Mélina Robert-Michon : « Après 25 ans de lancer du disque, il faut se challenger et aller chercher de nouveaux objectifs »

18 août 2023 à 9:23

Mélina Robert-Michon a remporté son 22e titre de championne de France Elite du lancer du disque à Albi et a toujours faim de compétition. À 44 ans, maman de deux enfants et vice-championne olympique à Rio en 2016, la discobole tricolore va participer à ses dixièmes Championnats du monde d’athlétisme à Budapest (19 au 27 août). Une longévité et une passion pour sa discipline hors du commun.

« Jamais de la vie je n’aurais pensé faire toutes ces compétitions et avoir une carrière comme ça ». Et pourtant, Mélina Robert-Michon est encore là, au sommet du disque français et international à quelques jours de son entrée en lice aux Mondiaux de Budapest où elle espère terminer dans le top 5. L’histoire de « MRM » avec le lancer du disque ne date pourtant pas d’hier et sa longévité a été évoquée de long en large au cours des 25 années où la Voironnaise a arpenté les aires de lancer du monde entier.

« Pourquoi je dure encore ? J’ai été bien accompagnée durant toute ma carrière et j’ai fait un gros travail psychologique même encore maintenant avec les psychologues, glissa-t-elle. On vit de très fortes émotions. Quand tout va bien, on est très haut mais quand ça ne marche pas, on tombe aussi très bas. C’est dur de gérer la pression qu’on se met à soi-même, la pression médiatique, etc. Sans cette pression, je ne serais sans doute plus aussi performante. Des fois je me dis : « mais qu’est-ce que je fous là quoi ? ». Et puis finalement j’y retourne parce que c’est ma drogue. C’est important d’être bien entouré pour pouvoir se reconstruire et repartir. J’ai beaucoup avancé sur le travail psychologique que je ne faisais pas du tout au début de ma carrière et je pense que c’est aussi ce qui me permet de durer et d’être bien dans mon corps et dans ma tête. »

« Le jour où j’irai à l’entraînement à reculons, il sera temps d’arrêter »

Parfaitement consciente de ses capacités physiques et techniques, l’expérimentée discobole sait qu’elle mérite sa place dans les plus compétitions internationales et sa présence à Budapest n’a rien de surprenant. « Je suis là parce que j’ai fait les minima et la performance qu’il faut pour accéder à ces Mondiaux. Mais si je veux être dans le top 5 mondial à Budapest, je vais devoir battre mon record de France (66,73 m). L’objectif final reste la médaille aux Jeux olympiques à Paris l’année prochaine ». Ses motivations premières n’ont pas changé d’un poil. « L’envie et le plaisir font de moi cette passionnée du disque ». S’arrêtera-t-elle un jour ? La principale intéressée a la réponse : « Le jour où j’irai à l’entraînement à reculons, il sera temps d’arrêter. »

La famille avant tout

Heureusement, ce jour n’est pas encore arrivé car depuis 1998, le début de sa carrière à haut niveau, et bien avant, « MRM » a pu compter sur le soutien inconditionnel de sa famille avant d’être accompagnée de plus près par son être le plus proche il y a un an et demi. A l’issue des Jeux olympiques de Tokyo en 2021, la native du Pays Voironnais laisse son entraîneur de toujours Serge Debié partir à la retraite après 24 ans de bons et loyaux services. Qui pour le remplacer ? Naturellement, son compagnon Loïc Fournet, père de leurs deux filles Elyssa (12 ans) et Enora (5 ans) et ancien discobole international, a pris cette place qui occasionna quelques changements dans leur vie et dans la carrière de Mélina Robert-Michon.

« Avec le recul, ce saut dans l’inconnu était le bon choix. Il a fallu remettre pas mal de choses en place parce qu’avec Serge (Debié), on avait tellement l’habitude de travailler ensemble, on se connaissait parfaitement. Avec Loïc (Fournet), il a tout remis à plat, en définissant un mode de communication pour bien se comprendre et fixer le rôle de chacun dans cette relation « entraîneur-entraînée ». On le vit en famille, c’est un plus, souligne la pensionnaire du Lyon Athlétisme à la recherche de nouveaux objectifs. C’est un beau projet à partager en famille. Je pense qu’on a tous les deux envie de réussir ce challenge. Et puis Loïc m’apporte aussi une nouvelle vision. Après 25 ans de lancer du disque, il faut se challenger et aller chercher de nouveaux objectifs. »

« MRM » ou le modèle de maternité

La vice-championne du monde 2017 a vécu ce nouveau projet après l’avènement de leurs deux filles. Pourtant, allier maternité et entraînement de championne n’est pas chose aisée. Malgré tout, Mélina Robert-Michon en a fait sa force et a réussi à revenir à la compétition avec succès après la naissance de sa deuxième fille en juin 2018. Devenue un exemple, la doyenne de l’équipe de France d’athlétisme fait partie de celles qui n’hésitent désormais plus à faire des bébés pendant leur carrière alors que la grossesse dans le sport de haut niveau reste tabou. Elle milite maintenant pour que l’accompagnement des mères et sportives se fasse dans de meilleures conditions. « Je pense que montrer des exemples de femmes qui ont eu des enfants pendant leur carrière est le meilleur moyen de faire avancer les choses. Après, le but n’est pas que toutes les femmes aient un enfant pendant leur carrière, c’est juste qu’elles sachent qu’elles ont le choix. C’est important de le savoir. Si, à un moment donné, pendant leur carrière, elles veulent avoir un enfant, elles peuvent le faire. »

