Interview de Sylvaine Cussot : « Quand on est ultra-traileur, on sait qu’on va avoir mal »

22 avril 2022 à 10:48

Véritable ambassadrice de l’ultra-trail français, Sylvaine Cussot (40 ans le 26 avril prochain) a accordé une interview à Stadion à l’issue de l’un de ses six entraînements hebdomadaires. Récemment seconde du Marathon des Sables, « Sissi » nous a plongé dans les coulisses de cette aventure. Elle est également revenue sur sa quatrième place à la Diagonale des Fous en octobre dernier, ainsi que sur ses prochains objectifs, sur sa manière d’appréhender sa discipline et sur son partenariat avec Asics. Rencontre avec une légende de l’ultra-trail, qui a su faire rimer performance et simplicité.

— Sylvaine, vous avez récemment terminé deuxième féminine de votre premier Marathon des Sables (17e au scratch en 25h32’34). Pouvez-vous revenir sur cette aventure ?

Oui, bien sûr. Alors oui, effectivement, j’ai fini deuxième au marathon des Sables qui s’est déroulé il y a maintenant deux semaines et demi. Pour moi c’était inconnu cette course, je me suis lancée avec beaucoup d’appréhension quand même, parce que c’est vrai que c’est une course qui est très différente de ce que l’on trouve habituellement, et de ce que j’avais connu avant. Donc c’est vrai qu’il y avait beaucoup de nouveautés pour moi : courir dans le sable, dans le désert, avec autant de poids sur le dos, avec plusieurs étapes… C’était beaucoup de nouveautés. Je suis partie avec une préparation un petit peu bancale, parce que j’ai eu un accident de vélo juste avant Noël et je me suis fracturée la clavicule. Donc la reprise a été après février, parce qu’en janvier, ça a été un peu compliqué. Donc il y avait en plus la préparation un peu chaotique, du coup c’est vrai que j’ai pris le départ en me disant “bon, je suis super motivée, ça va être une belle aventure, mais je ne sais pas trop comment ça va se passer”. Il y avait cette hésitation de l’inconnu, et surtout l’envie de nouveauté. C’est vrai qu’à un moment donné, on a envie de choses différentes. On a envie de voyages, d’aventures, de défis, de partage… Le marathon des Sables, c’était un peu tout ça ! On part avec une équipe, on part avec des gens, on part sur plusieurs jours, en autonomie complète, dans un environnement complètement isolé… On était dans une bulle tous ensemble, on est un peu déconnecté de tout. Et c’est ça aussi que j’étais venue chercher, sans forcément me dire que j’allais chercher une performance, parce qu’il y avait beaucoup de points d’interrogations. Mais je suis revenue très très très contente du résultat, parce que c’est vrai qu’avec tout ça, je ne savais pas trop si j’allais avoir les jambes et si j’allais être prête. Je n’ai pas réussi à accrocher la première, l’Espagnole Anna Comet, qui était vraiment, pour moi, au-dessus de tout le monde. Elle a été très forte, elle a gagné toutes les épreuves. Mais honnêtement, je me contente largement de cette deuxième place. J’ai eu des bonnes sensations malgré des petits soucis techniques de sac, qui ont déclenché des brûlures, des choses comme ça, au niveau du dos. Et puis une petite contracture, un genre d’élongation sur l’adducteur sur la dernière étape. Mais vraiment enrichie d’une belle aventure. C’est vraiment quelque chose que j’aurai envie de revivre une fois, avec peut-être une préparation un peu différente, surtout au niveau matériel. et vraiment différent.

 

 
 
 
 
 
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— Comment avez-vous géré les à-côtés, et notamment la gestion de la nourriture ?

