C’est peu dire qu’Hugo Hay sera chez lui à Bruxelles ce dimanche où se jouent les Championnats d’Europe de cross-country. Coaché depuis 2019 par Tim Moriau à Hal, à une trentaine de kilomètres du Parc de Laeken, théâtre du rendez continental, le pensionnaire du Sèvre Bocage a bien l’intention de peser sur la course afin d’aider ses camarades tricolores à décrocher une troisième couronne consécutive par équipes. Perturbé une grande partie de la saison dans sa préparation par des effets à long terme du Covid-19, le demi-fondeur de 26 ans a claqué un superbe chrono de 13’02″62 sur 5000 m à la mi-juillet, s’acquittant des minima pour les Jeux olympiques de Paris 2024, son objectif numéro un de l’année prochaine. Interview !
— Hugo, vous participerez ce dimanche à vos sixièmes Championnats d’Europe de cross-country. Qu’est-ce qui vous plaît tant dans ce rendez-vous ?
C’est ma compétition préférée, je pense. Déjà, c’est du cross et moi j’adore le cross. Il y a cette notion d’équipe qui est super importante. J’adore aussi les sports collectifs. C’est la seule compétition dans l’année où l’équipe a cette importance-là au niveau international. C’est une compétition qui a un peu cimenté notre génération avec toutes les médailles qu’on a faites, avec la génération 97 et puis ceux qui ont aussi un an de plus ou de moins. Il y a un peu moins de pression que sur la piste. On retrouve un mélange de juniors, espoirs et seniors, avec même parfois des cadets et des cadettes donc c’est ça qui est vraiment sympa sur ce week-end-là. On passe un bon moment et c’est souvent une course de très bon niveau aussi.
— Avez-vous déjà échangé avec vos camarades de l’équipe de France à propos de la course à venir ?
Avec Bastien (Augusto), Fabien (Palcau) et Donovan (Christien), on a fait notre récupération ensemble à Carhaix et on a discuté de la course et comment on voyait les choses. Je leur ai donné quelques infos que j’avais sur le parcours. C’est aussi pour ça qu’on se voit vendredi et samedi, pour pouvoir mettre en place notre tactique. Voir comment chacun veut courir et ce que pense le staff de l’équipe de France et puis nos coachs persos après avoir vu le parcours. Le but, c’est de bien se préparer tous individuellement.
— Collectivement, vous êtes les grands favoris sur le papier…
On a un collectif qui remporte le titre tous les ans depuis de nombreuses éditions. Ça a commencé chez les juniors (2015 à Hyères et 2016 à Chia) puis en espoirs (2017 à Samorin, 2018 à Tilbourg et 2019 à Lisbonne), et en seniors (2021 à Dublin et 2022 à Turin) depuis deux ans maintenant. Cette année, on a des garçons comme Bastien et Yann qui ont fait top 10 l’année dernière, qui sont de retour et qui sont en forme, Donovan a fait un gros chrono sur 10 km (28’05 à Lille le 18 novembre), Fabien est un gros crossman qui a déjà fait plusieurs places dans le top 10 aux Europe. Moi aussi j’ai déjà fait quatrième, enfin même troisième (le Turc Aras Kaya, 2e à Dublin en 2021, a été suspendu trois ans en décembre 2022 après un contrôle positif à l’EPO, ndlr) donc forcément, on arrive en tant que favori.
« Ce n’est pas parce qu’on arrive entre guillemets favoris que ça va être facile »
— Avez-vous pris connaissance de la start-list et des nations qui pourraient vous faire concurrence ?
Il faudra faire attention aux Belges qui évolueront à domicile et aux Espagnols qui ont une très forte équipe. Il faut garder de l’humilité. Ce n’est pas parce qu’on arrive entre guillemets favoris que ça va être facile. Ce n’est pas parce qu’on gagne tous les ans depuis 6 ou 7 ans que c’est acquis. Ça reste du cross, il peut se passer beaucoup de choses. Il va falloir être attentif et être à notre meilleur niveau si on veut gagner.
— Individuellement, lors de votre dernière course à l’Euro de cross à Dublin en 2021, vous aviez fini à une belle quatrième place en 2021 à Dublin. Viserez-vous mieux dimanche ?
Quand tu t’engages dans une course, tu as forcément envie de faire le meilleur résultat. Ça reste un Europe où il y a un podium à aller chercher. Il y a des gars qui ne sont pas là comme Jakob Ingebrigtsen, Jimmy Gressier et Mohamed Katir donc il y a des opportunités. Toutefois, les Europe ne sont pas vraiment mon objectif principal de l’année et de l’hiver. Je n’arrive pas préparé à 100%. Ça me paraît bizarre de dire que je veux viser le podium alors que je ne suis pas préparé à 100%. Après on a vu que mon niveau était bon à Carhaix donc je ne me refuse rien. Comme à Dublin, je viens d’abord pour aider l’équipe au maximum et ça se traduit comme faire la meilleure place possible.
— Quel est votre avis sur le parcours ?
Je suis allé le voir l’année dernière à l’occasion des Championnats de Belgique. C’est un parcours qui est usant. Il y a une grande montée en faux-plat montant qui est assez longue. Il y a une grande ligne droite en descente aussi qui va faire mal aux cannes parce qu’il faut continuer de pousser. Musculairement, ça va jouer. Je pense que ça va être des belles courses par élimination dimanche. Il ne fait que pleuvoir en Belgique depuis un mois et demi donc ça va être un parcours assez boueux. Ça ne me dérange pas qu’il y ait certaines parties où il y a de la boue parce que ça fait partie du cross mais si on peut éviter que ce soit un bourbier comme à Carhaix ou à Plouay en 2018, ça m’irait bien.
