Athlétisme : On fait le bilan des Bleus aux Championnats du monde de Tokyo, et la France peut remercier Jimmy Gressier

22 septembre 2025 à 13:40

C’est avec deux médailles dans sa besace que l’équipe de France a quitté ce dimanche les Championnats du Monde de Tokyo (Japon). Deux médailles conquises par Jimmy Gressier, l’une en or sur 10 000 m et, l’autre en bronze sur 5000 m. Avec également 16 finalistes, le bilan comptable est plus flatteur que lors des dernières éditions.

Ce dimanche, la 20e édition des Championnats du Monde d’athlétisme a refermé ses portes à Tokyo sur un bilan légèrement en deçà de ses attentes pour la France. Les Bleus avaient pour tâche de confirmer l’ascension de certains et de donner leur chance à de nouveaux talents. Avec deux médailles, les Tricolores n’ont pas été en mesure de grimper un peu plus sur le podium. Cela s’explique par la concurrence mondiale bien trop élevée (plus de 200 pays représentés). On est loin du côté clinquant de la moisson de Londres en 2017 avec cinq médailles dont trois titres.

Jimmy Gressier dans l’histoire de l’athlétisme français

La planète était prête à recevoir son génie. Parmi les athlètes suivis par Stadion, Jimmy Gressier est sans doute celui qui suscite le plus d’articles depuis plus de huit ans et bénéficie d’un suivi tout particulier de la rédaction. L’élève d’Arnaud Dinielle et d’Adrien Taouji n’est pas du genre à parler pour ne rien dire. Chaque fois qu’il a annoncé à la presse un objectif de podium ou de chronos, aussi ambitieux soit-il, il a toujours su joindre les actes à la parole. L’étoffe des plus grands champions. Lors de cette semaine tokyoïte, le Boulonnais de 28 ans n’a quasiment laissé que des miettes à ses adversaires, en se parant d’or sur 10 000 m puis de bronze sur 5000 m. La façon dont il a épinglé ce premier titre de champion du monde convoque les plus beaux succès de l’histoire française du premier sport olympique.

Jimmy Gressier devient le premier Français depuis Christophe Lemaitre (200 m et 4×100 m à Daegu en 2011) à remporter deux récompenses sur une même édition du rendez-vous planétaire d’athlétisme. Et aucun Tricolore n’avait été médaillé deux fois en individuel dans un même championnat depuis Christine Arron (100 m et 200 m à Helsinki en 2005).

« C’est fou, je rejoins le cercle fermé des champions du monde français, comme Zizou ! Je réalise sans trop réaliser. Je pleure plus en regardant The Voice et les gamins chanter à la télé que quand je suis champion du monde, parce que je suis dans l’action. Mais être champion du monde, ce n’est pas tous les jours. La médaille est autour de mon cou, on ne me l’enlèvera plus. J’ai beaucoup de monde à remercier pour m’avoir soutenu tout au long de ces années. C’est une récompense pour le personnage que j’essaie d’être au quotidien. »

16 finalistes

Au-delà des médailles, l’indicateur d’une nation forte se trouve au niveau du nombre de qualifiés dans les finales. De ce point de vue, la moisson des athlètes est intéressante. Avec 16 finalistes (6 à Doha en 2019, 8 à Eugene en 2022, 7 à Budapest en 2023), les Tricolores n’ont pas eu de mal à se faire une place face aux meilleurs mondiaux. Il s’agit du meilleur bilan depuis les Mondiaux 2005 à Helsinki, où la France comptait 18 athlètes parmi les finalistes du « placing table ». Parmi les 16 finalistes, deux d’entre eux ont terminé au pied du podium : Hilary Kpatcha au saut en longueur et Aurélien Quinion sur 20 km marche (et cinquième sur 35 km marche). Certains ont tout de même déçu : Azeddine Habz, leader mondial sur 1500 m, prématurément éliminé en séries, ou encore Sasha Zhoya, l’avenir des haies françaises, qui s’est arrêté en demi-finales du 110 m haies alors qu’il avait les moyens de s’approcher de la médaille au vu de ses derniers chronos (blessé aux ischio-jambiers, ndlr). 

C’est là que réside la vraie satisfaction de l’athlétisme français. Pourvue de nombreux talents en demi-fond et fond, autant chez les hommes que chez les femmes, la France doit continuer à les faire progresser et à les faire passer le cap du très haut niveau, mais cela demande encore un peu de temps. Après tout, sur la route de Los Angeles 2028, Tokyo 2025 n’est qu’une étape. On est aussi convaincus que le marathon hommes aurait pu apporter une médaille supplémentaire s’il y avait eu des représentants français. Mais avec des « si », il est compliqué de performer…

Un constat plus inquiétant ressort de ce bilan : aucun lanceur français n’aura goûté au frisson d’une finale mondiale. Le secteur des lancers, historiquement pourvoyeur de belles performances, n’a pas réussi à se hisser au niveau attendu. Mélina Robert-Michon, référence du disque depuis plus de vingt ans, n’a pas retrouvé sa meilleure forme au bon moment, tandis que Yann Chaussinand, au marteau, a manqué de réussite pour franchir le cap des qualifications.

