Championnats du monde : Jake Wightman s’offre Jakob Ingebrigtsen sur 1500 m

20 juillet 2022 à 13:36

Moment très attendu de ces Championnats du monde à Eugene, la finale du 1500 m a vu la victoire du Britannique Jake Wightman (3’29″23) qui a signé le plus grand exploit de sa carrière en devançant la star norvégienne Jakob Ingebrigtsen (3’29″47), qu’il a dépassé dans les 200 derniers mètres… et sous les commentaires de son père Geoff, speaker très ému. Pour la première fois de l’histoire, le top 5 mondial est entièrement composé de coureurs européens.

Le vainqueur de la finale du 1500 m n’est pas celui que vous pensez ! À l’issue d’une superbe course, Jake Wighyman est devenu presque à la surprise générale champion du monde en devançant dans les derniers 200 mètres le champion olympique Jakob Ingebrigtsen, qui avait pris les commandes à deux tours de l’arrivée, et en signant la meilleure performance mondiale de l’année et le deuxième chrono de l’histoire des championnats (3’29″23). Un finish à montrer dans toutes les écoles d’athlétisme qui a fait vaciller le speaker du stade d’Hayward Field. Pour une bonne raison : il s’agissait de Geoff Wightman, père de Jake, qui a donc annoncé le sacre mondial de son fils au public. Dans une grande émotion et sous l’œil des caméras, qui ont retourné leur objectif vers les tribunes pour capter sa réaction.

 

 

Jake Wightman a réalisé la course de sa vie pour décrocher le titre planétaire à Eugene. Son premier bien sûr, et sa deuxième médaille internationale après le bronze aux championnats d’Europe en 2018 à Berlin. Le Britannique a été d’une constance impressionnante : du premier 100 m jusqu’au dernier mètre, le nouveau champion du monde aura été au minimum dans le Top 4 de la course, malgré une cadence plutôt élevée. Et tout d’un coup, ligne droite opposée, à trois cents mètres de l’arrivée, c’est à ce moment que l’athlète de 28 ans a décidé de produire son effort, en faisant l’extérieur. Il déploie sa foulée pour se placer en première position à l’attaque du dernier virage. Personne ne le reverra. On se dit alors que le grandissime favori, recordman du monde en salle cette année, Jakob Ingebrigtsen va placer une dernière offensive, mais le Norvégien ne parvient pas à reprendre l’avantage dans la dernière ligne droite. Et surprise : le champion olympique de Tokyo est battu. Pas de doute, Jake Wightman avait ce supplément d’âme, cette énergie et cette inconscience juvénile. Cette majestueuse et déraisonnable envie de ne jamais abdiquer. On n’a pas fini d’entendre parler de ces 300 derniers mètres qui vous laissent sans voix et qui vous envoient dans une autre dimension. 

À l’approche de la ligne d’arrivée, le Britannique a d’abord levé les bras, puis a jeté ses mains sur sa tête avec incrédulité. Il signe la meilleure performance de la saison, son record personnel évidemment et surtout, le deuxième 1500 m le plus rapide de l’histoire des Mondiaux derrière les 3’27”65 du Marocain Hicham El Guerrouj en 1999 à Séville. Comme si cela n’était pas suffisant, c’est aussi la première médaille d’or pour la Grande-Bretagne depuis l’historique première place de Steve Cram à Helsinki en 1983, lors des premiers championnats du monde. Le champion national à Manchester cette saison est désormais sur le toit du monde, pour ses deuxièmes championnats après Doha où il avait terminé cinquième. Cerise sur le cake pour l’anglais, il se paye le luxe de voler la vedette à Jakob Ingebrigtsen au meilleur des moments.

 

La douche froide pour Jakob Ingebrigtsen

À l’arrivée, nous pouvons tout de suite apercevoir la déception du jeune prodige Norvégien. La tête baissée, Jakob Ingebrigtsen prononce des mots qu’il valait mieux ne pas traduire. Une frustration forcément légitime pour celui qui a déjà tout gagné à 21 ans sauf le titre mondial. Le champion olympique était venu pour ça, et il s’en est même pleinement donné les moyens. Au départ, le champion d’Europe 2018 ne change pas ses bonnes habitudes. Une toute première partie de course en queue de peloton pour ensuite remonter progressivement. Au 800 m, il prend les commandes et impose son rythme, tout va bien. Une course tactique au commencement mais qui va vite accélérer. Au 1000 m, le recordman du monde en salle passe en 2’20″28, et va garder la tête jusqu’au 1300 m avant l’attaque du Britannique qui va lui être fatale.

Après avoir dominé une bonne partie de la course, le vice-champion du monde en salle 2022 à Belgrade connaît donc le même sort en plein air. En guise de consolation, c’est tout de même sa première breloque mondiale sur le tartan, après avoir échoué au pied du podium en 2019 à Doha. C’est également la deuxième médaille sur la distance aux Mondiaux après le bronze de 2017 à Londres remporté par Filip Ingebrigtsen, le grand frère de Jakob et désormais coach de son cadet. Quelques jours avant le début des hostilités, la pépite norvégienne laissait penser à une éventuelle participation au 5000 mètres. L’occasion est tentante d’évacuer la frustration sur la distance supérieure pour celui qui a un chrono de référence cette saison en 13’02″08, réalisé en Californie.

 

L’Europe aux avant-postes

Qui dit course unique, dit classement général unique. Pour la première fois, le Top 5 est occupé par des athlètes du Vieux continent. Le Kényan Timothy Cheruiyot, vice-champion olympique et champion du monde en titre, a fini par craquer face à deux Espagnols dans la ligne droite. Le premier, Mohamed Katir, 24 ans, empoche le bronze en 3’29″90, meilleure performance de l’année et surtout première médaille internationale. Il devance son compatriote, Mario Garcia, vice-champion d’Europe espoirs 2021 qui a tout simplement réalisé les meilleurs 3 tours ¾ de sa carrière pour prendre une belle quatrième place. C’est la quatrième médaille espagnole de l’histoire sur la discipline après les trois breloques d’argents récoltées en 1987, 1993 et 1997. Renouveau.

Josh Kerr se charge de compléter ce top 5 continental. C’est peut-être lui l’autre déçu de la soirée. Très en forme en série et en demi-finale où il était passé devant son rival norvégien avec un grand sourire, le Britannique a finalement subi la cadence élevée et n’a pas pu se servir de son finish, clairement son point fort. Le médaillé de bronze des derniers JO repart tout de même avec son meilleur temps de la saison avec un 3’30”60. Un Britannique peut en cacher un autre ! Timothy Cheruiyot se classe finalement sixième en 3’30″69. En difficulté cette saison (un mile cette saison seulement, déjà à Eugene), il n’avait tout simplement pas les armes pour défendre son titre. Juste derrière, on retrouve son compatriote Abel Kipsang (3’31″21), médaillé de bronze aux Mondiaux en salle cet hiver à Belgrade, qui a lui aussi craqué dans la dernière ligne droite. Cette cinquième soirée de championnats n’aura finalement pas été à l’avantage des Norvégiens qui espéraient un doublé 1500-400 m haies, mais Kastern Warholm a payé son manque de préparation cette saison.

Texte : Briac Vannini
Crédit photo : Solène Decosta / STADION

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