Coupe d’Europe du 10 000 m : Une course signée Jimmy Gressier !

28 mai 2022 à 23:31

Organisée à Pacé ce samedi, et pour les deux prochaines années, la Coupe d’Europe du 10 000 m a su séduire un public venu en masse pour encourager les meilleurs athlètes continentaux. Entre les minima pour les Mondiaux de Eugene réalisés par Jimmy Gressier, et le titre collectif remporté par l’équipe de France hommes, nul doute que les spectateurs ont assisté à une magnifique fête du demi-fond. Également support des Championnats de France de la discipline, la compétition a couronné Jimmy Gressier (27’24″51) et Mekdes Woldu (32’11″72, minima pour Munich). Récit d’une belle journée d’athlé en direct de Pacé !

Picard et Bordeau ouvrent le spectacle

En amont de la Coupe d’Europe avaient lieu les finales C des championnats de France. Chez les féminines, Clarysse Picard fut la première à franchir la ligne d’arrivée. Au terme d’un mano à mano avec Inès Hamoudi, la sociétaire de l’AC Bocage Vendée l’emporta dans un chrono de 34’26″75. « Je ne suis pas pleinement satisfaite, j’aurai aimé aller plus vite et me rapprocher des 34 minutes. Après, je ne m’attendais pas à ce que le vent soit aussi gênant, explique la toute récente marathonienne (2h42’’33 à Paris en avril dernier). On a quand même essayé de construire une course avec Inès, et heureusement qu’on s’est retrouvées toutes les deux, mais c’était compliqué le combo vent plus chaleur ». Deuxième de la course, Inès Hamoudi s’est octroyée la palme chez les espoirs (34’50″59). Aline Jourdain décroche les lauriers chez les masters (35’55″77), et Constance Dennilauer (37’44″06) s’impose chez les juniors. Du côté des hommes, Pierre Bordeau a décroché le titre de champion de France espoirs pour la troisième année consécutive (29’39″42). « J’aurai bien aimé faire les minima pour les Jeux Méditerranéens espoirs, mais tout seul et avec cette chaleur, je me suis vite endormi. Je remercie le public, parce que s’il n’avait pas été là, ça aurait été encore plus long ! Ça me tenait à cœur de courir ici, j’en ai des très bons souvenirs car c’est là où j’ai battu mon record (28’36″32) ». Mathieu Brulet décroche le titre chez les masters (30’25″18), tandis que Louis Michel a été le plus rapide chez les juniors (31’55″22).

« Ce n’est pas parce qu’on est en série B qu’il ne faut pas courir »

Plus tard dans la soirée, la Coupe d’Europe débuta avec la finale B, regroupant vingt athlètes féminines. Engagées dans cette première série, qui a vu la Tchèque Tereza Hrochova s’imposer (33’08″81), les trois Tricolores Méline Rollin (33’28″05), Leila Hadji (33’30″96) et Mathilde Sénéchal (33’37″17) ont fait course commune pour terminer respectivement à la septième, huitième et neuvième place. Après un départ timide, Leïla Hadji prenait, malgré elle, rapidement la course à son compte. « De base, j’étais quand même venue pour faire un temps ici, je me suis dit « les Europe, ça va courir ». Et puis je vois que ça ne part pas. Je me dis « bon, bah je vais essayer de lancer le truc, on va voir s’il y en a une qui va prendre un peu ses responsabilités, on va un peu tourner. Ce n’est pas parce qu’on est en série B qu’il ne faut pas courir ». Et en fait non, il n’y a personne qui a pris le relais, je suis restée quand même longtemps devant, regrettait la sociétaire du Pays de Fontainebleau Athlétisme. Et après il a fait très très chaud, il y avait du vent, et je commençais un petit peu à fatiguer. Et puis je vois la ligne verte qui me passe devant et qu’on est en train de perdre les 32’50, et je me dis « bon bah là c’est foutu, on va peut-être revenir à la fin… « . Les filles elles sont passées à 12/15 tours de l’arrivée, et après c’était un peu perdu ». Une stratégie de course que regrette également Mathilde Sénéchal. « C’est vraiment dommage que les filles n’aient pas couru. Parce qu’on n’était pas les filles qui avaient les meilleurs chronos. Moi, quand j’ai vu que Leila était partie, je me suis dit « je vais essayer de relayer », mais je savais que je ne pouvais pas tenir autant, donc j’ai essayé de me protéger aussi un peu. J’ai relancé un moment, mais les filles sont re-repassées, puis après à la fin c’était vraiment dur. C’est dommage que ça ait couru comme ça, on a essayé de faire avec les conditions et la tactique de course du jour ». Malgré une belle fin de course, et un dernier 400 couru en 1’11, Méline Rollin déplore elle aussi le déroulé de la course. « On a beaucoup perdu d’énergie à se bousculer. J’avais l’impression, pour ma part, que ça relançait dans la ligne devant les tribunes et que ça freinait dans l’autre ligne droite, et du coup le yoyo ça m’a puisé de l’énergie. Ça ne m’a pas gâché la course, mais c’est ce qui a fait aussi que le temps n’est pas très bon. » Malgré une course qui ne le satisfait pas pleinement, le trio tricolore relativisait. « On a beaucoup appris, c’est une configuration de course qu’on n’a pas l’habitude d’avoir donc on va repartir avec de l’expérience. C’est dommage de ne pas avoir fait le chrono que l’on espérait, maintenant on va encourager les copines dans la série A, en espérant qu’elles aient une meilleure course ».