Alors justement, le marathon des Sables c’est en autonomie complète, donc on porte tout ce qu’on veut manger sur une semaine, sachant qu’on doit avoir un minimum de 2000 calories par jour, c’est le minimum pour être autorisé à prendre le départ. En fait, en amont on a tous du lyophilisé, c’est ce qu’il y a de plus facile à transporter et de plus léger, et en fait, pour que ça rentre dans le sac, on est obligé de tout reconditionner, re-compacter, de faire du sous-vide, d’enlever tout l’air pour essayer de compartimenter, de faire chaque jour différent avec chaque repas. Donc il y a vraiment beaucoup d’organisation en amont, c’est vrai que ça m’avait pris pas mal de temps, puis je pense que c’est pour tout le monde pareil, parce qu’on a toujours peur de manquer. Moi, j’avais vraiment peur de manquer de calories, et au final 2000 calories par jour c’est vraiment le minimum. On ne peut pas faire moins, en sachant que je pense que c’est le minimum pour un sédentaire, 2000 calories, ce n’est vraiment pas beaucoup. Donc j’avais essentiellement misé sur du lyophilisé pour tout ce qui est repas en dehors de l’effort, et pendant l’effort je prenais un peu ce que je prends habituellement : de la boisson d’hydratation, avec Meltonic notamment, et des barres et des trucs un petit peu plaisir quand on peut se le permettre. Mais c’est vrai qu’on veut tellement faire tout léger, qu’au départ on prévoit les choses, puis en fait on les enlève parce qu’on se dit “non, mon sac est trop lourd”, on fait des petits ajustements. On est vraiment obligé de prendre le minimum au niveau alimentation et hydratation, parce que l’organisation ne nous donne vraiment rien à part de l’eau.

— Comment avez-vous appréhendé le retour à la vie réelle ?

Déjà, il y a le fait de revenir en France, on est au Maroc. Le Maroc, c’est vraiment une culture particulière, c’est une énergie différente, le désert aussi c’est très calme, très paisible, il y a des grandes étendues, on est vraiment dans un environnement entre nous, dans notre petite bulle. Donc c’est vrai qu’il faut reconnecter avec nos environnements à chacun. Il y a ça, et après on est, comme toutes courses je pense, il y a le petit effet retour, on a atteint un objectif, je pense que pour tout le monde, c’est important de refixer un autre objectif pour repartir sur une nouvelle dynamique de préparation. On a tous besoin, les coureurs de manière générale, ont besoin de défis et d’objectifs personnels, professionnels, sportifs. Et je pense qu’il y a peut-être un petit temps de réadaptation entre, mais il y a toujours l’après qui est chouette aussi, parce qu’on raconte à nos proches, on reçoit les photos au fur et à mesure… Puis on a gardé beaucoup de contacts avec mon équipe, on a créé des groupes sur WhatsApp. Il y a quand même ce côté très sympa d’après où on se donne des nouvelles, on reste en contact, on voit comment on récupère etc. Je pense qu’à la fin, il y a une notion, effectivement, de se refixer des objectifs, digérer physiquement et mentalement cet effort qui est quand même difficile. Et puis il y a aussi le partage, on découvre les vidéos de l’épreuve, parce que quand on était sur place, on était quand même pas mal déconnectés. On n’avait pas nos téléphones, on avait accès, pour certains, de manière très réduite au wifi de la presse, mais c’était vraiment un minimum. Donc on n’a pas trop conscience de tout ce qui c’était dit autour de l’événement, des vidéos qui avaient circulé. Donc l’après est chouette pour ça aussi, parce qu’on se replonge un peu dans l’aventure de manière différente, avec un regard extérieur. Mais c’est sûr qu’il faut reconnecter, parce qu’on est vraiment dans un événement complètement isolé, et vraiment différent.

« J’ai aussi cette chance d’être dure au mal et de supporter la douleur »

— Vous avez terminé quatrième du Grand Raid de la Réunion en octobre dernier (après 34h01’16 d’efforts), malgré deux fractures. Comment peut-on avancer malgré la douleur, et que se passe-t-il dans votre tête à ce moment-là ?