La médaillée d’argent des Mondiaux de Moscou en 2013 rappelle également que les mentalités doivent encore évoluer sur la vision de la maternité dans le monde du sport, à n’importe quel âge et surtout quand le corps devient un outil de travail. « Ce n’est pas une injonction à toutes les femmes, c’est important de savoir qu’on a le choix. Il y a des gens qui sont bienveillants et qui accompagnent ce choix là. C’est quand même déjà dur quand vous êtes bien entouré et toujours accompagné.  Donc si en plus vous tombez sur un entraîneur qui vous dit : « écoute si tu veux avoir un enfant, tu te démerdes » c’est ça qui devient très compliqué. »

Un rôle de maman chez les Bleus

Inusable, Mélina Robert-Michon prendra part pour la dixième fois aux Championnats du monde, ce qui fait d’elle la plus expérimentée, et de loin, d’une équipe de France où se mêlent expérience et nouvelles têtes. Maman en dehors de la piste, la Voironnaise assume également ce rôle dans les vestiaires des Bleus. « C’est mon tempérament d’être maman et d’intégrer les jeunes qui arrivent. Quand des nouveaux retrouvent la sélection senior, ils ne connaissent pas grand monde et j’aime beaucoup échanger avec eux parce que je trouve que c’est ça qui fait la réussite de l’équipe de France : ce mélange entre les jeunes, les plus expérimentés et ceux aussi qui viennent de différentes disciplines. On a une diversité qui est énorme en France ! Je m’enrichis aussi de tous ces parcours et ces histoires que possède cette nouvelle génération » . Quand on lui demande ce que la « next gen » lui inspire, la vétéran des Bleus s’enthousiasme immédiatement. « Que ce soit à la perche avec Thibaut Collet par exemple, la densité sur le 110 m haies mais aussi Hilary (Kpatcha) à la longueur et un 800 m de feu, la nouvelle génération regorge de belles surprises et ça fait du bien ! »

Dans le monde du disque français, la championne de 44 ans a souvent survolé les débats (38 titres de championne de France toutes compétitions confondues) mais arrivée en compétitions internationales, ce n’était pas toujours la même histoire. Cette année, l’ancienne protégée de Serge Debié a lancé à 65,49 m au Meeting de Montreuil (son meilleur jet depuis 2017) et peut compter sur les jeunes Marie-Josée Bovele-Linaka (Nice Côte d’Azur Athlétisme) et Amanda Ngandu-Ntumba (CA du Roannais) pour la pousser dans les compétitions nationales et internationales. La première est même parvenue à détrôner la reine du disque lors des championnats de France hivernaux en février dernier.

« À Rio en 2016, il y avait Pauline Pousse, qui avait fait plus de 62 mètres pendant la saison et qui me poussait vraiment sur toutes les compétitions la même année. Et c’est la saison où j’ai été la meilleure. Et puis Amanda (Ngandu-Ntumba) est arrivée et je pense que ça m’a plu et ça me booste maintenant. L’arrivée de ces jeunes, je le vois comme quelque chose de positif pour moi et qui va m’aider à continuer à me surpasser. Il y a eu des saisons pour moi qui ont été plus compliquées, justement parce que j’étais toute seule. Par exemple, j’étais loin devant au niveau national, mais je n’étais encore pas au niveau international. Je gagnais facilement les compétitions françaises mais je prenais 10 mètres dans les compétitions internationales donc c’était pas évident pour progresser. C’est chouette pour la discipline d’avoir des jeunes lanceuses talentueuses de nos jours en France ». Malheureusement, aucune autre discobole tricolore n’accompagnera Mélina Robert-Michon dans ces Mondiaux, Ngandu-Ntumba et Bovele-Linaka ayant réalisé respectivement 59,91 m et 57,21 m (minima fixés à 64,20 m).

Porte-drapeau au Jeux olympiques de Paris 2024 ?

La Lyonnaise d’adoption a pris l’avion pour Budapest avec des ambitions affichées mais aussi et surtout un objectif dans le viseur : préparer les Jeux olympiques de Paris 2024. Tête d’affiche d’une délégation bleu blanc rouge qui voudra briller à domicile, Mélina Robert-Michon attend ses septièmes olympiades avec impatience mais 23 ans après Sydney, c’est tout ce qu’il y a « de normal ». Et il faut dire que petite, Mélina Robert-Michon avait déjà la tête sur les épaules. « Il y a des athlètes qui rêvent d’être champion olympique ou du moins de faire les Jeux, alors que moi, c’était pas du tout le cas ». Forte d’un charisme inébranlable et d’une humilité à toute épreuve, celle qui a été élue athlète française de l’année à trois reprises est une nouvelle fois nommée parmi les candidates au porte-drapeau de ces Jeux olympiques. Un honneur. « Les JO, c’est un rêve et être porte-drapeau, c’est encore au-dessus. Représenter son pays, représenter toute l’équipe de France olympique, c’est un but ultime ». Entre indomptable persévérance et résonance impérissable, ce prestige ne serait que récompense.

Les qualifications du lancer du disque femmes auront lieu le samedi 20 août à partir de 9h00.

Texte : Dorian Vuillet
Crédit photo : Solène Decosta / STADION

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