Interview de Pierre-Ambroise Bosse : « J’ai retrouvé l’envie de courir »

26 octobre 2022 à 16:24

Présent à Saint-Pol-de-Léon (Finistère) pour s’entraîner sur la nouvelle piste qui portera prochainement son nom, Pierre-Ambroise Bosse nous a accordé une interview ce mardi 25 octobre dans une des salles de l’Hôtel de Ville où il a été reçu par les élus de la municipalité. Le Français de 30 ans est un bon client comme ont l’habitude de dire les journalistes. Toujours une bonne vanne et le mot pour rire pendant l‘interview, qui se transformera ensuite en conversation, et durera près d’une heure. Séduit par ce nouvel environnement et sa nouvelle organisation sportive, le champion du monde 2017 du 800 m revient pour Stadion sur les coulisses de son nouveau projet Bosse 2024 mais aussi sur sa soif de montrer qu’il est encore au top niveau après une « saison blanche ». Le pensionnaire du Lille Métropole Athlétisme attaque cette saison 2023 avec beaucoup d’envie et d’ambition. Entretien !

 

 
 
 
 
 
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— Pierre-Ambroise, comment allez-vous ? Comment se passe votre préparation hivernale actuellement ?

La préparation hivernale ne s’est jamais aussi bien passée. J’ai repris mi-septembre, très tôt par rapport à d’habitude étant donné que généralement je participe aux événements majeurs qui se terminent en août. À l’exception de cette année où j’ai clairement fait une année blanche. Un mal pour un bien. Cela m’a permis de reprendre tôt, et d’avoir le temps pour préparer une saison en salle afin d’avoir de réelles ambitions, comme aller chercher un record personnel et accrocher une médaille aux Championnats d’Europe en salle à Istanbul début mars. Pour l’instant il n’y a pas de pépins, tout va très bien.

 

— La nouvelle piste du stade d’athlétisme de Saint-Pol-de-Léon va porter votre nom. Qu’est-ce que ça représente pour vous ?

Yes, c’est fait ! De grands noms de l’athlétisme ont maintenant un stade, une salle, une piste à leur nom. Ladji Doucouré à Grigny, Christophe Lemaitre à Oyonnax ou encore Stéphane Diagana à Lyon. Je suis probablement l’athlète qui va porter le nom d’une piste le plus tôt après avoir remporté un titre majeur, ça fait vraiment plaisir. C’est un sacré privilège, un grand honneur même, et pour tout vous avouer, c’était assez inattendu d’avoir une piste à mon nom alors que je suis encore actuellement athlète de haut niveau.

 

— L’idée, c’est d’avoir un camp de base dans le Finistère et que ce soit votre lieu d’entraînement et de préparation ponctuellement dans les années à venir ?

Je suis bien reçu ici, on a été très bien accueilli. Je viendrai régulièrement préparer les Jeux olympiques 2024 ici, qui plus est ce seront mes derniers.

 

— Alors que s’ouvre la saison 2023, que retenez-vous de la saison 2022 quand vous regardez en arrière ?

Beaucoup de positif, on a créé une nouvelle dynamique autour de mon projet d’athlète de haut niveau. J’ai retrouvé l’envie de courir. Grâce à Bryan Cantero et à toute l’équipe qu’on a mis en place. L’histoire est simple, Bryan est venu me chercher dans un gouffre qui ressemblait à du sable mouvant. Plus je bougeais, plus je m’enfonçais s’en m’en rendre compte. Il m’a sorti de là et m’a redonné envie d’y aller, il a appuyé sur le bon bouton et a activé la sonnette d’alarme chez moi. J’ai recouru en 1’44 sur 800 m, ce n’était pas gagné d’avance et surtout pas forcément attendu. On a vraiment posé en 2022 le socle qui va me permettre à nouveau d’enrober ce beau gâteau, mettre un peu de chocolat, de la crème fouettée et bim, la cerise au-dessus.

« Aujourd’hui j’ai retrouvé ce goût là, le plaisir de courir »

— Vous avez que très rarement manqué les grandes compétitions d’athlétisme ces dernières années. Quel sentiment vous a traversé en vivant Eugene et Munich devant votre poste de télévision ?

On l’a commenté en live ! Ça m’a fait plus bizarre au moment où j’ai déclaré forfait, je me suis dit : c’est officiel, ça y est je n’y serai pas. Je ne me suis à aucun moment dit que c’était un tournant dans ma carrière, pas du tout. Je me souviens de tous mes championnats, de chaque moment. Et c’est vrai que je me suis dit que c’était dommage de louper ce voyage et de ne pas participer à cette aventure. Par contre, dès que les Championnats du Monde à Eugene ont commencé, c’était full équipe de France. C’était très agréable de supporter l’équipe devant son poste de télévision. J’ai regardé les deux championnats comme si je regardais une Coupe du Monde de football avec des potes.

