Athlétisme : On fait le bilan des Championnats d’Europe de Rome 2024

14 juin 2024 à 19:28

En remportant 16 médailles, la troisième meilleure campagne continentale de son histoire, la France a réussi de grands Championnats d’Europe à Rome, dernier rendez-vous majeur sur la route des Jeux olympiques de Paris.

L’équipe de France d’athlétisme a le sourire. De l’or, de l’argent, du bronze… récoltés après six magnifiques journées de compétition à Rome, d’où la délégation tricolore repart auréolée de 16 médailles, le troisième meilleur résultat dans l’histoire de l’athlétisme français sur la scène européenne après les éditions records de Zurich (25 médailles dont 9 titres en 2014) et Barcelone (18 médailles dont 8 titres en 2010). Indicateurs révélateurs et parlants, la France pointe à la deuxième place du classement des médailles ainsi que de la placing table qui comptabilise les finalistes, dans une hiérarchie survolée par l’Italie qui a tout raflé sur son passage à domicile (24 médailles dont 11 en or). Le tout en composant avec des absences de taille (Renaud Lavillenie, Jimmy Vicaut, Margot Chevrier, Sasha Zhoya, Wilhem Belocian, Pascal Martinot-Lagarde, Aurel Manga, Benjamin Robert, Hugo Hay, Rénelle Lamote, Morhad Amdouni). Un petit coin de ciel bleu bienvenu à 47 jours du début de la première journée d’athlétisme aux JO de Paris.

 

Une dynamique collective

Kevin Mayer aurait-il trouvé la force d’aller au bout de son décathlon (8476 points) et de réaliser les minima olympiques si l’ambiance n’avait été aussi bonne au sein du groupe France ? Yann Schrub serait-il allé chercher l’argent sur 10 000 m si la dynamique du début de semaine n’avait pas été aussi souriante ? Les relayeuses du 4×100 m (Orlann Oliere, Gémima Joseph, Hélène Parisot, Sarah Richard-Mingas, Maroussia Paré, Marie-Ange Rimlinger) seraient-t-elles montées sur la deuxième marche du podium si le collectif n’était pas aussi soudé ? Les réponses à ces questions tombent d’elles-mêmes, comme les médailles.

Si la bonne entente générale ne suffit pas à faire le succès sur la piste en grand championnat, elle reste un atout indéniable pour performer. Les échos qui nous reviennent en boucle accréditent bien la thèse d’une réelle dynamique dans le groupe France. « Incroyable ce que font les Français en ce moment, je me régale, avait expliqué le recordman du monde du décathlon après ses trois premières épreuves du décathlon. Ça fait plaisir de voir cette équipe de France qui a été si critiquée. Voilà longtemps que je disais qu’en 2024 elle allait être performante. »

Yann Schrub a confié avoir été galvanisé sur ses 25 tours par les excellents résultats des Tricolores de la semaine. « Tous les soirs, je regardais les Bleus à la télé qui décrochaient médaille sur médaille. Ça n’arrêtait pas dans cette équipe de France ! Je me remémorais cette médaille d’il y a deux ans sur 10 000 m à Munich et cette médaille aux Championnats d’Europe de cross-country cet hiver. Je me suis dit : j’espère que je serai à leur place dimanche et que je revivrais un podium et d’avoir une médaille autour du cou. »

« Il y a beaucoup d’amour et de complicité entre nous et c’est la force de ce collectif », s’enthousiasme Hélène Parisot après la finale du relais 4×100 m.

 

Quand l’esprit d’équipe prévaut

Romain Barras, directeur de la haute performance à la FFA, ne jure que par ces mots : excellence et esprit d’équipe. Se battre pour le maillot, venir à un championnat pour donner le meilleur de soi, tout en gardant l’humilité… « Quand on porte le maillot de l’équipe de France, on doit être la meilleure version de soi-même. C’est important de réaliser aux Europe une performance. C’est l’occasion de faire le plein de confiance, de s’imposer sur le plan international et de gonfler la poitrine », avait expliqué l’ancien champion d’Europe du décathlon (2010 à Barcelone) à la veille des Championnats d’Europe de Rome. Au terme de six jours de compétitions, le discours a été parfaitement entendu par les Bleus qui ont réussi des performances bien au-delà des espérances.