Oui, c’est vrai que la Diagonale des Fous, en octobre, ça a été très compliquée pour moi et surtout très frustrant, puisqu’en effet, je suis tombée à la mi-course, au kilomètre 80. J’ai fait une chute qui m’a valu de me casser une côte. En fait, j’ai tapé tout le côté droit, donc j’avais le coude en sang, j’ai tapé la hanche. J’ai fissuré le péroné, mais je ne m’en suis pas forcément rendue compte sur le coup. J’avais mal, mais pas au point de me dire “je me suis cassée la jambe ou quoi”. Et au fur et à mesure de l’évolution de la course, quand je suis repartie, j’avais cette douleur qui était de plus en plus forte, de plus en plus intense, et qui m’empêchait carrément à la fin de poser le pied en descente. J’étais presque obligée de me mettre en crabe pour certaines descentes tellement j’avais mal. Mais en fait, d’après le scénario des médecins, ce qui s’est passé c’est que peut-être en tombant, il y a eu une tension au niveau du péroné, qui l’a fissuré, et avec les chocs répétés sur la continuité de la course, il y a eu une aggravation au niveau de la fissure, qui l’aurait transformé en fracture. Franchement, quand on est dans le feu de l’action, on ne se pose pas trop la question. Moi, personnellement, j’ai du mal avec l’abandon. Tant que je peux avancer, je continue, et tant que je peux aller jusqu’à la ligne d’arrivée, j’y vais, à moins de vraiment ne plus tenir debout. Donc j’avançais étape par étape, ravito en ravito, un pas après l’autre. Bien sûr, je me suis posée la question de savoir si j’allais arrêter ou pas, mais quand j’étais vraiment à un niveau de douleur très important à me dire “je n’en peux plus, il faut vraiment que j’arrête”, j’étais un plein cœur de Mafate, et la seule solution d’arrêter, c’est de se faire hélitreuiller, dans tous les cas, il faut continuer un peu pour sortir du cirque. Alors sur le coup, je me suis dit “bon bah, je vais continuer, de toute façon il faut que je sorte d’ici et puis on verra bien”. Et après, on avance, on se rapproche de l’arrivée, alors dans la tête… J’ai aussi cette chance d’être dure au mal et de supporter la douleur, et à poser un peu le cerveau et avancer un pas après l’autre, en allant toujours un petit peu plus loin. Honnêtement, c’est vrai qu’avec du recul, je ne sais même pas comment j’ai réussi à supporter autant de douleur pendant autant de temps. Je ne le souhaite à personne, parce que du coup on ne prend pas du tout de plaisir, et c’est pour ça que je reviens cette année aussi sur la Diagonale des Fous, c’est que j’ai vraiment envie de faire une course pleine, en prenant beaucoup plus de plaisir, même s’il n’y a pas forcément de résultat au bout, je ne sais pas comment ça va se passer. Mais mon souhait le plus cher cette année, c’est de réussir à aller au bout en me disant “bon bah oui, il y a eu de la souffrance, mais c’était de la souffrance normale, ce n’était pas une souffrance de blessures comme j’ai eu”. Mais c’est vrai que quand on est à chaud comme ça, on sert les dents, et puis on se dit que de toute façon, c’est normal d’avoir mal. Après, on a toujours un petit peu de mal, je pense, à évaluer l’ampleur de la blessure et de la douleur : est-ce qu’elle est normale, est-ce qu’elle est grave, est-ce qu’elle va m’obliger à m’arrêter… Il se pose beaucoup de questions dans ma tête à ce moment-là, mais quand on est ultra-traileur, on sait qu’on va avoir mal, et qu’il va falloir affronter des degrés de douleur parfois assez importants. On avance un peu bêtement, sans trop réfléchir. On est un peu obstiné je pense.

— Comment s’articule votre préparation ? Pouvez-vous nous décrire une semaine d’entraînement classique ?