« Je n’ai pas été forcément chanceux avec les petits pépins mais malgré ça, je continue à progresser »
— Sur vos cinq apparitions aux Championnats d’Europe de cross-country, vous avez remporté quatre titres par équipes (2016 en juniors, 2017 et 2018 en espoirs, 2021 en seniors) et deux médailles individuelles (2e en 2017 et 3e en 2018 chez les espoirs). Quel est votre meilleur souvenir ?
Je pense que c’est Samorin (Slovaquie) en 2017 où j’ai décroché ma première médaille individuelle aux Championnats d’Europe (2e derrière Jimmy Gressier). C’était vraiment incroyable. On avait une équipe exceptionnelle (Emmanuel Roudolff-Levisse 4e et Alexis Miellet 7e). Un de mes meilleurs potes de club Pierre Proust était sélectionné en junior, donc ça reste un très bon souvenir. À Dublin (Irlande), on n’était pas sûr de gagner et on avait vraiment été très solides. Ce sont deux très bons souvenirs. C’est aussi pour ça que je dis que les Europe de cross, c’est une compétition un peu spéciale. Tous les podiums qu’on a partagés tous ensemble, à chanter la Marseillaise, à fêter la médaille, ce ne sont que des super souvenirs.
— Depuis 2019, vous avez rejoint le groupe de Tim Morieau à Louvain, près de Bruxelles…
Je sais que si je n’étais pas parti, je n’aurais pas passé autant de caps. Les deux dernières années, je n’ai pas été forcément chanceux avec les petits pépins mais malgré ça, je continue à progresser. Ça aurait pu être encore mieux avec un petit coup du destin. Notre méthode d’entraînement, elle continue d’évoluer d’année en année avec Tim. Ce qui est bien, c’est qu’au bout de quatre ans, il me connaît vraiment. On a réussi à faire des ajustements parce que forcément, tu dois adapter la méthode à l’athlète que tu as en face de toi. Là, je sens vraiment qu’on a une connaissance pointue. On fait très peu d’erreurs dans la préparation.
— Quel va être votre programme pour la suite de l’hiver ?
Mon gros objectif, c’est de m’entraîner le plus possible et le mieux possible tout cet hiver parce que l’année dernière, je n’ai pas pu m’entraîner comme je le voulais. Je n’avais pas de base foncière pour l’été, je courais que sur mes acquis des années précédentes. Ça peut passer sur le court terme, mais pas sur le long terme. Cette année, j’ai vraiment besoin de retravailler. Continuer à faire des semaines consistantes. C’est le plus important parce que cette année, il n’y a que les Jeux qui comptent. Au niveau du programme, je vais faire deux ou trois courses en indoor en février pour voir un peu où j’en suis et casser la monotonie de l’entraînement.
« Mon objectif, c’est d’arriver en finale du 5000 m à Paris et ensuite d’aller gratter le plus de places possibles »
— Vous avez brillamment réalisé les minima olympiques sur 5000 m en 13’02″62 le 15 juillet dernier à Heusden-Zolder (Belgique) pour votre première sortie de l’année. L’été 2024 s’annonce intense, avec les Championnats d’Europe à Rome (7 au 12 juin), les Championnats de France Elite à Angers (28 au 30 juin) et bien sûr les Jeux olympiques à Paris (1er au 11 août pour les épreuves d’athlétisme)…
On ne peut pas avoir un pic de forme qui continue donc il faut qu’on fasse des choix. Nous allons attendre de savoir si on est plus de trois Français à être potentiellement qualifiés pour les Jeux olympiques ou pas. En fonction de ça, cela peut tout changer sur notre préparation et sur les stages en altitude. Mon objectif, c’est d’arriver en finale du 5000 m à Paris et ensuite d’aller gratter le plus de places possibles.
— Les distances plus longues sur la route vous intéressent-elles ?
J’aime bien l’ambiance de la route (record personnel sur 10 km en 30’53 en 2018) et notamment les corridas, je participe à l’Ekiden de Paris tous les ans. Il est vrai que ça m’attire moins, surtout depuis l’arrivée des chaussures carbone, ça a un peu perdu tout son sens. Pour moi, c’est vraiment la piste le mètre étalon. À moyen terme, il y a bien un moment donné où je vais faire un 10 km et un semi-marathon.
— Depuis 2018, vous êtes diplômé de l’École supérieure de journalisme de Lille…
Ce diplôme m’a permis de me professionnaliser rapidement dans l’athlétisme. Journaliste sportif est une des options qui pourront s’offrir à moi. Je n’ai pas une idée arrêtée sur mon projet professionnel. Je suis vraiment focus sur ma carrière sportive pour l’instant. J’espère que ça va durer le plus longtemps possible. Je me projette au minimum jusqu’à 2028, voire après. Donc ça laisse du temps pour vraiment mettre quelque chose en place.
— Ressentez-vous toujours les effets à long terme du Covid ?
Oui et non. Dans le sens où je ne ressens plus rien donc tant mieux et je n’ai plus de fatigue. Par contre, ça a laissé des traces sur mes allergies et au niveau pulmonaire. Je suis encore sous traitement. Je vais encore voir le pneumologue bientôt pour faire un point. Quand j’avais arrêté mon traitement cet été, j’avais un peu un sifflement quand j’étais allongé et que je respirais donc ça a quand même laissé quelques traces. Mais actuellement, lorsque je m’entraîne et que je prends mon traitement, il n’y a pas de souci.
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Crédits photos : STADION