Le récital de Yasemin Can

Alignées dans la finale A de cette Coupe d’Europe, Mekdes Woldu (32’11″72), Margaux Sieracki (33’09″80) et Mélody Julien (33’52″03) avaient elles aussi des regrets une fois la ligne d’arrivée franchie. « Je n’étais pas à la hauteur de ce que je voulais faire. Au début ça allait, mais c’est vite devenu très difficile, déplore Mekdes Woldu. Je pense que je n’ai pas récupéré de la semaine dernière aux Interclubs à Grenoble. Je voulais faire les minima pour les Mondiaux (fixés à 31’14″00), j’ai raté mais ce n’est pas mal quand même, j’améliore mon record, donc je suis très contente, relativise l’athlète sacrée championne de France à Pacé, pour la deuxième année consécutive. C’était génial de courir ici avec tous ces fans, en plus j’ai fait les championnats de France ici en août dernier, c’est magnifique ».

Venue en Bretagne avec l’ambition de signer un chrono de 32’00, Margaux Sieracki devait se contenter d’un temps de 33’09″80. « J’ai mis un à-coup au début de la course, j’ai tout remonté d’un coup et ça m’a cassée, j’ai complètement explosé d’un coup. Pourtant, je suis partie un mois à Font-Romeu, ça s’est super bien passé. Mon coach m’avait dit que j’allais faire les 32 minutes sans problème. Mais je suis partie trop vite, j’ai mis un à-coup et j’étais cuite au bout d’un tour, mais il fallait continuer à se battre jusqu’au bout, pour l’équipe ». Également en difficulté tout au long de la course, Mélody Julien termine au 27e rang d’une course dominée de la tête et des épaules par la favorite Yasemin Can. Au coude à coude avec l’allemande Alina Reh durant tout le début de course, la Turque double championne d’Europe (5000 m et 10 000 m) a porté l’estocade à l’entame du troisième kilomètre, et n’a ensuite cessé de creuser l’écart avec ses poursuivantes, pour finalement l’emporter en 31’20″18 (minima pour Eugene), avec près de vingt secondes d’avance sur l’Allemande Alina Reh, et plus de cinquante secondes sur une autre Allemande, Katharina Steinruck, troisième de l’épreuve. Au classement collectif, l’Allemagne l’emporte sur la Turquie et la Grande Bretagne, tandis que la France termine à une honorable sixième place.

