Championnats de France Elite : Sasha Zhoya, un cador chez les seniors

27 juin 2022 à 15:16

Entre le sacre de Sasha Zhoya sur 110 m haies le jour de son vingtième anniversaire, les spécialistes du 800 m Benjamin Robert et Rénelle Lamote qui ont fait le spectacle, et Wilfried Happio agressé à l’échauffement avant de survoler la finale du 400 m haies, on a vécu des Championnats de France Elite de haute intensité pendant trois jours à Caen. Retour sur les principaux temps forts !

Si ce n’est pas encore déjà fait, retenez bien ce nom car il va résonner à tue-tête dans les futures compétitions internationales. Si on devait résumer le bilan du grand rendez-vous national de Sasha Zhoya à un titre du rappeur local Orelsan, on sélectionnerait de facto celui de « Tout va bien ». Le jour de ses 20 ans, le prodige de l’athlétisme tricolore a ébloui le Stade Hélitas en se parant d’or dès sa première saison sur les haies de 106 centimètres. Après seulement cinq sorties sur les obstacles seniors, voilà déjà le champion du monde juniors 2021 au niveau d’un prétendant à une finale mondiale, si ce n’est mieux. Habitué à griller les étapes, le hurdler clermontois s’est débarrassé des minima en séries (13″24) puis a claqué la sixième performance mondiale de l’année et la meilleure performance européenne en finale en 13″17 (-0,5 m/s).

 

 

Ce showman décontracté et facétieux devient le sixième meilleur performeur hexagonal de l’histoire. Complètement fou : « Je savais que j’avais ça dans les jambes, sous les 13″32 en tout cas. Après avoir eu des petits soucis un peu partout en début de saison, c’était la première fois que je pouvais me donner presque à 100 %. Là, je me sens complètement libéré, c’est un vrai poids qui s’enlève de mes épaules », soufflait-il en zone mixte. On le sait, il est très difficile de percer dans l’athlétisme de très haut niveau. Plusieurs athlètes français attendus comme de potentielles stars à leur plus jeune âge n’ont pas réussi à passer le cap. Lui ne semble pas faire partie de cette catégorie. Sasha Zhoya est promis à un avenir des plus brillants et porte le nom de l’avenir de l’athlétisme tricolore. On lui promet Paris 2024 et les lauriers. Vite, la suite.

 

Lamote en mode record, Raharolahy dauphine heureuse

Sur le 800 m féminin, on a vécu une course dont on n’a pas fini de parler et qui restera comme l’une des plus belles de l’histoire des Championnats de France Elite. Cynthia Anaïs (3e en 2’01″33) a tout d’abord lancé la course sur de grosses bases (57″47 sur 400 m) et a tenu aux avant-postes jusqu’au 600 m mais n’a pas pu résister aux retours des deux premières : Rénelle Lamote et Agnès Raharolahy. Lamote fait arrêter le panneau d’affichage en 1’58″71, nouveau record des Championnats de France Elite qui tenait depuis 30 ans (le 28 juin 1992 et les 1’59″29 de Viviane Dorsile). Au vu du petit écart séparant la triple médaillée européenne sur 800 m de la Nantaise, on sait que celle-ci allait renvoyer au fond de la cave son chrono de référence (2’00″60 à Chorzow le 5 juin). Le verdict tombe : 1’59″59. Elle devient la dixième meilleure performeuse française de tous les temps. L’objectif chronométrique 2022 de la native d’Alençon était connu de tous : courir le 800 m en moins de 2 minutes. « Dans la communauté des coureuses de ‘’8’’, la barre des deux minutes est vraiment le truc qui rend trop content. J’ai l’impression d’être même plus excitée qu’Agnès, rigolait Rénelle Lamote. C’est vraiment génial pour le 800 m féminin. Je suis super contente. J’ai toujours dit aux gars : « Purée, moi je suis toute seule avec les mecs (en championnats) ! J’aimerais trop avoir les filles avec moi » ».