 

— Que pensez-vous de la belle génération tricolore sur 800 m avec notamment Benjamin Robert, Gabriel Tual et avec des petits jeunes à l’image de Yanis Meziane qui poussent…

C’est clairement une génération qui a les crocs. Cette génération me fait beaucoup penser au manga One Piece, il y a d’un côté les Yonko, les quatre empereurs des mers qui sont là depuis longtemps. Je ne me considère pas comme un empereur (rires), mais tu as cette nouvelle génération qui casse tout et qui en veut. Il y a un vecteur et ils ne vont pas dans l’autre sens et par quatre chemins. J’aime beaucoup leur mentalité, je suis déjà parti en stage avec certains d’entre eux et c’est tous des bons petits gars. Ils méritent de performer et de faire ce qu’ils font actuellement.

 

— Comment va s’articuler pour vous la saison cet hiver ? Connaissez-vous votre programme de compétitions ?

Je vais commencer à courir dès le mois de janvier sur un premier meeting en France, puis l’idée c’est d’aller au Meeting de Karlsruhe (Allemagne, 27 janvier), au meeting de Torun (Pologne, 8 février), je sais que ça va courir très vite là-bas. On se rappelle tous du Britannique Elliot Giles qui a réussi le deuxième meilleur temps de l’histoire sur le 800 m en salle en courant en 1’43″63 l’année dernière. Ensuite, je me suis déjà engagé à courir à Liévin (14 février), puis les Championnats de France en salle à Aubière (18 et 19 février) et les Championnats d’Europe en salle à Istanbul (Turquie, du 2 au 5 mars).

 

— Comptez-vous partir en stage prochainement ?

Il est prévu que je passe deux semaines de stage début janvier à Séville.

 

— Vos premières semaines d’entraînement vous indique-t-elle déjà à quel niveau vous vous situez ?

L’année dernière, j’avais repris le chemin de l’entraînement en novembre. Alors que cette année, j’ai repris très tôt, dès la deuxième semaine de septembre. L’année dernière je partais de très loin, je confondais l’envie de courir, les compétitions, le moral, les sponsors qui n’étaient plus présents. C’était devenu difficile et pénible de faire de l’athlétisme. Aujourd’hui j’ai retrouvé ce goût là, le plaisir de courir, et c’est vrai que la génération qui pousse derrière m’a redonné les crocs. J’ai envie de retrouver le trône, vraiment.

« Aujourd’hui je me rends seulement compte que c’était une performance très dure à réaliser »

— Et justement une saison hivernale réussie, qu’est-ce que ça serait pour vous ?

Une médaille d’or aux Championnats d’Europe en salle à Istanbul, je pense que c’est toujours accessible. Quand tu vois qu’un athlète comme l’Espagnol Mariano García est capable d’être champion d’Europe et champion d’Europe en salle, je ne me considère pas moins fort que lui. J’ai fait une finale européenne en salle au moment où les internationaux étaient tous vraiment forts, à moi de me mettre au diapason. 1’45’75 ça ne suffit pas, peut-être qu’à l’époque ça suffisait pour gagner des courses et décrocher des médailles en championnat en salle mais, maintenant ça ne suffit plus.

 

— Vous détenez toujours le record de France du 800 m réalisé en 2014 à Monaco en 1’42″53. Que représente ce chrono pour vous 8 ans plus tard ?

Cette course avec la fameuse barbichette de l’époque ? Je ne me respectais tellement pas à 22 piges n’empêche ! C’est là que tu te dis quand même que j’avais bien taffé pour arriver à ce niveau là, parce que déjà c’est tellement dur de descendre sous les 1’44. À cette époque, je ne me rendais compte de rien. Pour moi tout roulait, j’avais l’impression qu’il ne pouvait rien m’arriver comme si j’avais chopé le totem d’immunité dans Koh Lanta et que je ne pouvais jamais me faire virer du conseil. Psychologiquement, j’étais vraiment dans cet état d’esprit. C’est vrai que depuis il y a de l’insouciance qui s’est échappée un petit peu, et aujourd’hui je me rends seulement compte que c’était une performance très dure à réaliser. Je connais la recette mais on a tendance à oublier certains ingrédients. Je pense qu’à un moment donné, j’ai oublié l’équilibre que j’avais dans la régularité de l’entraînement. Par moment, je pense que lors des dernières années, j’ai parfois abandonné là où à 20-22 ans je n’abandonnais pas certaines séances. Si on regarde bien à la loupe, ce sont les petits détails qui font la différence. Par exemple, je me souviens qu’avant sur une séance de fartlek, sur les dernières minutes, on mettait de grosses boîtes, je le ferai plus aujourd’hui car j’en ai plus les capacités. Par contre, ça fait partie de ce genre d’efforts qui m’ont fait arriver à ce niveau-là.

