Athlétisme : On fait le bilan des Mondiaux en salle de Belgrade

21 mars 2022 à 15:31

Alors que la Vénézuélienne Yulimar Rojas au triple saut (15,74 m) et le Suédois Armand Duplantis au saut à la perche (6,20 m) ont illuminé les Mondiaux en salle d’athlétisme de leur classe en améliorant leur propre record du monde à Belgrade, l‘équipe de France a pu compter sur ses hurdleurs avec l’or de Cyréna Samba-Mayela et l’argent de Pascal Martinot-Lagarde sur 60 m haies. Voici le bilan de la rédaction !

Voilà, la Stark Arena de Belgrade a éteint ses lumières ce dimanche, et c’est Nankin qui accueillera le prochain événement mondial en salle en 2023, du 17 au 19 mars. Alors que ce rendez-vous planétaire se dispute habituellement tous les deux ans les années paires, il devrait donc y avoir trois éditions en trois ans (Belgrade en 2022, Nanjing en 2023 et Glasgow en 2024) après une absence de quatre ans depuis Birmingham en 2018. Ces Mondiaux de Belgrade, très réussis, se terminent donc avec trois records du monde (deux battus ou un égalé) ce dimanche 20 mars lors de la dernière journée de compétition, à quelques heures d’intervalle.

 

Yulimar Rojas, toujours plus loin

 

Il y a d’abord eu les immenses jambes de Yulimar Rojas (1,92 m) et leurs façon si singulière d’apprivoiser la piste avec l’atterrissage à 15,74 m au triple saut. Un coup d’œil aux marques de ses poursuivantes mesure l’ampleur de la performance XXL de la protégée d’Ivan Pedroso : l’Ukrainienne Maryna Bekh-Romanchuk (14,74 m), médaillée d’argent, a été reléguée à un mètre pile ! Tout simplement époustouflant ! D’ores et déjà assurée de remporter une troisième médaille d’or aux Championnats du monde en salle après 2016 et 2018, la Vénézuélienne de 26 ans a sorti un bond prodigieux à son sixième et ultime essai, comme au Japon, confortant sa place de reine incontestée de la discipline. L’ancienne marque de référence (15,67 m) avait été établie en 2021 aux Jeux olympiques de Tokyo où Rojas s’était parée d’or. Désormais, Yulimar Rojas se projette vers un nouvel objectif : dépasser la ligne les 16 mètres. « Ma devise c’est « rien n’est impossible ». Je vais y arriver. Je suis née pour sauter 16 mètres et c’est ce que je veux pour inspirer les autres. Je sais que j’ai 16 mètres dans les jambes et c’est mon objectif. »

 

Armand Duplantis sur le toit du monde

 

 

Le petit génie du saut à la perche a encore frappé. Les superlatifs vont bientôt finir par manquer pour décrire ce que Armand Duplantis est en train d’accomplir. Le révolutionnaire suédois de 22 ans n’en finit plus de banaliser l’exceptionnel. Deux semaines après avoir franchi 6,19 m à Belgrade, il a récidivé dans la même enceinte dimanche, en portant son propre record du monde du saut à la perche à 6,20 m. Comme à Tokyo l’été dernier, il n’a fallu que quatre sauts à Armand Duplantis pour s’assurer son premier titre mondial indoor à la perche (5,60 m, 5,85 m, 5,95 m et 6,05 m). Le champion olympique a ensuite dompté 6,20 m à son troisième et dernier essai pour signer le quatrième record du monde de sa carrière. Le natif de Lafayette en Louisiane compte désormais 40 sauts à 6 mètres ou plus (46 pour Sergueï Bubka et 21 pour Renaud Lavillenie). « Je veux repousser les barrières. J’ai une bonne idée de ce dont j’ai besoin pour rester au sommet. Je veux être un gars qui saute haut dans les grandes compétitions. J’ai maintenant sauté suffisamment à plus de 6 mètres pour savoir qu’il est possible de battre des records n’importe quand ». Le félin américain Grant Holloway a frappé très fort aussi dimanche à Belgrade en égalant son propre record du monde du 60 m haies (7″29) dès les demi-finales.

