niveau des césures et il me reste un an d’étude. Actuellement, je fais des vacations de médecine du sport à Metz. L’idée est aussi que je fasse des petits remplacements de médecine générale pour garder la main. C’est important pour moi de garder cet équilibre en pensant aussi à la médecine. L’autre objectif de cette césure est de terminer ma thèse sur l’anémie ferriprive (carence en fer chez les coureurs de tous niveaux) l’année prochaine. L’athlétisme passe désormais au premier plan. C’est-à-dire que si en janvier je souhaite partir en stage, je peux y aller.
— Vous aspirez à devenir médecin du sport ?
Je fais des vacations de médecine du sport et c’est vraiment ce que j’aime. Il y a cette patientèle sélectionnée qui me plaît.
« Tous les jours, on me parle de cette course »
— Comment voyez-vous la suite de votre saison hivernale ?
Rien n’est encore arrêté. Lundi ou mardi prochain, après les Europe, je prendrais une décision sur la suite de ma saison. Tout d’abord, si je suis en forme, pourquoi pas participer à un ou deux 10 km dans les prochaines semaines. Ensuite, je vais assister des médecins au Grand-Bornand, dans les Alpes, la semaine qui suit Turin pendant quatre jours donc ça sera une expérience qui sera formidable mais je ne pourrais pas trop m’entraîner.
— Comment vivez-vous l’engouement que vous suscitez depuis votre médaille de bronze à Munich ? Vous vous attendiez à toutes ces sollicitations ?
La première fois où j’ai été sollicité médiatiquement, c’était lors de mon titre de champion de France de cross à Montauban en 2021, mais ça a duré une petite semaine. À Munich, le contexte de la course était tel que ça a duré bien plus longtemps pour les sollicitations. Parce que c‘était en direct à la télévision avec une forte audience, parce que c’était une dernière ligne droite, parce qu’on ne m’attendait pas forcément, parce ce qu’il faisait beau et qu’il y avait du monde dans le stade. Tous les jours, on me parle de cette course. L’entraînement passait au troisième voire au quatrième plan. Je suis vraiment surpris de la longévité de cet engouement. Ça commence tout juste à se calmer et c’est tant mieux parce que j’avais encore le boulot à l’époque et que c’était fatigant pour tout gérer.
À moins qu’il ne frappe encore un coup dimanche à Turin, et c’est tout ce qu’on souhaite lui souhaite !
Crédits photos : STADION
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STADION À TURIN !
Votre média Stadion a le plaisir d’annoncer sa présence aux Championnats d’Europe de cross-country à Turin. Notre rédaction a conçu un espace rien que pour vous, qui vous permettra de suivre au plus près le rendez-vous continental (sélection tricolore, retransmission streaming en direct, programme complet, résultats et nos plus beaux clichés des Bleus). Bonne compétition en notre compagnie !
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