Oui, bien-sûr. Alors, en général, je m’entraîne six fois par semaine, j’essaie de garder un jour de repos. Pour moi, c’est important pour le corps et pour la tête aussi, pour garder l’envie et la motivation. Même si j’ai toujours envie d’y aller tous les jours, je me force à garder une journée de récup. En temps normal, je suis à cinq entraînements à pied et un entraînement à vélo. Souvent, ce sont deux footings vallonnés, et deux séances de fractionnés, plus une sortie longue. Et après, la sortie à vélo c’est entre 50 et 100 kilomètres, avec pas mal de dénivelé, parce que j’habite à La Réunion, et c’est vrai qu’à La Réunion, on est toujours en train de monter et descendre, c’est une île, donc c’est compliqué de faire du plat. En plus, j’habite en altitude, donc rien que pour rentrer à la maison, je dois faire quasiment 500 m de D+. Donc en général, j’ai deux footings vallonnés entre 1h et 1h30, deux séances de fractionné : fractionné court/fractionné long, une sortie longue, qui varie de vingt à quarante kilomètres, et une sortie longue à vélo. Et après, en semaine de préparation, ça peut monter si j’ai des objectifs d’ultra, et ça peut être moins si je suis en récupération Si on veut faire une moyenne, c’est à peu près ça. En kilométrage, je suis entre 80 et 100 à pied, et le vélo c’est entre 70 et 80, à peu près.

— Donc vous n’avez pas le temps de vous ennuyer !

Non, je n’ai pas le temps de m’ennuyer, et puis en même temps, je pense que ce n’est pas excessif non plus. Je ne double jamais, je tiens à faire un seul entraînement par jour. Pour moi, deux entraînements par jour, je perdrais la motivation. Une fois, c’est suffisant !

— À ce niveau, on suppose que le mental occupe une place importante. Avez-vous un suivi psychologique, une préparation mentale ?

Non, j’avais été approché par des préparateurs mentaux qui m’avaient proposé leurs services, qui m’avaient un peu présenté ce qu’ils faisaient et en quoi ça pouvait m’être utile. Mais je me suis rendue compte que ce n’était pas forcément utile chez moi, parce que j’ai réussi à faire moi-même ce travail mental, de me dire de ne pas me mettre de pression, de relativiser l’échec, de me dire que je ne joue pas ma vie sur les courses. Le jour où tout ça va s’arrêter, le jour où je n’aurais pas de partenaires, ce n’est pas grave, je continuerais quand même à courir parce que j’adore courir, c’est ma passion et mon plaisir. Je n’ai pas de stress particulier à l’approche des courses. Je pense que, souvent, la préparation mentale ça aide peut-être à arriver plus serein, à être un peu moins dans le stress. Le fait d’avoir tenté de travailler un peu tout ça avec un préparateur, ça m’avait fait l’effet inverse. Ça m’avait plus stressée qu’autre chose ! Donc je me suis rendue compte qu’en fait, je n’avais pas besoin de ça et que malgré tout, même si on fait de la compétition, qu’on a des partenaires et qu’on en vit un petit peu, ça reste une passion et il ne faut pas oublier que ça reste un loisir, et pas notre travail. Donc je n’ai jamais trop eu besoin finalement de préparateur mental.

— À quoi pensez-vous durant ces longues heures passées à courir ?

Alors c’est ça qui est un peu contradictoire, c’est qu’il y a des fois où on va penser à plein de trucs, dans la tête ça va bouillonner, on va vraiment faire comme un tri dans nos idées, dans nos pensées, des fois même je me dis “oh je devrais avoir un bloc-notes sur moi parce que j’ai plein d’idées !” Et puis à la fois, il y a des moments où on va penser à rien, et on va être focalisé sur nos sensations, sur notre façon de positionner nos bras, notre foulée, notre respiration, des choses comme ça. Donc en fait, si on découpe ce monde, je pense qu’on passe un peu par les deux états d’esprit, où à la fois, on a plein d’idées qui vont dans tous les sens, puis à la fois on se reconnecte à nous, à la nature. Ça fait comme une pause un petit peu, comme une sorte d’hypnose en fait, où on est vraiment dans un état second. C’est ça qui est beau dans ce sport, c’est qu’on peut passer d’un état à un autre, sans trop s’en rendre compte finalement, et sans trop le maîtriser non plus. Et puis, même des fois quand on se remémore notre course et qu’on revient sur le déroulement, il y a des fois où il y a comme des trous, on ne se rappelle plus, parce que je pense que justement, on était dans cet état de pause entre guillemets, où on était juste bien, comme en lévitation. Je pense que c’est d’ailleurs aussi en lien avec le ressenti. Quand on est super bien en forme, les jambes légères, on va forcément se recentrer sur nos sensations, et sur le sentiment de voler au-dessus du sol, etc. Et à l’inverse, quand on n’est pas bien, je pense que c’est important de se reconnecter à tout ce qui peut nous redonner la motivation, les petites ressources pour se reconnecter etc. Et ça doit être sûrement lié à comment on se sent. Quand on est moins bien, on va ralentir, on va réfléchir beaucoup plus, on va essayer de trouver des solutions pour justement revenir dans un bon état d’esprit. Il y a un peu des deux.