Jimmy Gressier fait sensation à la maison

Tiens, bizarre, Jimmy Gressier ne célèbre pas sa victoire aussitôt la ligne d’arrivée franchie. Que se passe-t-il ?! Mais il fallait juste attendre quelques secondes pour qu’il se lance dans une série d’acrobaties spectaculaires pour exprimer sa plus grande joie. La finale A des hommes a en effet été marquée par le récital de Jimmy Gressier. En tête dès les premiers mètres, le médaillé de bronze aux championnats d’Europe de cross-country à Dublin s’est même payé le luxe de devancer le lièvre, sous les applaudissements d’un public venu en nombre pour l’encourager. « C’était une course assez olé olé, mais j’ai de la chance d’aimer un peu les surprises. Je suis quelqu’un qui est fait de surprises, j’arrive à les contrer, s’amuse-t-il. Après, c’est vrai que j’ai perdu peut-être un peu de jus, je suis à huit secondes du record de France (27’17″29 par Julien Wanders en 2019), je sais qu’ils auraient aimé que j’aille le chercher. Je pense qu’avec un peu moins de vent, je me serais rapproché de 27’19 et avec un lièvre, ça peut aller aux alentours des 27’10. Ça je le sais ». Mais le Boulonnais de 25 ans a de quoi se consoler. Grâce à un superbe chrono en 27’24″51 (4e performance française de tous les temps), il s’offre le titre individuel, la médaille d’or par équipes avec Bleus et les minima pour les Championnats du monde à Eugène (27’28). « Quand j’ai vu que ça ne suivait pas derrière, je me suis dit « tant pis, il faut y aller maintenant », parce qu’avant de jouer la gagne, je voulais surtout assurer les minima. Et prendre la gagne, s’il fallait prendre la gagne bien sûr. Quand j’ai vu que Carlos Mayo, qui a un record en 27’25, ne suivait pas, je me suis dit que ça allait assez rapidement. »

En effet, après avoir subi quelques frayeurs en voyant la WaveLight Technologies s’éloigner (lumière verte programmée sur le rythme de 27’28, les minima pour Eugene) Jimmy Gressier a su se ressaisir pour tirer profit de l’innovation. « Ça a quand même été une course compliquée dans l’ensemble. Aujourd’hui, ce qui m’a sauvé et qui m’a aidé, c’est la WaveLight. Je n’ai pas eu la sensation d’avoir ralenti, mais je l’ai vu passer comme une flèche à côté de moi, et là je me suis « oh merde ». Et là, j’ai commencé à douter, ça m’a fait mal. C’est un plus cette technologie, mais quand tu n’es pas bien, c’est un inconvénient, parce que du coup tu la vois passer à une vitesse et ça fait assez mal à la tête. Mais j’ai su temporiser à quelques mètres de la ligne, pas m’affoler, et je savais que dans un dernier 400, s’il fallait que je finisse en 57 secondes, j’aurai fini en 57 secondes. Là, il fallait simplement que je finisse en 1’04, j’ai poussé pour en être un peu sûr, et à la fin c’est minima, et je suis vraiment heureux parce que ça c’est fait, on va pouvoir se préparer comme il faut maintenant ». Une course pleine d’espoir pour le poulain d’Arnaud Dinielle et d’Adrien Taouji, plus habitué aux efforts plus courts. « Je ne trouve pas que ça soit une course difficile le 10 000 m, par rapport au 5000 m. Ça n’a rien à voir. Je suis beaucoup moins dans la difficulté, faire 27’28, c’est quand même moins dur que de faire 13’09. Je me questionnais un peu avant la course, mais mes coachs sont toujours assez confiants. Pour eux, ça doit être qu’une étape, parce qu’eux, ils veulent que je brille dans les grands championnats. Je suis d’accord avec eux, ça doit être qu’une étape. Aujourd’hui, ce n’était qu’une étape, mais il fallait l’assurer. Quand j’ai vu le vent, j’ai un peu douté, mais on a bien vu au départ que j’ai des jambes de feu. Je ne sens pas l’allure. Courir en 2’42, j’avais l’impression d’être en 3 minutes, quand je fais la sortie du dimanche. Vraiment, sincèrement c’était limite les mêmes sensations. Ça a commencé à me faire mal un peu sur la fin de course. Mais honnêtement, je pense que bien préparé, dans un grand championnat, avec des mecs costauds et tout, je peux me surprendre. Parce que vraiment, par rapport au 5000 m, je ne finis pas cramé, et surtout, je prends beaucoup de plaisir. »

« Le maillot de l’équipe de France, c’est ce qui m’a aidé à finir »

