Championnats du monde d’athlétisme : Noah Lyles, roi d’un 100 m pas comme les autres

21 août 2023 à 12:17

La deuxième journée des Championnats du monde d’athlétisme rime toujours avec la finale du 100 m. Sur la ligne droite, le nouveau patron s’appelle Noah Lyles. Dans un Centre national d’athlétisme de Budapest en ébullition, l’Américain a enlevé la médaille d’or en 9″83 (vent nul) devant le Botswanais Letsile Tebogo (9″88) et le Britannique Zharnel Hughes (9″88) dans une finale où les absents étaient de taille (Fred Kerley et Marcell Jacobs). Temps forts de l’épreuve phare de ce dimanche.  

Ce n’est peut-être plus l’âge d’or du 100 m, orphelin du meilleur sprinteur de tous les temps Usain Bolt, mais l’épreuve reine des Championnats du monde continue de faire soulever les foules. Celle du Centre national d’athlétisme de Budapest a pu se délecter d’une soirée riche en éclair de génie conclue en apothéose par le sacre de Noah Lyles en 9″83, égalant par la même occasion la meilleure performance mondiale de la saison. Mais tout avait commencé lors des demi-finales un peu plus tôt dans la soirée. Déjà chauffé à blanc la veille en série avec un beau chrono de 9″95 (-0,6 m/s), l’Américain faisait déjà peur à ses concurrents, flashé en 9″87 (+0,3 m/s) devant le Japonais Adbul Hakim Sani Brown (9″97). La première marche du doublé 100 m-200 m pouvait être gravi. Un peu plus de deux heures plus tard, le rendez-vous des chefs faisait frissonner les amoureux de vitesse. Le spectacle était attendu, tous les sprinteurs étant descendus sous les 10 secondes cette année. Le stade retenait son souffle. Très relâché, du moins plus que les autres, le double champion du monde du 200 m a vite refait son retard malgré un départ timide. Plus costaud au finish, le showman américain Noah Lyles peut exulter et (enfin) inscrire son nom au palmarès d’une épreuve si prestigieuse. Preuve qu’il fait partie des plus grands. Pour ce dimanche soir et à jamais.

 

 

Sûr de lui malgré les critiques, Noah Lyles (26 ans) a répondu, médaille d’or au cou, à ses détracteurs après la course et promet de ne pas s’arrêter en si bon chemin. « J’ai subi beaucoup de mauvais résultats, même au 100 m. En allant aux championnats américains, j’ai obtenu une médaille de bronze, mais beaucoup de gens m’ont coupé la route. Je savais ce que je devais faire. Je suis venu ici pour trois médailles d’or, j’en ai coché une, d’autres viennent. Le 100 m a été le plus difficile. Je vais m’amuser avec le 200 m maintenant ». S’il parvient à décrocher une nouvelle médaille d’or sur le demi tour de piste, le Floridien sera le premier athlète à réaliser ce doublé tant espéré depuis 2015 et un certain Bolt. Le rendez-vous est pris à partir de mercredi 23 août pour les séries du 200 m.

 

 

Des chiffres de dingue

Au-delà de la performance incroyable, ce sacre américain regorge également de statistiques affolantes. Depuis 2003 et le sacre de Kim Collins (Saint-Christophe-et-Niévès) à Paris, seuls les Jamaïcains et les Américains sont sortis vainqueurs de cette ligne droite. Le titre de champion du monde du 100 m masculin revient dans les bras d’un Américain pour la quatrième fois de suite après Justin Gatlin, Christian Coleman et Fred Kerley. Cette finale est également la première dans l’histoire du 100 m, Jeux olympiques et Championnats du monde confondus, où les cinq premiers arrivent sous la barre de 9″92. Extraordinaire.

 

Un podium inédit

Derrière le fantasque Noah Lyles, la finale fut disputée. Christian Coleman pensait avoir fait une différence après un départ canon et 60 mètres parcourus devant les autres mais le champion du monde 2019 à Doha finit par craquer, laissant la seconde place à Letsile Tebogo (9″88), la troisième à Zharnel Hughes (9 »88) et même la quatrième à Oblique Seville (9 »88) qui ne se tiennent qu’en quatre millièmes de seconde, Tebogo et Hughes étant même séparés par un seul millième. Et ces millièmes font du Botswanais Tebogo le premier sprinteur africain à remporter une médaille au championnats du monde sur 100 m hommes. À 20 ans, le jeune sprinteur a marqué l’histoire de tout un continent. Rien que ça.

