Présent à Rennes ce mercredi 9 mars à l’occasion de la conférence de presse de la Coupe d’Europe du 10 000 m dont il est tenant du titre, Morhad Amdouni nous a invité à s’immiscer dans son quotidien le temps d’un footing et d’un déjeuner.
À peine avait-il le temps de se changer à l’arrière de sa voiture que nous nous retrouvions, quelques minutes plus tard, attablés au restaurant « Chez Marco ». Après avoir fait une croix sur son plat de pâtes « désolé, nous n’en n’avons plus à cette heure-ci » s’excusait la serveuse, c’est autour d’une assiette de saumon, de riz et de pommes vapeur que le double champion de France de cross-country (2011 et 2018) s’est confié sur sa préparation hivernale et ses objectifs à venir. Durant une vingtaine de minutes, déjà bien assez pour voir son repas refroidir et les glaçons de son Perrier grenadine s’évaporer, le sociétaire du Val d’Europe Athlétisme a pris le temps de répondre à nos questions. Plongée au cœur d’un midi avec Morhad Amdouni !
— Morhad, vous venez d’effectuer un footing d’une heure. Comment s’est-il passé, et est-ce que les sensations étaient bonnes ?
Les sensations, avec le voyage et tout ça… C’est surtout de pouvoir déjà s’entraîner et se faire plaisir, parce qu’on est en Bretagne et l’idée c’est de pouvoir optimiser un maximum au niveau de la récupération pour être prêt pour les championnats de France de cross dimanche.
— Et plus globalement, comment se passe votre préparation hivernale ?
Ma préparation se passe bien. On travaille sur du long parce que je suis en pleine préparation pour le marathon de Paris. L’idée c’est de pouvoir faire un bon chrono là-bas. Mais avant ça, il y a comme objectif le cross de dimanche.
— Vous êtes parti au stage au Kenya en début d’année. Pouvez-vous nous raconter le déroulé de ce stage ?
Je suis parti au Kenya fin janvier, jusqu’à mi-février. Le stage s’est bien passé, les conditions étaient bonnes. Le lieu est magnifique. Tout était bien, maintenant il n’y a plus qu’à concrétiser pendant les compétitions.
— Quelle était la charge kilométrique de vos semaines ?
Au niveau de la charge kilométrique, j’ai commencé autour de 140/150 km, pour arriver jusqu’à 200/210 km. Je commence vraiment à bien assimiler et à m’habituer au niveau des kilomètres, alors qu’auparavant j’avais du mal. Là, c’est un peu normal car je commence à monter sur la distance marathon donc c’est tout à fait normal que j’arrive à ce nombre de kilomètres.
— Et après, comment avez-vous abordé le retour en France. Avez-vous bien récupéré ?
Oui, ça s’est bien passé, comme on a pu le voir sur mes demi-finales des championnats de France de cross chez moi à Chessy. Ça s’est plutôt bien passé, parce que je gagne quand même avec quarante secondes face à des gros athlètes potentiels : le Belge Soufiane Bouchikhi, qui est quand même dans le top 10 européen et mon camarade de club Azeddine Habz, bon c’est vrai qu’il n’était pas frais du tout parce qu’il avait battu le record de France du 2000 m en salle à Liévin quelques jours avant. Mais concrètement, je reste dans mon optique, dans ma mission et dans mon objectif de pouvoir arriver à bon terme et en pleine forme sur mes objectifs à venir.
— Justement, vous allez retrouver ces athlètes-là aux Championnats de France de cross-country aux Mureaux dimanche, quels seront les objectifs là-bas ?
Quand on est champion d’Europe, qu’on gagne les demi-finales comme je les ai gagnées… Après, rien n’est acté mais quand un Amdouni est bon, on n’a pas à se poser de questions. Sinon ça serait idiot et bête. Je ne vois pas beaucoup d’athlètes capables de courir en 27 minutes sur 10 000 m.
— Donc normalement c’est la victoire…
Normalement c’est la victoire, plus que la victoire.
— Vous êtes aussi à l’aise sur la boue, que sur la route ou sur la piste. Mais que préférez-vous ?
Ce que je préfère, c’est déjà d’avoir des bonnes sensations, comme tout le monde. Parce que dès qu’il y a des mauvaises sensations, comme j’ai pu le connaître au championnat de France de cross à Montauban… Ça dépend à quel moment. J’ai eu plusieurs bons souvenirs sur les championnats de France de cross à Plouay. Après, c’est différent. Ça dépend de comment j’ai amené aussi ma préparation, qu’est-ce qui a été le plus dur. Il y a des moments de doutes et tout ça, mais pour moi, c’est pareil.