 

Les haies tricolores à l’honneur

Sans deux de ses fers de lance, Kevin Mayer, blessé au tendon d’Achille, et Renaud Lavillenie, à court de forme, la délégation tricolore restreinte (10 athlètes) est repartie de Serbie avec deux belles récompenses, une en or et une en argent, se classant sixième au tableau des médailles. Bien que le bilan comptable soit légèrement moins bon que les trois breloques (dont deux en or) ramenées de Birmingham en 2018, depuis 2010, les Bleus ont au moins empoché une médaille dorée : Teddy Tamgho (Triple saut en 2010), Renaud Lavillenie (Perche en 2012), Eloyse Lesueur (Longueur en 2014), Renaud Lavillenie (Perche en 2016) ainsi que Renaud Lavillenie (Perche en 2018) et Kevin Mayer (Heptathlon en 2018).

 

 

La France a découvert un nouveau talent avec l’or décroché par Cyréna Samba-Mayela, âgée de seulement 21 ans. La protégée de Teddy Tamgho, gênée par des pépins aux ischio-jambiers durant le début de sa carrière, a réalisé la journée parfaite samedi. L’athlète tricolore a signé un splendide coup double en décrochant le titre mondial du 60 m haies et le record de France sur la distance en 7″78. La Lilloise a marqué de son empreinte l’histoire française de son sport. « Je suis dans un rêve, c’est un moment incroyable. Je suis tellement contente d’être là et j’ai apprécié chaque instant de la journée. En arrivant ici, je me suis mise en condition, j’ai pris les choses étape par étape et je me suis dit que ce serait pour moi l’opportunité de m’exprimer. J‘ai toujours été très ambitieuse, le travail paie et je vais travailler encore plus dur pour la suite. Aujourd’hui, je passe un cap sur les haies et je vais continuer à me surpasser pour espérer des choses encore plus grandes. »

 

 

Avec Pascal Martinot-Lagarde, les Bleus possèdent une valeur sûre, toujours à l’heure au rendez-vous quand il le faut et quand son corps le laisse tranquille. Dix ans après son premier podium mondial en salle à Istanbul, le hurdler tricolore de 30 ans a accroché une nouvelle médaille à son incroyable tableau de chasse avec l’argent remporté en 7″50 sur 60 m haies. C’est un nouveau succès pour le représentant de l’ES Montgeron qui compte désormais 8 médailles indoor, dont 4 quatre lors des grands rendez-vous mondiaux. C’est aussi à cela que l’on reconnait un grand champion qui entend encore bien faire parler de lui dans les années à venir. « Dix ans après ma première médaille mondiale, j’ai 30 ans et je continue d’en gagner, avance-t-il en zone mixte. Vous savez, des fois on est très déçu de revenir à la maison avec la « silver medal » parce que l’on veut toujours avoir la « gold » mais quand tu es en demi-finale avec quelqu’un qui réalise un record du monde à côté, je pense que l’on peut complètement se satisfaire d’une médaille d’argent. J’ai fait le job ! Devant moi, il y avait un extraterrestre, un ovni. J’ai assisté à une course historique ! ».

 

« C’est très satisfaisant »

À l’issue des Championnats du monde en salle de Belgrade, Romain Barras, le directeur de la haute performance, s’est présenté devant la presse à l’heure du bilan de la compétition. Au-delà des deux médailles remportées par Cyréna Samba-Mayela et Pascal Martinot-Lagarde, c’est l’état d’esprit positif de tout un collectif que retient le cadre de la Fédération Française d’Athlétisme. « Ce premier rendez-vous est une réussite pour l’équipe de France. Je parle de réussite pour l’équipe de France parce qu’avant de parler des médailles, je veux parler de l’état d’esprit. Ce qui était très important à implanter, c’était cet état d’esprit conquérant, ambitieux, sans complexe. Et c’est vrai que tous les athlètes sans exception ont répondu présents pendant cette compétition. On les avait sélectionnés parce qu’on espérait en faire des finalistes potentiels qui pouvaient s’exprimer dans un contexte international très relevé, qui est un contexte international mondial. Il n’y en a aucun qui a flanché. Tous ont été très proches de leur record et tous ont fait preuve d’audace dans leur performance. Si on prend des gens qui doivent être un peu plus déçus ce soir, par exemple Aurore Fleury, et bien elle craque à 150 mètres de la ligne. C’est une jeune fille qui a pris la course par le bon bout, malheureusement ça ne s’est pas bien passé pour elle à la fin, mais elle a été actrice, et c’est ça qu’il faut retenir. Thibaut Collet aussi. Si on s’arrête à la performance brute de 5,60 m, on peut se dire que c’est peut-être un peu loin de son record établi à Miramas (5,81 m). Mais son saut à 5,75 m, qui constituait encore son record il y a deux semaines, il en est tout prêt. Donc je pense que ça a donné énormément d’envie à ces personnes de continuer dans le très haut niveau, de continuer à aller chercher des places. »

