Manuela Montebrun : « J’ai un palmarès plus beau après ma carrière finie »

10 mai 2017 à 19:27

Ce n’est malheureusement plus un secret pour personne, les athlètes français sont champions des médailles de récupération. Manuela Montebrun peut en témoigner largement. Alors qu’elle a mis, il y a quatre ans, un terme à sa carrière, la Mayennaise continue de récupérer des médailles internationales. Huit ans après les JO de Pékin en 2008, l’actuelle détentrice du lancer de marteau (74,66 m) décrocherait la médaille de bronze au bénéfice des disqualifications de deux lanceuses Biélorusses. La conseillère d’animation de 37 ans est montée une seule fois sur un podium mondial ou olympique, c’était à Paris en 2003. Déjà lors des Mondiaux d’Helsiniki en 2005 elle récupéra la médaille de bronze, huit ans plus tard, en 2013, à la suite de contrôles positifs. 



— Stadion : Bonjour Manuela, racontez-nous le premier des deux seuls concours auxquelles vous prendrez part cette saison ?

Les sensations il n’y en a plus vraiment, maintenant je lance pour aider mon club de Laval. L’objectif c’était de réaliser plus de 45 mètres donc je suis contente. C’est toujours difficile les Interclubs parce que c’est long, on est 16 concurrentes et on a beaucoup de temps entre les essais. C’est dur de rester concentrée dans le concours jusqu’au bout. 

— Avec du recul, cinq ans après l’arrêt de votre carrière de haut niveau, quel bilan tirez-vous de celle-ci ?

C’était une superbe expérience. J’ai eu la chance de faire de bons résultats et cela m’a permis de voyager à travers le monde. Ce que je n’aurai pas forcément fait si je n’avais pas pratiqué l’athlétisme. J’en tire un bilan positif même s’il y a eu des médailles que j’ai récupérées plusieurs années après les championnats. J’ai envie de dire que j’ai un palmarès plus beau après ma carrière finie.

— Justement, vous avez récupéré deux médailles de bronze (Mondiaux 2005 et JO 2008). N’y-a-t-il pas un regret quand vous voyez la médiatisation des médaillés mondiales et olympiques ?

Les émotions ne sont pas les mêmes quand on reçoit la médaille le jour de la compétition. Cependant, si j’avais eu dans les temps la médaille des Mondiaux 2005 à Helsinki, je n’aurai peut-être pas réalisé la même carrière derrière, on ne peut pas savoir non plus. Peut-être que je me serai blessée ou que j’aurai pris la grosse tête. On est pas devin et on peut pas refaire le monde. C’est trop facile pour moi de dire que ma carrière aurait été différente. Par contre ce qui est sûr c’est que ça m’a privée de l’émotion du moment et de primes, faut pas se leurrer ça m’aurait bien aidée. 


ʻʻ Je ne sais pas comment les athlètes dopées peuvent se regarder dans une glace ʼʼ

— Dans quel état d’esprit étiez-vous à l’annonce de ces médailles de bronze surprises ?

Cela me fait rire un peu parce qu’on t’annonce cette médaille (JO de Pékin) huit ans après. C’est frustrant mais ça fait presque 5 ans que j’ai arrêté ma vie d’athlète et que je suis déconnectée. Je profite d’une vie éloignée des cages de marteau. Ce n’est pas comme si j’étais encore en carrière où il y aurait de la colère, forcément, par rapport aux athlètes. Mais je vois le côté positif des choses. C’est à dire qu’il y a des filles qui se sont dopées et elles se font prendre, même huit ans après. 

— Quelle saveur ont ces deux médailles ?

J’ai récupéré celle des Mondiaux d’Helsinki (2005) mais concernant la médaille olympique de Pékin (2008), je ne sais même pas si je vais la récupérer un jour. Il y a que les médias qui m’ont appelée en janvier. Officiellement, je n’ai aucune nouvelle de la Fédération.  

— Votre carrière aurait été différente avec ces deux médailles. Pensez-vous que l’on a volé votre carrière ?

Voler c’est peut-être exagéré. Mais ce qui est sûr c’est que des athlètes dopées ont pris la place à des athlètes propres. Après peut-être que sans se doper elles étaient devant quand même, on ne peut pas savoir non plus. Mais j’ai une pensée pour la neuvième du concours qui aurait dû être huitième à l’issue des trois premiers essais et qui aurait profité des trois lancers supplémentaires. Et grâce à ces jets-là, elle aurait pu passer devant moi. On ne peut pas le savoir et on ne peut pas refaire l’histoire. Mais je ne sais pas comment les athlètes dopées peuvent se regarder dans une glace.


ʻʻ Je suis fière d’avoir réalisé une carrière propre ʼʼ


— Aviez-vous des suspicions sur certaines concurrentes ?

On ne peut pas dire des noms comme ça parce que sinon c’est de la diffamation. Mais je ne suis pas étonnée et je ne tombe pas à la renverse non plus en disant « oh ce n’est pas possible, pas elles ».  

— Que pensez-vous des sanctions et des règles fixées ?

Sauf s’il y a une explication très claire, je suis favorable à la radiation à vie. Ce qui me fait rire, ce sont les athlètes qui se dopent et quand ils reviennent sur le circuit, ils courent plus vite ou lancent plus loin. Il y a un problème quelque part.

— Avoir réalisé cette carrière « proprement », est-ce votre plus grande fierté ?

Cela ne peut pas être une satisfaction parce que c’est normal. Mais quand on voit le contexte dans lequel est l’athlétisme aujourd’hui, je suis fière d’avoir réalisé une carrière propre. Je peux me regarder dans la glace. Les athlètes « propres » on est plus stressé que ceux qui se dopent, par rapport aux contrôles et au niveau des médicaments que l’on peut prendre ou pas. Ce sont des tricheurs en athlétisme mais ce sont peut-être des tricheurs dans la vie de tous les jours et ça c’est plus grave mais ça les regarde.


ʻʻ J’ai toujours le record de France mais avec Alexandra Tavernier, il ne devrait pas tenir ʼʼ

— S’il y avait qu’un souvenir à garder de votre carrière. Quel serait-il ?

C’est compliqué (rires), mais je vais dire la médaille de bronze des Championnats d’Europe à Munich en 2002. C’est la première médaille internationale et puis c’est dans un pays où les lancers sont reconnus. Les Allemands sont de fins connaisseurs et ils connaissent le marteau et les lanceurs. Cette breloque a donc une saveur particulière. J’ai toujours le record de France mais avec Alexandra Tavernier, il ne devrait pas tenir et c’est tout ce que je lui souhaite.

— Vous en êtes où sur le plan professionnel actuellement ?

J’ai obtenu mon concours de professeur de sport en 2006. J’étais sur un emploi réservé aux sportifs de haut niveau jusqu’à la fin de ma carrière. Depuis, je suis conseillère d’animation à la Direction Départementale de la Cohésion Sociale et de la Protection des Populations (DDCSPP) à Alençon.

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