« C’est chouette de faire parler de notre sport et de peut-être donner envie à certaines personnes de le découvrir. »

— N’y a-t-il pas, à certains moments, une forme de monotonie ? Si oui, comment la contrer ?

Je ne me suis jamais ennuyée en fait. C’est vrai que j’entends souvent des gens qui ne comprennent pas, qui nous demandent “mais comment vous faîtes pour courir des heures ?” Et il y a beaucoup de gens qui s’ennuient. Mais non, c’est justement un moment pour soi, un moment où on est bien. Ça peut paraître un peu égoïste, mais c’est un moment qu’on prend juste pour nous, où on se dit qu’on va avoir quelques heures où on va être nous, avec la nature, dans un moment parfois d’euphorie, parfois de dépassement de soi parce qu’on sera dans le dur. Et en fait, à l’inverse de s’ennuyer, on se reconnecte à plein de choses, on est dans des états complexes euphoriques. Moi je n’ai jamais ressenti de monotonie en course. Le seul moment, où peut-être je peux le ressentir, c’est à l’entraînement, sur des parcours que je connais par cœur. Si je fais, par exemple, tout le temps le même parcours, à la même heure, sans motivation vraiment et parce que c’est obligatoire de le faire parce que c’est sur mon plan d’entraînement et que même si je n’ai pas envie, j’y vais. Là, je pense que je peux me poser la question, et je pense qu’on peut essayer de trouver des solutions pour justement sortir de cette monotonie et prendre du plaisir. Peut-être changer de parcours, le faire à une autre heure, au lieu de le faire le matin, y aller le soir, essayer de courir avec des gens pour justement, casser cette monotonie et être plus dans un partage. En fait, il y a des solutions quand on a cette sensation de monotonie et de lassitude. Il faut juste bien se connaître et essayer de trouver des leviers pour ne pas rentrer dans ce genre de mauvaises sensations.

— Vous avez à votre actif de nombreuses victoires sur des Ultra Trails aux quatre coins du monde. Que ressentez-vous à chaque fois que vous franchissez une ligne d’arrivée ?

C’est vrai que j’ai la chance de beaucoup voyager grâce à mon sport, de vivre plein de belles courses différentes. Chaque course se vit différemment, c’est ça qui est chouette aussi, et qui fait qu’on aime toujours prendre des dossards et se donner jusqu’à la ligne d’arrivée. Qu’est-ce que je ressens en franchissant la ligne d’arrivée ? C’est un peu différent en fonction de comment s’est déroulée la course. Il y a des courses, je les ai vécues où j’étais dans le dur, du coup, quand je suis arrivée, c’était un soulagement. Il y a des fois, où à l’inverse, j’étais super bien, j’ai franchi la ligne d’arrivée avec un sentiment d’accomplissement, parce que je me suis dit “c’est génial, tu as fait une course pleine, tu avais des super sensations”, et du coup il y a cette pleine satisfaction d’être arrivée, d’avoir atteint l’objectif et d’être arrivée à ressentir ces belles sensations qu’en fait on cherche à chaque course. Parce que ce qu’on veut, c’est être bien dans l’effort, être léger, avoir la foulée légère, et ce n’est pas subir et être dans le dur et se dire à l’arrivée “ohlala, j’ai fini”. Donc en fait, ça dépend vraiment de comment s’est déroulée la course. Il y a tous types de sentiments. Le soulagement quand ça a été dur, et que j’ai souffert, pendant la Diagonale des Fous par exemple, ou aux championnats du monde où j’étais blessée aussi et où je voulais quand même aller au bout coûte que coûte. Et puis il y a ce sentiment d’accomplissement quand ça s’est super bien passé, où je me dis “trop bien, c’est exactement le scénario que tu avais attendu et puis tant mieux parce que tu t’es préparée et tu ne t’es pas préparée pour rien”. Ce sont un petit peu ces deux sentiments là.