 

Les Jeux olympiques de Paris 2024 à domicile, vous y pensez tous les jours ? 

Je suis vraiment dans le moment présent. Les Jeux olympiques, c’est ce que j’ai dans un coin de ma tête mais par contre je l’ai mis dans un tiroir et je peux l’ouvrir à tout moment pour m’en rappeler et me dire « ah oui c’est vrai il y a ça, c’est très cool » mais c’est pas ce qui m’anime le plus. Ce qui m’anime, c’est réussir à retrouver ce fameux niveau. Je suis très content de faire partie de cette génération où il y a eu un changement radical dans le monde de l’athlétisme avec ces nouvelles technologies et je suis très fier de me dire que j’ai couru sans et maintenant je veux voir ce que ça donne avec et avec toutes mes capacités. De me dire que je n’ai pas lâché alors que j’étais à deux doigts de le faire. J’ai hâte en fait, j’ai retrouvé cette excitation de performer.

 

— Peut-on espérer vous voir continuer votre carrière sur la route ?

Non, aucune chance et c’est une certitude. Le gap que j’ai à passer est tellement conséquent sur la partie aérobie, ce n’est pas du tout un de mes points forts. Mes points forts, c’est la force, le sprint et la résistance lactique. Je suis persuadé que même en m’entraînant, je ne serai pas capable de passer sous les 30 minutes sur 10 bornes. J’ai couru toute ma vie, à un moment donné je ne suis pas Forrest Gump non plus (rires).

 

— Vous êtes le parrain de la 50e édition de la Saint-Pol Morlaix, la doyenne des courses en Bretagne, le 6 novembre 2022. Aurons-nous l’occasion de vous voir courir un jour les 10 km de Taulé-Morlaix pour le fun ?

Pourquoi pas, écoutez les paris sont ouverts.

« Je souhaite un bon courage aux habitants de Saint-Pol-de-Léon car ils vont devoir se farcir Pierre-Ambroise Bosse à partir de maintenant ! »

— Un petit mot sur Tonton Outdoor, qui est votre équipementier maintenant ?

Et plus si affinité avec Maëlan et Kévin qui sont de vrais potes, et avec qui il y a de nombreux projets en cours. Le destin fait qu’aujourd’hui c’est sur eux que je compte. Tonton Outdoor est un réel partenaire technique pour moi. Ils sont de très bons conseils sur la partie technique. Et ça va au-delà de l’image, ils m’incluent totalement dans leur projet au quotidien et c’est à quoi j’aspire maintenant dans la relation avec mes partenaires.

 

Les équipements ont-ils une grande importance dans votre quotidien à l’entraînement et en compétitions ?

Je n’ai jamais été très matérialiste. Il ne me fallait juste pas des pointes trop légères, étant donné que j’ai un appui assez fort. C’est vrai que la donne a complètement changé et mon curseur a bougé. Aujourd’hui, je suis obligé de réfléchir à ce sujet régulièrement. On n’a pas assez de recul sur ces nouvelles technologies, j’ai peur que ça crée de nouvelles blessures comme en avril 2021 où j’utilisais les pointes comme un gadget et j’allais beaucoup trop vite à cette période de l’année je me suis blessé sur un 300 mètres. J’ai battu mon record presque d’une seconde à 29 ans sur un 300 mètres en avril, normalement je réalise cela à l’approche des compétitions au moment où je suis très affûté. Ces chaussures nous font aller plus vite mais attention et aujourd’hui je suis encore dans ce type de questionnement. Je pense avoir trouvé l’équilibre, j’alterne entre les chaussures carbone et sans carbone à l’entraînement.

 

On vous a vu régulièrement courir avec des pointes Brooks qui est une marque peu portée par les demi-fondeurs. Quel est votre avis sur leurs modèles ? 

Et justement, le 800 m ce n’est pas du demi-fond. C’est quasiment encore du sprint, on est sur du 28 km/h avec des passages en 49 secondes au 400 mètres. L’avantage avec Tonton Outdoor c’est que je peux tester toutes les marques et tous les modèles. Avec tout le baguage accéléromètres cumulés avec mes sensations, on a déterminé que la pointe Brooks était celle que je préférais. Au niveau des données c’était similaire avec d’autres modèles mais par contre au niveau sensation il y a de très bonnes choses. Je suis quelqu’un d’assez instinctif en tant que coureur et c’est celle que j’aime le plus.

 

— On vous laisse le mot de la fin Pierre-Ambroise…

Évidemment, je tiens à remercier chaleureusement l’organisateur du Saint Pol-Morlaix, François Le Dissès, qui est à l’initiative de ce beau projet, et également je souhaite un bon courage aux habitants de Saint-Pol-de-Léon car ils vont devoir se farcir Pierre-Ambroise Bosse à partir de maintenant !

Crédits photos : Baptiste Kerrien / STADION

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