Elle visait Paris, elle connaîtra d’abord les Jeux olympiques de Tokyo. À 19 ans, le benjamine de la délégation tricolore Gémima Joseph est la nouvelle pépite du sprint français. Personne n’était allée aussi vite sur 200 m depuis Myriam Soumaré. Portrait d’une jeune fille qui ne perd pas de temps.
22″77. Au Meeting de Cergy-Pontoise, pas grand-monde ne s’attendait à voir pareil chrono au couloir numéro 6. Gémima Joseph, 19 ans, vient de frapper un grand coup. Et d’entrer dans la cour des grands. C’est simple, depuis le 9 septembre 2014 et les 22″11 de Myriam Soumaré à Bruxelles, aucune Française n’avait été plus vite. Difficile de ne pas sélectionner la prometteuse jeune femme, dès cette année. « Les Jeux pour moi, c’est un rêve, je ne m’attendais pas à ce que ça arrive tout de suite. Je suis assez jeune, je me préparais surtout pour Paris, mais c’est déjà là. J’espère que ça va bien se passer, je vais le vivre à fond », avouait-elle en conférence de presse. La Guyanaise, vice-championne d’Europe cadettes à Gyor en 2018 et espoirs à Boras en 2019 sur le demi-tour de piste, avait jusqu’ici couru sans pression. Ses années cadettes et juniors ont filé à toute vitesse : plus elle enchaînait les titres et les médailles, plus elle s’amusait. L’insouciance prend fin suite à un événement douloureux. Car la jeune étudiante en comptabilité et gestion s’entraîne depuis toujours sous la houlette de Katia Benth.
Briller, au nom de la coach
Katia Benth, c’est un titre européen à Budapest en 1998 sur 4×100 m, avec de Frédérique Bangué, Sylviane Felix et Christine Arron. C’est aussi une médaille d’argent, toujours en relais, aux Mondiaux de Séville en 1999. Et accessoirement, de nombreux titres nationaux, et 23″25 sur 200 m. L’ancienne sprinteuse a pris sous son aile Gémima Joseph. Leur collaboration prend une autre tournure, quand Benth doit subir une amputation d’une partie de la jambe gauche, en 2019. L’opération est prévue à Paris, loin de la Guyane, de ses deux filles, et de sa protégée. Le duo continue de fonctionner, à distance, en affrontant les épreuves. Quand on demande à Gémima qui est son idole dans le milieu, elle répond qu’elle n’en a pas. En revanche, elle a Katia : « Je m’appuie surtout sur ma coach, qui s’est toujours entraînée très dur pour atteindre ses objectifs. C’est une vraie guerrière, une grande combattante. »
À Tokyo, la jeune athlète se battra pour elle, pour la Guyane, et pour son mentor. Qu’importe si elle manque d’expérience sur la scène internationale, si elle n’a pas de repères face aux filles qui seront à ses côtés sur la piste. « Les grandes stars ? Je les ai déjà vues, sur les réseaux sociaux ou à la télévision ». Gémima Joseph ne se préoccupe pas vraiment des noms qui peuvent l’entourer : « Je préfère ne pas savoir avec qui je cours. Si je sais que cette fille m’a déjà battue, par exemple, ça peut me crisper ». Quand on évoque ses objectifs, cette passionnée d’athlétisme préfère parler… de Paris 2024. Compte-tenu de sa capacité à déjouer les pronostics, on peut s’attendre à tout, dès cette semaine. Entrée en lice prévue ce lundi, à 3h30 (heure française).
Texte : Mathilde L’Azou
Crédit photo : STADION