Le sort fut bien différent pour les autres membres du collectif tricolore. Parti plus en retrait, Yann Schrub, Florian Carvalho et Yoann Kowal se sont longtemps relayés pour tenter de limiter l’écart avec la tête de course. « C’était une ambiance folle, il y avait vraiment énormément de bruit. Après, c’est vrai qu’on a dû beaucoup mener avec les français, sur les bases de 27’52, sur la lumière blanche. Donc ça nous a un peu grillé des cartouches, regrette Yann Schrub, finalement quatrième de la course (27’59″32). Mais c’est vrai que je pensais vraiment être bien en venant là, mais le fait de mener beaucoup avec le vent de face, je ne sais pas… Je n’arrive pas forcément à l’expliquer, mais en tout cas, je suis à quinze/vingt secondes de ce que je voulais faire, donc je suis forcément un peu déçu. Mais voilà, je fais quatrième de la Coupe d’Europe, on va essayer de se consoler. Je fais 2’36 au dernier kilo, c’est le point à retenir. Je vais tout faire pour essayer de me qualifier pour les championnats d’Europe et garder vraiment ce dernier kilo en tête pour essayer de faire quelque chose ». Longtemps dans les roues de Yann Schrub, Florian Carvalho a progressivement décroché du peloton, pour finalement terminer douzième et quatrième français (26’08’’30), après s’être fait doubler sur la ligne par Emmanuel Roudolff-Lévisse (28’06″28). « C’était la première fois qu’on courait un 10 000 m de cette manière, en essayant de passer plus vite le premier 5 000 m et essayer de résister. Ça pique un petit peu. Après, je suis quand même satisfait parce que je me bagarre à la fin, j’arrive à relancer, même si j’ai eu une partie un peu à vide entre le cinquième et le septième kilomètre, détaille le double champion de France sortant de la discipline. Après, je suis repassé devant pour essayer de relancer, ils m’ont laissé faire trois/quatre tours. Donc c’est vrai que j’ai un peu laissé des plumes, mais c’est passé, il restait 1 500 m, je me suis dit « vas-y, accroche toi ». J’entendais que Yo Ko il n’était plus avec nous, donc tout reposait entre guillemets sur moi pour l’équipe. Je n’ai pas de regrets, je ne me suis pas caché, j’ai fait ce que je pouvais faire, ce n’est pas passé mais ça reste quand même un bon 10 000 m, et c’est ce qu’il faut retenir ».

Venu à Pacé pour tenter de passer sous la barre des 28 minutes, et ainsi s’offrir le plus beau des cadeaux, le jour de ses 35 ans, Yoann Kowal a connu des difficultés. Victime d’un point de côté dans le dernier tiers de la course, le champion d’Europe du 3000 steeple en 2014 a su trouver les ressources nécessaires pour repartir. « Si tu t’arrêtes et que tu abandonnes, c’est le début de la fin et j’ai voulu continuer pour l’équipe de France, souligne-t-il. Il y a quand même la fierté d’avoir mis le maillot, c’est ce qui m’a aidé à finir, le public… Parce que franchement, ça aurait été une course pour moi, je pense que je n’aurais pas fini. Donc il y a eu plusieurs paramètres qui ont fait que je termine, mais vouloir pousser la saison un petit peu trop longtemps, je pense que c’était un peu la course de trop. Après, j’ai tenté de jouer le collectif en relayant, en essayant de suivre la lumière, d’aller chercher le paquet devant… J’ai quand même bien travaillé sur le début, mais je n’étais pas saignant, dès le début je ne me sentais pas bien, et après je comptais les tours, c’est un peu catastrophique. Mais j’ai terminé et je suis content d’avoir aidé à participer à cette médaille, parce que mine de rien, d’avoir mené le rythme un petit peu, j’ai apporté ma pierre à l’édifice, je ne suis pas resté tout le temps derrière à rien faire, donc ça peut être la cerise sur le gâteau, même s’il n’y a pas de gâteau, c’est quand même une fierté ». Corentin Le Roy complète le collectif tricolore avec une 29e place en 29’26″26. Au classement final, l’équipe de France conserve sa couronne acquise à Birmingham l’an passé et s’impose devant l’Espagne et l’Allemagne.

Tous les résultats de la Coupe d’Europe du 10 000 m, en cliquant ici.

Texte : Emeline Pichon
Crédits photos : Matthieu Tourault et Gaëlle Mobuchon / STADION

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