— Donc ce qui compte, ce sont plus les sensations que le terrain sur lequel vous courez ?
Voilà, c’est ça.
— Vous êtes également un coureur polyvalent, du 10 000 m au marathon. Quel est votre effort favori et quelles sont les grosses différences ?
Même du 5000 m. Parce que j’ai quand même un record à 13’11″18 sur 5000 m en salle en 2017. Après, chaque chose a sa spécialité. Le marathon reste difficile parce que pour le moment je n’ai pas vraiment concrétisé un chrono à la hauteur de mes performances sur semi. En semi, je suis en 59’40, ce qui est quand même pas mal. J’aimerais bien être à la hauteur de mon semi sur marathon.
— Votre prochain marathon sera à Paris le 3 avril, quelles seront vos ambitions là-bas ?
Déjà, je ne veux pas entendre parler de Julien Wanders. Pour moi, il ne devrait pas avoir le double record, parce qu’il le dit par lui-même et le revendique : « moi, je ne cours pas pour le maillot de l’équipe de France, donc je m’en fous du record de France ». Dès que tu entends un athlète qui dit ça, nous, ça nous condamne au niveau des partenaires. Même si politiquement on ne sait jamais, on se dit que l’athlète en question est pour l’équipe de France. Lui, il est hors de question qu’il court en équipe de France. Et ça, c’est quand même difficile pour moi, pour nous les athlètes. Et du coup, il m’oblige à être plus performant parce qu’il a dit qu’il allait tenter le record de France sur marathon à Paris. Maintenant, je compte sur le soutien du public afin que je finisse devant lui. Même si je ne cherche pas l’adversité, tout en me concentrant sur moi-même parce que l’important c’est déjà de se concentrer sur soi avant de se concentrer sur les autres. Parce que dès qu’on est concentré sur soi, en général on est performant. L’objectif c’est de déjà mieux faire que son record.
— On se souvient de votre victoire à Plouay au France de cross en 2020 et sur les 10 km des championnats de France à Langueux l’année dernière. Cette année, vous serez au départ de la Coupe d’Europe du 10 000 m, le 28 mai à Pacé, à nouveau en Bretagne. C’est une région qui vous réussit bien. Pour la Coupe d’Europe, vous visez aussi la victoire ?
Après, tout dépend de l’organisateur Loïc Rapinel, s’il me met trop la pression et si je succombe ou pas (il rigole). Normalement, ça va le faire. Et j’espère que ça va le faire, parce que c’est vrai qu’on ne dit jamais deux sans trois, donc j’espère que le troisième ça va le faire. En cross, sur route et sur piste, ça fait trois.
— Comment faîtes-vous pour rester lucide et ne pas vous lasser au bout de 25 tours ?
Ce qu’il faut savoir, c’est que déjà on se forge dans la durée dans le quotidien de nos entraînements. On se met quand même minable à l’entraînement, parce que bon, on enchaîne des tours et des tours. Et quand on fait le record de France de l’heure comme moi, je pense que dix kilomètres ça paraît facile parce que j’ai fait 20,8 km en une heure (record de France, ndlr). Non, je me suis préparé à ça.
— Quels sont vos autres objectifs estivaux, envisagez-vous le doublé Championnats du monde/Championnats d’Europe ?
J’ai déjà comme objectif les championnats du monde sur 10 000 m à Eugene (15 au 24 juillet 2022). Maintenant, il ne restera plus qu’à pouvoir déterminer aussi ma participation sur marathon à Munich (15 au 21 août 2022). Après, c’est de pouvoir vraiment ajuster au mieux, parce que l’important c’est aussi de pouvoir choisir la forme là où il faut, parce qu’on ne peut pas être en forme toute l’année. Et ça, il faut que je sache aussi le maîtriser et savoir aussi lâcher un peu de temps en temps au niveau de mes entraînements parce qu’il y a quand même pas mal d’échéances…
— À plus long terme, que visez-vous aux Jeux de Paris ?
À Paris 2024, je rêve d’une médaille sur marathon. Quand on a un parcours comme le mien, qu’on est champion d’Europe du 10 000 m, en ayant presque la médaille au championnat du monde sur semi-marathon, en étant acteur jusqu’aux deux derniers tours sur 10 000 aux Jeux olympiques de Tokyo, j’ai plus que les atouts pour arriver à faire quelque chose à Paris. Et moi je vise la médaille, et même la médaille d’or.
Propos recueillis par Emeline Pichon
Crédits photos : Gaëlle Mobuchon / STADION