Le double champion du monde juniors du 100 m (2021 et 2022) a désormais tout d’un grand. « La seule chose que j’ai apprise dans ces championnats du monde, c’est qu’il faut être très bien préparé mentalement et émotionnellement. Si quelque chose vous distrait, vous pouvez rentrer chez vous. Après ma première série, nous nous sommes assis avec mon entraîneur et nous avons discuté des choses que j’avais à améliorer. Nous avons fait la même chose après les demi-finales. J’étais absolument concentré sur ce que j’avais à faire. C’est vraiment une grande fierté de gagner cette médaille d’argent. Dans l’ensemble, cette médaille est un bonus pour moi, car après les championnats du monde de 2022, je voulais juste me rendre à la finale. »

Médaillé de bronze, le Britannique Hughes s’est adjugé son premier podium en individuel sur un championnat du monde. Un travail de longue date. « Après toutes ces années de leçons, de tribulations et de patience, j’ai continué. J’avais confiance en moi-même, en ma vitesse mais aussi en mon entraîneur. Tout était enfin réuni aujourd’hui  100 m. Je suis médaillé de bronze. Monter sur le podium était mon objectif, donc je suis heureux de le faire, mais j’ai aussi hâte de faire plus de travail. Mon entraîneur et moi-même nous sommes fixés des objectifs pour nous préparer pour l’année prochaine. »

 

Oblique Séville, le grand déçu du soir

Dominateur que ce soit en série avec un chrono éclair (9″86) devant Fred Kerley ou en demies (9″90), le jeune Oblique Séville faisait office de grand outsider lors du combat des rois. Friable à la photo finish, la pépite jamaïcaine doit se contenter, comme l’année dernière à Eugene, de la médaille en chocolat. « Je suis un peu déçu, déclarait-il à l’issue de la course. Mais j’ai subi un léger revers cette saison, ce qui m’a donné du temps pour me rétablir. Séville a également révélé avoir fait une erreur qui lui a coûté très cher. « J’ai peut-être plongé un peu trop tôt. J’ai plongé environ cinq mètres avant la ligne d’arrivée ». Un péché de jeunesse ? En tout cas le seul Jamaïcain en lice pour la médaille sur le 100 m d’antan dominé par ces aînées, possède une marge de progression énorme et s’entraîner avec Glen Mills, l’ancien coach de Bolt, devrait faire de ce jeune étalon un vrai prétendant au titre dans les années à venir.

 

Fred Kerley et Marcell Jacobs sur le carreau

Plus tôt aux alentours de 17h, un véritable coup de tonnerre avait eu lieu dans la troisième et dernière demi-finale avec l’élimination du champion du monde titre Fred Kerley. L’Américain n’avait pris que la troisième place de la course en 10″02 (-0,3 m/s) derrière Seville (9″90) et Tebogo (9″98). Le sprinteur texan échouait donc aux portes de la finale pour un petit centième et la dernière place au temps chipé par le Kényan Ferdinand Omanya en 10″01 lors de la première demi-finale. L’athlète de 28 ans semblait crispé durant sa ligne droite puis énervé au moment de se rendre en zone mixte. « Je ne suis pas vraiment effondré. C’est le but du jeu de cette épreuve : trouver les meilleurs. Mes adversaires ont été meilleurs aujourd’hui. Il y a eu quelques mouvements dans les starting-blocks avant le départ, mais sinon je n’ai rien à dire de particulier. Je dois juste passer à autre chose. C’était une course terrible pour moi, mais je vais bien, je suis en bonne santé et la vie continue. Si je suis encore dans le stade, je vais regarder la finale. Je pense que les Etats-Unis vont faire le doublé. »

 

 

C’était également à prévoir tant il était sur la sellette en série mais il faut aussi notifier l’élimination du champion olympique en titre Marcell Jacobs avant la finale, lui qui a terminé cinquième de la première demie avec son meilleur chrono de la saison en lot de consolation (10″05). « Je n’ai pas beaucoup concouru cette année. C’était une année très difficile pour moi avec trop de blessures et de problèmes. Mais je voulais être ici parce que beaucoup de gens parlaient de moi comme si j’avais peur de la compétition, peur de courir avec des adversaires sérieux. Je n’ai peur de personne. Si je peux courir, je le fais, et je suis ici. À seulement quatre centièmes de la finale, c’est ça le 100 m… (Fred) Kerley est sorti pour un centième. Le 100 m est une course très difficile et bien sûr je sais que ce n’est pas ma meilleure forme mais je suis là et je suis heureux. À partir de maintenant, je vais me concentrer sur le relais. Nous sommes les champions olympiques et nous devons faire de notre mieux. Je ne suis pas déçu, je vais de mieux en mieux. Peut-être que si j’avais couru au tour préliminaire, j’aurais été meilleur et je me serais qualifié pour la finale (rires). Mais j’ai besoin de courir encore plus. » La course des géants a tourné en faveur de Noah Lyles et pas sûr que Fred Kerley ni Marcell Jacobs n’auraient dérangé l’ascension fulgurante du génie américain. L’histoire ne le saura jamais…

Tous les résultats des Championnats du monde d’athlétisme, en cliquant ici.

Texte : Dorian Vuillet
Crédits photos : Solène Decosta / STADION

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