 

 

« J’espérais une course avec ce scénario pour avoir juste à suivre, confie Agnès Raharolahy. Mon chrono est dû en partie à Cynthia et à Rénelle, ainsi qu’à mon finish de coureuse de 400 mètres. C’est ma première année sur « 8 » donc je suis déjà très contente. Casser la barrière des 2 minutes était mon objectif depuis le début de la saison, avec ma base de vitesse et mon entraînement depuis des années basé sur du 400 m plutôt long. Passer sur 800 m, je savais que ça allait être difficile mais pas insurmontable ». S’il a manqué 29 centièmes à la demi-fondeuse des bords de l’Erdre pour s’offrir les minima pour Eugene (1’59″30), ceux pour les Europe de Munich (2’00″40) sont largement en poche. « Je souhaitais réaliser les minima pour les Europe de Munich et aussi je me suis dit “autant tenter également ceux des Mondiaux de Eugene” ». Spécialiste du tour de piste depuis ses années chez les jeunes, après avoir fait l’an passé une courte incursion sur 400 m haies où elle a remporté la médaille de bronze aux France Elite à Angers, Agnès Raharolahy a définitivement trouvé sa voie à 29 ans. « Ça n’allait plus trop sur 400 m, mentalement ça bloquait, et j’avais besoin d’un changement pour retrouver du plaisir à l’entraînement et en compétition. Le 400 m haies m’a aidée à passer à autre chose ».

 

Benjamin Robert a encore fait parler son finish

Comme une semaine plus tôt au Meeting de Paris, Benjamin Robert a fait parler la poudre dans la dernière ligne droite pour devenir champion de France 2022 du double tour de piste. La finale que tout le monde attendait depuis le week-end dernier est partie sur des bases tactiques. Homme d’expérience, Pierre-Ambroise Bosse a alors pris les choses en main, ses deux compères attendant tranquillement leur heure un peu plus loin. À l’entrée de l’ultime ligne droite, le champion du monde de Londres 2017 (1’49″17) a vu revenir Benjamin Robert (1’48″58) et Gabriel Tual (1’48″89). Tout au bout de l’effort, c’est finalement le coureur du SA Toulouse Athlé qui a pris le dessus sur celui de l’US Talence, comme l’an passé à Angers. Nous retrouverons ce trio à Eugene pour les Mondiaux (15 au 24 juillet).

 

 

Frappé avant d’être sacré

Si vous suivez de près ou même de très loin l’actualité de l’athlétisme, vous n’avez pas pu passer à côté de cette histoire au coeur de toutes les discussions que notre rédaction a pu avoir avec nos confrères en tribune de presse. Flashback. Vers 18h30 ce samedi, un homme accrédité (bracelet accompagnateur) pour accéder à ce terrain s’est introduit sur la piste d’échauffement du lycée Malherbe, à 500 mètres de l’enceinte normande où se déroule la compétition et a frappé à plusieurs reprises Wilfried Happio, le blessant au visage avant d’être ceinturé par son entraîneur Olivier Vallaeys. L’individu a ensuite été pris en charge par la police municipale. Sonnée, la victime a reçu quelques soins. Sous le choc, l’athlète de 23 ans a souhaité tout de même s’aligner en finale du 400 m, trois quarts d’heure plus tard.

 

 

À 19h15, Wilfried Happio se présente donc sur la ligne de départ, œil gauche pansé et recouvert par un bandeau façon pirate. Dans un premier temps, personne n’y fait trop attention. Mû par une détermination décuplée, le pensionnaire du Lille Métropole Athlétisme a tout bonnement dominé la finale en 48″57, record personnel (ancien : 49″01) et minima pour les Mondiaux de Eugene (fixés à 48″90). « Au départ, je me sentais comme à l’Insep, à la maison. Les sensations étaient bonnes, et je savais que derrière, Ludvy (Vaillant) et Victor (Coroller) allaient me pousser, que je ne pouvais pas me reposer sur mes acquis ». Il s’agit de la cinquième performance française de tous les temps mais aussi du record des championnats de France Elite. Wilfried Happio, qui était sorti de l’hôpital samedi soir, s’est présenté le dimanche à 15h45 vêtu de grosses lunettes de soleil, pour recevoir sur le podium protocolaire sa médaille d’or. Interrogé, le champion d’Europe juniors (2017) et espoirs (2019) du 400 m haies ans n’a ensuite pas souhaité s’exprimer sur les faits survenus la veille. Stadion est en mesure de confirmer l’information de plusieurs médias : L’homme est un proche (le frère) d’une connaissance de Wilfried Happio. Celle-ci était en lice dans la compétition le dimanche. Il y aurait eu, il y a quelque temps, un différend entre Happio et cette athlète.