— Quels sont vos objectifs pour cette année ?

Il y avait mon marathon des Sables justement, c’était mon premier gros objectif de la saison. La Diagonale des Fous, ça sera aussi le deuxième gros de l’année. Ensuite, je vais aller sur la Maxi Race, fin mai, le 86 km. Le 18 juin, je serai sur une course, ce sera plus une course de préparation parce que je suis marraine de l’événement qui s’appelle le TrailRail 34 qui est une course dans l’Hérault, je vais faire un 45 km. Je serais ensuite sur le Zinzin Ultra Trail pour la première édition, c’est un ami qui l’organise, Denis Clerc, qui m’a demandé si je pouvais être la marraine de son événement. Comme c’est un ami, et que j’adore les Cévennes et que je pense que ça va être une très très belle course… Il y a un 160 km, et moi je serais sur le 70 km. Donc pareil, c’est plus pour moi une course de préparation. J’aime beaucoup intégrer des courses et prendre des dossards sans pression, sans objectif particulier, juste en me disant “ça sera toujours mieux que de s’entraîner à la maison”, et puis ça me force aussi à faire des distances un peu plus longues qu’à l’entraînement. Ça me fait découvrir des nouveaux parcours, j’aime bien courir avec des gens, j’aime bien l’ambiance des courses. Donc c’est vrai que je prends pas mal de dossards comme ça en me disant “ça sera pour m’entraîner, pour préparer les prochains objectifs”. Donc ça c’est début juillet. Le 17 juillet, je vais aller sur le Dodo Trail, qui est une course à l’Île Maurice, elle doit faire 55 km. Ensuite j’ai prévu d’aller à la CCC (Courmayeur-Champex-Chamonix, 100 km et 6000 m de dénivelé) fin août. Et puis en septembre, je vais finir ma préparation pour la Diagonale des Fous, et si j’arrive à bien récupérer de la Diagonale des Fous, il est possible que je prenne un dossard pour la Asics SaintéLyon pour bien m’occuper la saison, jusqu’au bout. On verra si je tiens jusque-là, s’il n’y a pas de bobos et si le corps est en forme, mais sur le papier c’est ça.

— Vous êtes rapidement devenue la figure de l’ultra trail en France, qui est pourtant une pratique peu médiatisée. Comment vivez-vous ce statut de « fer de lance » de la discipline ?

Je ne m’en rends pas forcément compte. Moi j’adore partager ce que je fais, j’adore partager en toute authenticité et vraiment en disant ce que je pense. J’ai la chance depuis un an et demi d’être à la Réunion, et du coup j’ai toujours envie de dire aux gens “mais venez voir, ici c’est magnifique !”. Je suis émerveillée par chaque endroit où je vais. Et c’est vrai qu’il y a des gens qui m’écrivent sur les réseaux, ça me touche toujours énormément quand il y a des filles qui me remercient, parce que grâce à moi, elles se sont mises à courir, des choses comme ça. Je n’en ai pas conscience, mais on ne peut rien me dire qui ne me fasse plus plaisir que ça. Si mes passages sur les réseaux ou autre, peuvent donner envie aux gens de se dépenser, de découvrir la discipline, de s’évader, tant mieux ! Moi je le fais assez naturellement parce que j’aime ça, j’aime les gens, j’aime le partage. Pour moi c’est normal de le faire. Il y a aussi le fait de le faire pour faire plaisir à ses partenaires et tout, mais personne ne m’a jamais obligé quoi que ce soit. C’est chouette de faire parler de notre sport et de peut-être donner envie à certaines personnes de le découvrir, des gens qui ne connaissaient peut-être pas. Tant mieux, moi je trouve ça chouette quand d’autres gens font vivre notre belle discipline. Pour moi, c’est de la simplicité et du partage comme j’aime le faire. Et tant mieux s’il y a un effet positif.