 

Frank Bignet (Directeur Technique National) : « Notre bilan est encourageant »

— Quel regard portez-vous sur ces Championnats du Monde de Tokyo ?

Je dirais simplement que Jimmy Gressier a ouvert le champ des possibles. Il a montré qu’avec sa capacité d’analyser le contexte d’un championnat du monde, et une préparation sportive précise dans les mois, semaines et jours qui précèdent, c’est possible. Il a cru en lui. Cette conviction est venue en cheminant, tout au long de la saison à travers ses résultats. Sur ces deux courses, il a osé au moment opportun. Il a embarqué avec lui quatorze autres finalistes, c’est encourageant. Deux médailles et seize finales, c’est une bonne base. Mais je suis forcément insatisfait, parce que je pense qu’on peut et doit mieux faire encore.

 

— Quelles pistes d’amélioration entrevoyez-vous ?

D’abord en étant plus précis dans l’accompagnement des athlètes et dans la prise en compte de leur singularité. Certains ont manqué de projection. Ils auront une nouvelle opportunité dans deux ans à Pékin. Ce sera notre prochain grand rendez-vous, même s’il y aura des championnats d’Europe, en individuel et par équipes, et des relais mondiaux, et le prochain révélateur de notre état de santé sportif. On y retrouvera des conditions environnementales quasi-identiques et un calendrier similaire, puisque ce sera mi-septembre. Il y a tout un tas de petits détails sur lesquels travailler, à travers des diagnostics les plus fins possibles. Le travail de la Fédération est aussi d’apporter des solutions à nos athlètes.

 

— Certains athlètes n’étaient pas à 100% de leur potentiel physique à Tokyo…

La prévention des blessures fait vraiment partie des chantiers que nous devons engager, même si ça ne concerne pas que la France. On l’a vu, on ne peut pas arriver aux Mondiaux en étant à 95%, sans être sûr de soi et de ses capacités. Certains ont compris qu’il était préférable de ne pas venir, parce que quand vous avez l’habitude de jouer des médailles, vous n’apprenez pas grand-chose en vous accrochant à tout prix pour accéder à une finale. Il va falloir être capable de prendre en compte notre capacité à renoncer.

 

— Le demi-fond est-il la locomotive qui peut porter tout l’athlétisme tricolore ?

Le demi-fond est peut-être la spécialité qui a le mieux appréhendé le contexte d’un grand championnat. Ils ont su optimiser tous les aspects de la performance. Il y a une vraie dynamique, au-delà de Jimmy Gressier, et je souhaite que cela inspire tout le monde.

Romain Barras (Directeur de la haute performance) : « Il faut suivre la voie entamée et mise en place »

— Quel est votre sentiment à l’issue de cette édition des Mondiaux post-olympiques ?

J’avais à cœur de terminer proprement le travail entamé. Il faut se rappeler d’où on vient : à Eugene, en 2022, nous avions une médaille et huit finalistes, soit moitié moins qu’aujourd’hui. Des chantiers ont été menés. Ce qui paie dans le sport de haut niveau, c’est la régularité et la continuité. Il faut suivre la voie entamée et mise en place. Le demi-fond en est l’exemple : on arrive à rassembler les athlètes en dehors des temps de compétition, et c’est ainsi que l’on progresse. La haute performance, c’est se tirer vers le haut ensemble, pas s’entraîner seul dans son coin. A titre personnel, il y a eu des moments difficiles, d’autres plus beaux. C’est le lot d’un directeur de la haute performance en athlétisme.

 

— Vous dîtes depuis longtemps que l’équipe de France sera sans doute plus prête en 2028 qu’en 2024. Les résultats de 2025, sans quelques-uns des meilleurs éléments des Jeux de Paris, vous confortent-ils dans cette idée ?

Los Angeles 2028 est en marche. On n’avait pas tablé que presque tous nos meilleurs de Paris soient blessés cette année, comme Cyréna Samba-Mayela, Clément Ducos, Alice Finot, et nos résultats 2025 sont encourageants. Il faut aussi compter avec les jeunes qui ont montré aux championnats d’Europe U23 à Bergen qui vont alimenter la dynamique des prochaines années. Trois ans, c’est très long. Certains athlètes vont régresser, d’autres progresser fortement, et d’autres encore exploser en année olympique. C’est le lot de l’athlétisme. A nous de les accompagner au mieux et de les orienter vers la haute performance.

 

— Comment interpréter certaines performances d’athlètes qui figuraient parmi les meilleurs de leurs disciplines mais n’ont pas été à la hauteur des espérances ?

Un championnat, qui plus est au niveau mondial, est le reflet d’une saison. On ne peut pas arriver à 95% de sa forme et se dire qu’on compensera avec un autre élément, comme en sport collectif. Si on n’est pas à 120% sur la piste, on n’a pas de médaille. Quand on a une saison chaotique, en dents de scie, il est difficile d’être bon en championnat. En revanche, si on a une continuité sur dix ou douze mois d’entraînement, on peut construire une bonne base de réussite. Jimmy (Gressier) en est la meilleure preuve.

Crédit photo : Solène Decosta & Gaëlle Mobuchon / STADION

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