 

Les dames ont performé

Il y a plus de médailles côté femmes que côté hommes dans la délégation tricolore. Neuf récompenses sur les seize ont été empochées par les Françaises. C’est juste une de moins qu’à Zurich en 2014, le record. S’il faut choisir la femme qui a marqué cette compétition continentale, un nom vient immédiatement : Cyréna Samba-Mayela (23 ans) qui a remporté la finale du 100 m haies de façon très autoritaire en 12″31, abaissant son record de France qui datait… des demies (12″43). La hurdleuse du Lille Métropole Athlétisme devient ainsi la dixième femme la plus rapide de l’histoire sur la distance et s’inscrit comme une prétendante sérieuse à une médaille au Stade de France en août prochain.

 

 

Parmi les très grosses satisfactions, on appréciera évidemment la prestation d’Alice Finot (9’16″22) qui a cueilli l’or sur 3000 m steeple et qui va désormais pouvoir se tourner vers les JO de Paris avec le sentiment du devoir accompli et gonflée à bloc.

 

 

Les novices ont fait des étincelles

Trois athlètes se sont révélées et ont explosé aux yeux de tous : Auriana Lazraq-Khlass, Hélène Parisot et Anaïs Bourgoin. Déjà sélectionnée aux Mondiaux de Budapest l’été dernier, Auriana Lazraq-Khlass (25 ans) a idéalement montré la voie à suivre à ses camarades en débloquant le compteur pour les Bleus dès la deuxième journée avec une splendide médaille d’argent sur l’heptathlon avec 6635 points. La représentante de l’Athlétisme Metz Métropole a battu ou égalé six records personnels sur sept, faisant voler en éclats sa marque de 426 unités. Auriana Lazraq-Khlass est devenue la troisième meilleure performeuse hexagonale de tous les temps derrière Eunice Barber (6889 points en 2005 à Arles) et Chantal Beaugeant (6702 points en 1988 à Götzis). Sa détermination et sa joie de vivre ont été très particulièrement appréciées par les Bleus et par les suiveurs du premier sport olympique. Les spectateurs du stade olympique de Rome ont peut-être assisté à l’éclosion d’une future très grande de l’athlétisme. 

 

 

Au-delà des têtes d’affiches expérimentées, de nombreux athlètes tricolores ont participé à leur première sélection en individuel dans une compétition internationale. Et pour plusieurs d’entre eux, la première fois a été la bonne. À 31 ans, Hélène Parisot a pris la troisième place de la finale du 200 m en 22″63. Son troisième record personnel en trois courses à Rome, après ses 22″86 en séries et ses 23″73 en demies. La sprinteuse de l’Athletic Clubs 92 est la seule athlète de l’équipe de France qui est repartie avec deux médailles dans ses valises (bronze sur 200 m et argent sur 4×100 m).

 

 

Pas non plus attendue à ce niveau (minima olympiques en demies en 1’58″65), Anaïs Bourgoin s’est emparée de la médaille de bronze en finale du 800 m en 1’59″30. La fondeuse de 27 ans, policière dans la vie, a décidé il y a un an de prendre un congé sans solde, pour se consacrer pendant une saison à sa carrière sportive. 

 

 

Une jeunesse triomphante

Les messieurs sont loin d’être en reste avec Gabriel Tual qui a brillé de mille feux sur 800 m en 1’44″87. Le pensionnaire de l’US Talence avait laissé éclater au grand jour un potentiel déjà entraperçu depuis plusieurs années aux Jeux olympiques de Tokyo en 2021, où il avait terminé septième pour sa première grande compétition chez les grands, avant ensuite de se classer sixième des Mondiaux d’Eugene en 2022. Le duo du 3000 m steeple Alexis MielletDjilali Bedrani or et argent, a triomphé, quatorze ans après le doublé de Mahiedine Mekhissi et Bouabdellah Tahri à Barcelone. Yann Schrub a décroché une nouvelle médaille européenne en terminant deuxième du 10 000 m, deux ans après sa troisième place à Munich.

 

 

Outre les cadors tricolores, plusieurs espoirs ont confirmé. Malgré une moyenne d’âge un peu plus élevée que d’habitude (26,3 ans), jamais l’équipe de France n’avait injecté autant de jeunes prometteurs dans ses rangs. Un choix payant en termes de récompenses avec Louise Maraval (22 ans, argent sur 400 m haies en 54″23), Ilionis Guillaume (26 ans, bronze au triple saut avec 14,43 m), Makenson Gletty (25 ans, bronze au décathlon avec 8606 points) et Thomas Gogois (23 ans, bronze au triple saut avec 17,38 m) qui ont profité de leur première cape à ce niveau pour monter sur la boîte. Déjà présentes aux Mondiaux 2023 de Budapest, Agathe Guillemot (24 ans, bronze sur 1500 m en 4’05″96) et Rose Loga (21 ans, bronze au marteau avec 72,68 m) ont également été les très belles satisfactions de ce rendez-vous européen.