« Je trouve qu’Asics est de plus en plus présent dans le trail, ils ont maintenant une belle gamme en termes de chaussures. »

— On passe maintenant à la partie équipements. Vous faites partie de la Team Asics Trail depuis 2013. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste votre rôle dans les grandes lignes ?

Effectivement, ça fait bientôt dix ans que je représente la marque Asics et que je suis accompagnée et aidée par cette belle marque, qui d’ailleurs m’accorde toute sa confiance depuis toutes ces années, et j’en suis très reconnaissante. Pour moi, c’est vraiment une précieuse chance de pouvoir avoir des partenaires qui te soutiennent de manière aussi fidèle avec autant d’années. Mon rôle, encore une fois, se fait naturellement. C’est-à-dire qu’Asics me fait confiance, moi je leur fait confiance. Ils ne me demandent rien de particulier, mis à part être moi-même, partager ma pratique et mes ressentis sur les produits que j’utilise. Comme je n’ai jamais eu de problème avec les produits qu’ils m’ont donné, pour moi en parler, c’est assez facile. Donc juste représenter la marque sur le terrain, participer aux événements quand la marque est impliquée. Là par exemple, Asics est partenaire de la SaintéLyon, et puis on est sur le projet des jeunes Trail Elite Factory, c’est un programme à destination des jeunes traileurs pour détecter les futures pépites du trail. Ils m’ont mis marraine du programme, ça veut dire une présence sur les dates où on va organiser les sélections. Ça fait plusieurs années qu’on avance main dans la main avec Asics, ils m’accompagnent sur mes projets, ils sont très ouverts sur ce que j’ai envie de faire, ils me laissent beaucoup de libertés. En début d’année, on réfléchit sur le programme, on réfléchit ensemble sur les choses qu’on peut mettre en place, et ça se fait assez simplement et naturellement. Moi déjà, je suis quelqu’un qui aime bien varier les types de courses et puis eux, ils sont contents de la manière dont ça se passe. Il n’y a jamais eu d’accrochages, ou de conflits entre nous, parce que je pense que l’un comme l’autre, on est satisfait de la manière dont ça se passe et ça coule tout seul, sans vraiment trop se poser de questions.

— On imagine que les équipements sont très importants pour vous ?

Oui, tout à fait. Surtout les chaussures. Aujourd’hui, Asics a une belle gamme, je trouve qu’elle est très cohérente, et plutôt bien faite, parce qu’il n’y a pas dix mille références, il y en a peu mais bien construites. Il y a la Trabuco normale, nous on l’utilise très peu, parce qu’elle est un petit peu trop lourde pour nous. Mais sinon, il y a deux modèles qu’on utilise énormément, ce sont les Trabuco Lite et la Trabuco Sky. La Sky, c’est celle que j’ai actuellement dans les pieds pour courir, elle est super légère, il y a beaucoup de sensations. Moi j’aime beaucoup parce qu’elle est très dynamique. Par contre, sur des distances longues comme les ultras, il vaut mieux prendre la Trabuco Lite, qui est quand même un peu plus amortissante et un peu plus protectrice que la Lite. C’est celle que j’ai mise notamment sur le Marathon des Sables, elle est accessible à tout le monde, alors que la Sky est vraiment un peu trop légère pour tout le monde, ceux qui ont peut-être un peu plus de poids préféreront la Trabuco normale ou la Trabuco Lite. Je trouve qu’Asics est de plus en plus présent dans le trail, ils ont maintenant une belle gamme en termes de chaussures. Ils se sont aussi lancés dans les sacs. Avant, Asics ne faisait pas de sacs de trail. Depuis deux ans, ils ont mis au point des sacs qui commencent à tenir la route, qu’on utilise aussi d’ailleurs. Je n’ai pas pu le prendre pour le Marathon des Sables parce qu’il n’y avait pas assez de contenance, mais que j’ai déjà pris sur des courses en début d’année. Donc je pense que c’est un fait de la part d’Asics de se perfectionner un petit peu plus dans les équipements trail. Aujourd’hui, il y a quand même des produits qui sont vraiment au point.