 

« Et cette médaille d’or confirme tout le bien qu’on pense d’elle depuis quelques années »

En plus de ces performances encourageantes, les haies tricolores ont bien sûr brillé grâce aux deux médaillés Français, Cyréna Samba-Mayela et Pascal Martinot-Lagarde. « On a des gens qui ont confirmé, soit leur statut, soit tout le bien qu’on pensait d’eux avant ces championnats. Forcément, je pense là aux gens qui ont fortement réussi, qui ont terminé finalistes, et puis à nos deux médaillés. Pascal Martinot-Lagarde, qui a son habitude, après avoir économisé ses forces dans l’échauffement et dans les premiers tours de la course, a ressorti son tempérament de guerrier, de vainqueur assoiffé de victoire sur la finale. Et puis comment ne pas parler de Cyréna Samba-Mayela… C’est vrai que c’était la grande joie d’hier. Une jeune fille qu’on voit se transformer, vraiment, au niveau de l’attitude, au niveau du comportement, de l’ouverture aux autres. Vous l’avez vu sur ses présentations lors des finales ou à la fin de la course. C’est vraiment quelqu’un qui s’ouvre aujourd’hui et qui est en train d’exprimer son plein potentiel. Et cette médaille d’or confirme tout le bien qu’on pense d’elle depuis quelques années. C’est une super consécration aujourd’hui qui doit être suivie par une faim d’autre chose, parce que ce n’est que le début pour elle. »

Si Romain Barras ne préférait pas se fixer d’objectifs de médailles en amont de la compétition, force est de constater que ces deux breloques sont pleinement satisfaisantes, à l’instar également de tous les résultats du collectif tricolore. « C’est très satisfaisant, mais encore une fois, au-delà des médailles, c’est vraiment l’état d’esprit, le résultat global de l’équipe de France qui est très satisfaisant. Je n’ai pas forcément envie de m’attacher à ce qu’on regarde souvent au niveau international, c’est-à-dire la placing table ou la medal table. Ce sont des choses qui ne sont parfois pas révélatrices de ce qu’on voit en interne, nous c’est ce qui est important et c’est sur ça que l’on va travailler. Ce qu’on a vu, ce sont vraiment des athlètes qui répondaient présents le jour J et qui, après avoir gagné leur place dans une sélection qui était volontairement resserrée, ont réussi à s’exprimer vraiment le jour J. Que ce soient les petits jeunots, les primo-accédants à une sélection ou les cadres, ils se sont exprimés. »

En effet, la force de l’équipe de France semble résider dans sa pluralité et sa diversité, tant dans les épreuves représentées que dans le mélange de générations. De bonne augure avant les prochaines grosses échéances estivales. « Ce n’est pas important pour moi de montrer des nouveaux visages pour le grand public. Ce qui est important pour moi, c’est que les nouveaux arrivants de la jeune génération en équipe de France côtoient des anciens, que ça soit dans le contexte d’une sélection, mais aussi des regroupements équipe de France. C’est hyper vertueux. Les jeunes vont avoir l’ambition d’aller chercher les anciens, d’aller les battre même, il y a toujours cette volonté de se rapprocher, de s’inspirer de ce qui est fait plus haut, et ça c’est très important pour les jeunes. Mais d’un autre côté, ces anciens, ces cadres, eux vont avoir cette petite piqûre à l’orgueil qui va faire qu’ils vont avoir à cœur de rester devant, de se servir de l’émulation. Ce sont des leviers vertueux que de mélanger ces générations entre la fraîcheur et l’expérience. Et je pense que c’est la chance qu’on va avoir dans les années à venir, c’est que nos cadres sont encore là, notamment grâce à un événement planétaire qui va se dérouler chez nous, les Jeux olympiques de Paris 2024. Personne n’a envie de raccrocher le maillot et de raccrocher les pointes avant, donc nos cadres sont encore là, ils vont pouvoir avoir cette transmission parfois directe, parfois indirecte envers ces jeunes. Et ces jeunes qui n’ont qu’une envie, c’est d’aller chercher ces Jeux de Paris 2024, en apprenant le plus vite possible. Et comment apprendre le plus vite possible si ce n’est en s’inspirant de ce que les plus expérimentés ont déjà connu… »

Texte : Emeline Pichon
Crédits photos : Matthieu Tourault / STADION
© Tous droits réservés

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