 

 

Une flopée de Bleus dans le top 8 et de minima olympiques

Certains athlètes tricolores ont réussi de superbes performances, qui ne leur a malheureusement pas suffi pour monter sur le podium. Il convient d’évoquer les quatrièmes places de Gabriel Bordier (20 km marche), Raphaël Mohamed (110 m haies), Léna Kandissounon (800 m) et l’équipe féminine du semi-marathon (juste devancée pour une seconde pour le bronze), les cinquièmes places de Jimmy Gressier (10 000 m), Camille Moutard (20 km marche) Tom Campagne (longueur) Thibaut Collet (Perche), Teuraiterai Tupaia (javelot) et Yann Chaussinand (marteau), les sixièmes places de Gémima Joseph (100 m), Nicolas-Marie Daru (3000 m steeple), Nawal Meniker (hauteur) et de Jean-Marc Pontvianne (triple saut), les septièmes places d’Azeddine Habz (1500 m), Mélina Robert-Michon (Disque) et Clémence Beretta (20 km marche), ainsi que les huitièmes places de Pablo Matéo (100 m), Sarah Madeleine (5000 m), Mekdes Woldu (semi-marathon) et Pauline Stey (20 km marche). Tous sont en mesure d’accrocher un premier ou un nouveau podium international très rapidement.

 

 

Au rayon des satisfactions, on notera aussi que sept nouveaux minima olympiques pour Paris 2024 sont tombés dans l’escarcelle des Bleus dans la ville éternelle : Camille Moutard (1h28’55 sur 20 km marche), Anaïs Bourgoin (1’58″65 sur 800 m), Thomas Gogois (17,38 m au triple saut), Hilary Kpatcha (6,88 m en longueur), Auriana Lazraq-Khlass (6635 points à l’heptathlon), Makenson Gletty (8606 points au décathlon) et Kevin Mayer (8476 points au décathlon). Enfin, il faut aussi, bien sûr, saluer les résultats des marcheurs qui ont été épatants, tant chez les dames, que chez les messieurs. La discipline connaît aujourd’hui une embellie et une densité inédite. 

 

Romain Barras : « On garde en tête qu’il y a encore une marche à franchir pour les Jeux olympiques à Paris »

Savourer sans triompher. C’est ce qu’il faut retenir des mots de Romain Barras, directeur de la haute performance, pour qui il était temps de jeter un œil sur les bilans de ces Championnats d’Europe. Si le bilan tricolore est éloquent, le champion d’Europe 2010 du décathlon refuse toutefois de céder au triomphalisme, conscient que l’échéance reste les Jeux olympiques à Paris.

« Je pense que les athlètes peuvent bomber le torse, car ils ont été à la hauteur de l’événement. On a une équipe de France qui a du caractère. Je voulais qu’ils ne lâchent rien, qu’ils aillent au bout du bout. On l’a vu : beaucoup se sont exprimés jusqu’au dernier essai. C’est vraiment satisfaisant. Je suis content que les athlètes puissent sortir de ces championnats en ayant fait le plein de confiance. Ils vont pouvoir partir sur la campagne olympique avec des certitudes. On a vu des Tricolores capables de saisir l’opportunité qui se présentait. Je l’ai répété à Auriana (Lazraq-Khlass, médaillée d’argent à l’heptathlon, ndlr) : il y avait un feu latent en équipe de France et elle a allumé l’étincelle. On assiste à l’émergence d’une génération qui est décomplexée, comme à Barcelone en 2010. On a aussi réussi à mettre en place un esprit bleu, qui s’est développé en stage à Potchefstroom en décembre dernier puis aux Relais mondiaux. Les athlètes forment une même et seule équipe, ils prennent des nouvelles les uns des autres, viennent encourager leurs coéquipiers dans les tribunes. C’est ce liant qui fait que tout est possible. On garde en tête qu’il y a encore une marche à franchir pour les Jeux olympiques à Paris, où on sera sûrement aidés par le home advantage, comme ont pu l’être les Italiens à Rome. »

 

 

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Les Bleus, qui ont repris de leur superbe à Rome, auront une nouvelle occasion de faire vibrer leurs supporters… à la maison cette fois pour le rendez-vous le plus important de leur carrière. Pour se remettre en selle avant les JO à domicile, les Tricolores auront l’opportunité de défendre leurs chances sur la scène nationale aux Championnats de France Elite à Angers (28 au 30 juin).

Tous les résultats des Championnats d’Europe de Rome 2024

Crédits photos : Solène Decosta & Gaëlle Mobuchon / STADION

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