— Pour en revenir sur les chaussures, comment les choisissez-vous, et utilisez-vous les mêmes modèles à l’entraînement et en compétition ?

Oui, ça peut. Je sais qu’il y a beaucoup de routards qui aiment bien faire ça, qui gardent vraiment précieusement une paire qu’ils vont utiliser pour la compétition, mais pas moi. C’est vrai que j’aime bien les légères pour l’entraînement, mais je les utilise aussi pour la compétition. Il n’y a pas vraiment de modèle réservé. Après, il peut m’arriver aussi de mettre des chaussures de route sur des sentiers propres, parce qu’il y aura un petit peu plus de dynamisme avec les chaussures de route. Mais comme je vais quand même souvent m’entraîner en terrain nature, c’est vrai que j’aime bien avoir quand même un petit peu d’accroche. Surtout à la Réunion, les terrains sont quand même accidentés.

— Que pensez-vous des dernières innovations chez Asics dans le trail et quels sont les points forts de la marque dans le trail ?

Comme je disais tout à l’heure, Asics tente et développe des choses de plus en plus à la pointe de la technologie. Ils s’adaptent aux exigences des coureurs, des exigences de plus en plus pointues. Aujourd’hui, les gens cherchent à la fois l’esthétisme, la performance, la légèreté, du dynamisme, le confort, être aussi protégé… Ce n’est pas évident, je pense, pour toutes les marques de trouver le bon compromis pour faire des chaussures qui contentent un peu tout le monde. Et je trouve que, de plus en plus, la marque réussit à atteindre ce compromis qui n’est pas toujours évident à trouver. Et surtout à adapter en fonction des pratiques avec les différents modèles de trail qui proposent. Il y en a pour tous les goûts, il y a la Trabuco normale qui est faite pour les profils un peu plus amateurs, des chaussures plus lourdes et très protectrices avec beaucoup d’amorti, il y a la très légère pour les compétiteurs et les performants comme je disais, il y a celle qui est intermédiaire… Donc oui, aujourd’hui, Asics a vraiment bien travaillé avec les équipes techniques pour faire des produits vraiment au point, sans perdre le consommateur dans trop de choix. C’est vrai que des fois, on a des marques qui proposent, je trouve, des super produits, mais on a trop de choix, on ne sait plus quoi choisir. Là, pour le coup, la gamme reste quand même relativement simple, et je trouve que c’est un très bon choix de la part d’Asics de ne pas s’être perdu dans trop de modèles différents. Donc les modèles sont de plus en plus adaptés aux exigences actuelles, et à la fois on est sur quelque chose qui reste quand même relativement accessible et simple. La marque évolue avec son temps. Asics s’est aussi rendu compte qu’avant, ils étaient axés plus running que trail, et aujourd’hui la part de trail est plus importante sur le marché de la course à pied, et je pense qu’Asics s’en est rendu compte et du coup travaille dans ce sens, avec aussi tout ce qui est accessoire, on parlait des sacs tout à l’heure. Et c’est pareil, avant Asics ne faisait pas de sacs. On voit que la tendance à accorder plus de place au trail est vraiment là, l’envie aussi, et du coup on est les plus contents.

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Propos recueillis par Emeline Pichon / STADION
Crédits photos : @colinolivero / ASICS

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