 

Bordier et Beretta au top

Placés au programme de la matinée dimanche matin sur le stade Hélitas, les marcheurs ont profité du soleil encore bien présent pour faire chauffer le chronomètre. Premier en lice, Gabriel Bordier a livré un véritable récital. Grappillant des secondes au kilomètre au fil de la course, le sociétaire de l’US Saint-Berthevin a finalement achevé son 10 000 m en 38’15″55. Meilleure performance mondiale de l’année, et surtout un très gros chrono : le record de France du grand Yohann Diniz, n’est plus qu’à une poignée de secondes : 38’08″13. Une marque nationale qui lui semble promise. Clémence Beretta a brillamment repris le flambeau quelques minutes plus tard, sur la même distance. La marcheuse d’Athlé Vosges Entente Clubs n’a pas laissé plus de suspense, en se détachant rapidement de sa rivale Eloïse Terrec (44’38″72). Régulière, elle a rallié l’arrivée en 44’08″72, rabotant ainsi son propre record de France d’une quarantaine de secondes (ancien : 44’47″77). La confiance regonflée à bloc, la Vosgienne va désormais gagner un camp d’altitude en Italie pour se donner toutes les chances de briller en Bavière fin août.

 

 

Yanis David a la vent en poupe

Les autres très bons résultats des Tricolores ? Yanis David a assommé la finale de la longueur dès le premier essai, en décollant à 6,80 m. Une performance de classe mondiale, à seulement deux centimètres des minima pour Eugene, vite tempérée par la mesure du vent, un peu trop favorable avec 2,7 m/s. La représentante du Monster Club Athlé a confirmé au sixième essai dans des conditions régulières, avec un bel envol à 6,71 m (-0,8 m/s). Des performances qui confirment sa montée en puissance, après un début de saison en demi-teinte.

 

 

Débarqué à Caen avec le huitième temps des engagés (46″72) sur 400 m, soit tout juste un statut de potentiel finaliste, Thomas Jordier a fait un sacré bond en avant au meilleur des moments, en finale des France Elite, avec une course dominée de bout en bout et un chrono de 45’’71, à seulement un centième des minima pour les Championnats d’Europe de Munich. Le vent normand n’a pas gâté les perchistes dimanche après-midi, les rafales d’un côté ou de l’autre rendant les sauts périlleux. Thibaut Collet était donc bien heureux d’avoir réussi à passer 5,75 m dans ces conditions, soit la même performance que Renaud Lavillenie. Le Grenoblois ayant connu moins d’échecs lors des hauteurs de barre précédente, c’est lui qui a coiffé la couronne nationale, sa deuxième de l’année. « C’était très difficile, avec un vent très capricieux ! On a dû s’adapter et on s’en est bien sortis ! Bon, après, ce n’est pas que de la loterie, c’est aussi de la maîtrise. Arriver en étant le meilleur performeur et le champion de l’hiver, c’était hyper stressant. Je suis très content de gagner, c’est bien le plus important », soufflait le vainqueur après le concours.

 

La France quatrième

Après trois jours de compétition, les Championnats de France Elite à Caen ont pris fin dimanche soir. En totalisant 161 213 unités, la France termine à une très belle quatrième place du classement mondial aux points des rendez-vous nationaux d’athlétisme 2022 derrière les États-Unis (182 079 points), la Grande-Bretagne (163 717 points) et le Japon (162 018 points). Enfin, à noter le joli succès de la dernière journée de l’événement qui a réuni en moyenne 411 000 téléspectateurs uniques (629 000 en pic) sur la chaîne l’Équipe.

Tous les résultats des Championnats de France Elite, en cliquant ici.

Crédits photos : STADION

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